La Turquie aurait vendu des secrets nucléaires au Pakistan

Se Propager

Dans un entretien accordé au magazine britannique Sunday Times et publié dans son édition du 6 janvier dernier, Sibel Edmonds révèle que la Turquie aurait vendu des secrets nucléaires au Pakistan, premier pays musulman détenteur de l’arme atomique depuis une dizaine d’années. Une organisation turque, suspectée de liens avec le terrorisme, le trafic de dogues et de matériel nucléaire, aurait infiltré dans ce but le Département d’Etat américain et le Pentagone, selon S. Edmonds, qui était traductrice de turc au FBI à l’époque des faits. Elle aurait surpris dans l’exercice de ses fonctions, des centaines de conversations confidentielles qui viendraient étayer ses accusations. Elle s’est décidée à contacter le Sunday Times le mois dernier, après avoir pris connaissance des révélations d’un membre d’Al Qaïda qui affirmait avoir entraîné certains des pirates de l’air kamikazes du 11 septembre 2001 alors qu’il se trouvait en Turquie.

Dans l’entretien publié par le magazine britannique, elle décrit comment des agents de services étrangers avaient ou obtenir la confiance d’officiels américains en vue d’acquérir des informations très sensibles, dans le domaine militaire, et plus particulièrement nucléaire. Elle indique notamment, dans un témoignage enregistré de plusieurs heures dont le magazine ne publie que les extraits les plus édifiants, qu’elle a obtenu la certitude qu’un officiel en vue du Département d’Etat américain aurait été payé par des agents turcs en poste à Washington qui revendait les informations classées secret défense au marché noir à différents clients, dont le Pakistan. Le responsable américain vendait ainsi des informations provenant du Département d’Etat, mais aussi du Pentagone, à des agents oeuvrant contre les intérêts de son pays, et cela pour de l’argent et autres gratifications. Selon elle, le FBI réunissait des preuves visant à démasquer des hauts responsables du Pentagone qui auraient collaboré avec des agents étrangers. La révélation au public de l’identité des personnalités américaines impliquées, passibles de poursuites judiciaires et de graves sanctions, provoquerait un scandale énorme selon S. Edmonds, dont le témoignage tend à montrer le degré d’infiltration des pays occidentaux par des agents de puissances étrangères en quête de secrets nucléaires, avec la complaisance souvent des pays visés, qui ont aidé objectivement des Etats comme le Pakistan à se doter de l’arme nucléaire.

A ce jour, les efforts de structures comme le FBI ou le service britannique des douanes pour contrer les voleurs de secrets nucléaires et les démasquer se sont heurtés à la raison d’Etat, les pays concernés préférant sauvegarder leurs relations diplomatiques avec les pays impliqués dans ces vols. S. Edmonds, qui parle couramment le turc et le farsi, avait été recrutée par le FBI au lendemain des attentats du 11 septembre. Ses précédentes révélations sur les failles du FBI, malgré le devoir de réserve auquel elle a été astreinte, avaient fait l’objet d’une large couverture médiatique aux Etats-Unis. Elle se situait aux premières loges, sa mission au FBI consistant à traduire des milliers d’heures de conversations avec des diplomates et responsables politiques turcs, placés sur écoutes par l’agence américaine. Elle avait eu aussi accès à des enregistrements remontant à 1997, dans le cadre de l’enquête menée par le FBI sur les liens entre Turcs et Pakistanais, et les cibles américaines et israéliennes. Avant de quitter le FBI en 2002, elle disposait d’assez d’informations permettant d’établir avec certitude l’implication de certains éléments dans des opérations de blanchiment d’argent, de trafic de drogues et de tentatives d’acquérir des armes nucléaires et conventionnelles. Le constat était d’autant plus affligeant que pendant que le FBI menait son enquête, plusieurs instances du gouvernement déployaient tous leurs efforts pour étouffer l’affaire, déplore S. Edmonds.

Les Turcs et les Israéliens auraient placé des « taupes » dans les institutions militaires et universitaires, liées à l’activité nucléaire. Il y aurait eu des transactions concernant la vente de matériel nucléaire tous les mois, les Pakistanais étant les principaux intéressés, et le réseau ainsi tissé recueillait des informations de chacune des agences nucléaires exerçant aux Etats-Unis. Les « taupes » bénéficiaient des facilités offertes par le haut responsable du Département d’Etat, qui leur donnait une couverture pour infiltrer en toute sécurité les centres de recherches les plus sensibles sur le nucléaire, dont le laboratoire de Los Alamos au Nouveau Mexique. Dans l’une des conversations surprises par S. Edmonds, le même responsable américain discutait les termes de sa « commission », estimée à 15 000 dollars, qui devait être apportée en un lieu convenu par un membre du personnel diplomatique turc. Les Turcs servaient le plus souvent d’intermédiaires pour les services pakistanais (ISI), car ils étaient moins sujets à la suspicion, en raison des liens d’amitié solides entre la Turquie et les Etats-Unis. Le Conseil turco-américain (Americain Turkish Council) à Washington aurait fait ainsi office de pourvoyeur de fonds pour les commissions versées au responsable américain impliqué dans le trafic. Elle-même aurait eu vent d’au moins trois transactions de ce type en deux ans et demi, mais elle affirme qu’il y en sans doute eu davantage. L’opération aurait été menée pour le compte du Pakistan par le général Mahmoud Ahmad, qui était alors le chef des services pakistanais. Les conversations qu’elle aurait interceptées entre le général pakistanais et ses agents en poste à Washington montreraient qu’ils étaient en contact permanents avec les attachés de l’ambassade turque. La Turquie elle-même pourrait bénéficier de ces secrets nucléaires, même si l’on n’est pas en mesure d’affirmer qu’elle a l’ambition de se doter de l’arme nucléaire.
Ces révélations, qui interviennent peu après la rencontre entre le président Bush et son homologue turc Abdulah Gül, censée illustrer un réchauffement entre Washington et Ankara, sont d’autant plus embarrassantes pour les deux alliés de l’Otan que les services pakistanais ont une réputation sulfureuse. Malgré l’alliance scellée entre les Etats-Unis et le Pakistan, qui est devenu le principal allié des Américains dans la « guerre contre le terrorisme » déclenchée contre l’Afghanistan dans la foulée des attentats du 11 septembre, l’ISI, en partie sinon dans sa totalité, continuerait à soutenir Al Qaida. Les services pakistanais, souvent liés aux islamistes, persistent à jouer la carte des talibans en Afghanistan, et manifestent une complaisance évidente à l’égard des tribus pachtounes qui leur sont liées dans les régions du nord du Pakistan frontalières de l’Afghanistan. Dans les conditions d’instabilité que connaît le Pakistan, illustrées le 27 décembre encore par l’assassinat de Benazir Bhutto, la détention de l’arme atomique par le Pakistan, qui a frôlé à plusieurs reprises une guerre nucléaire avec son voisin indien lui aussi détenteur de la bombe, a de quoi inquiéter les Américains. Mais l’administration Bush, soucieuse de préserver ses relations avec Islamabad, persiste à désigner l’Iran comme sa principale préoccupation en raison de ses efforts pour enrichir l’uranium à des fins présumées militaires. Et ce, même si un rapport des services américains rendu public fin 2007, minimisait la menace iranienne en affirmant que Téhéran avait gelé depuis quelques années son programme nucléaire militaire, jetant le doute du même coup sur les accusations de l’administration Bush, suspectée d’arrière-pensées politiques dans ses diatribes contre l’Iran…

raffi
Author: raffi

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut