Jeudi 11 octobre 2007
Quotidien israélien « Ha’aretz »
Adam Schiff, le membre du Congrès qui proposa la résolution pour que le massacre des Arméniens soit appelé génocide, est juif. La nation juive devrait lui être reconnaissante d’avoir pris cette initiative, parce qu’elle a sauvé l’honneur juif en Amérique, en Israël et partout ailleurs. Il nous a rendu notre image humaine, contrairement aux cyniques et aux négationnistes qui demandent qu’on les dédommage d’être des perpétuelles victimes.
Le membre du Congrès Schiff suit la route tracée par un autre Juif, Henry Morgenthau qui était à cette époque ambassadeur des USA en Turquie. Il dit que ce massacre était « le plus grand crime de l’histoire moderne. »
Schiff s’intéresse également à un autre Juif, Franz Werfel qui se rendant sur les terres d’Israël s’arrêta à Damas et fut horrifié de voir « ces enfants réfugiés malades, mutilés et mourant de faim. » Il publia le roman « Les quarante jours du Moussa Dagh » (1933) qui consterna le monde.
En 1918 Shmuel Talkovsky, alors secrétaire de Haim Weizmann, écrivit avec son approbation : « Y a-t-il une autre nation dont le sort ressemble plus au nôtre que les Arméniens ? »
Mais aujourd’hui en Israël il y a des Juifs qui sont moins juifs et des Sionistes qui sont moins sionistes, y compris à la tête de l’état et à la tête du gouvernement. Nier le génocide d’une autre nation n’est pas moins laid que nier le nôtre. En plus, c’est dangereux. La négation d’aujourd’hui c’est l’Holocauste de demain. Le génocide des Arméniens ne fut pas le premier de cette époque. L’armée impériale allemande a massacré 100 000 Namibiens en 1904. En 1915, le génocide des Arméniens a commencé ; les Ottomans ont tué 1,5 million d’entre eux en utilisant diverses méthodes. Si le monde s’était dressé en protestant contre le génocide des Namibiens et celui des Arméniens, l’Holocauste des Juifs aurait peut-être pu être évité. Cela n’est pas qu’une supposition, c’est probablement un fait. Une semaine avant d’envahir la Pologne, Hitler déclara à ses officiers (le 24 août 1939) « Ce qu’une civilisation faible d’Europe de l’Ouest dira de moi m’est totalement indifférent… J’ai donné l’ordre à ma division tête de mort de tuer sans pitié et froidement hommes, femmes et enfants d’origine et de langue polonaise. Qui après tout parle aujourd’hui de l’annihilation des Arméniens ? »
Tel était le message apaisant d’Hitler à ses troupes.
La prochaine fois, qu’un personnage plein de haine envers Israël, Mahmoud Ahmadinejad par exemple, nie l’Holocauste des Juifs, et que nous huons et hurlons contre cela, il se trouvera quelque non- Juif satisfait de lui- même prêt à dire « vous avez raison, mais nous avons nos propres Turquies. »
Comme victimes de l’histoire et de la nature, nous devrions être ceux qui passent le message d’un bout à l’autre du monde, que ce qui nous est arrivé peut encore se produire, à nous et aux peuples du Rwanda, de Bosnie, du Cambodge, du Soudan, de Birmanie.
Il n’est pas besoin de comparer les génocides pour comprendre la souffrance d’autres nations.
traduction de Gilbert Béguian pour NAM