JERUSALEM (IA Realist) . La situation qui prévaut dans le monde est étonnamment similaire à celle qui s’est développée en Europe vers 1939. A cela près qu’aujourd’hui la Turquie et le néo-ottomanisme ont remplacé le Troisième Reich et le nazisme, et que la cible principale des néo-ottomans n’est pas les Juifs, mais les Arméniens. Cependant, comme à l’époque du nazisme, avec le néo-ottomanisme, tous les non-ary…, pardon, tous les non-turcs souffriront.
Comme à l’époque, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup espèrent rester à l’écart considérant que ça n’est pas leur problème. Cela ne marchera pas, messieurs. La bête ne se rassasiera pas uniquement d’Artsakh et d’Arménie. Aujourd’hui, elle réalise l’Anschluss avec l’Azerbaïdjan, puis elle mettra le feu à l’Asie centrale, puis ce sera le tour des Balkans et, enfin, de la Russie. L’histoire se répète.
Les promesses d’Aliyev de respecter les droits civiques des Arméniens en Artsakh rappellent beaucoup la promesse d’Hitler de créer un État pour les Juifs sur le site du quartier juif. Hitler n’a pas créé d’État, mais un ghetto à Varsovie. Et il y a eu Theresienstadt, Auschwitz et bien d’autres ghettos et camps de la mort.
A la veille de la Grande Guerre patriotique*, les nazis circulaient comme chez eux en Union soviétique, un commerce intensif se développait entre les deux futurs ennemis mortels et, en accord avec le pacte Molotov-Ribbentrop, les déclarations négatives sur le régime nazi n’étaient pas autorisées dans les journaux soviétiques.
Je ne pense pas que l’URSS n’avait pas compris qui était visé par l’accord de Munich et pourquoi la France et la Grande-Bretagne s’étaient contentées de déclarations après l’attaque de l’Allemagne nazie contre la Pologne …
Je crois que même aujourd’hui la Russie sait parfaitement contre qui est dirigée l’alliance de la Turquie et de l’Ukraine, en fait – l’axe Ankara-Bakou-Kiev. Comme à l’époque, au siècle dernier, la Russie mène des guerres locales ou tente de résister à l’agresseur en Syrie et en Libye. Mais jusqu’à présent, seule la petite Arménie contient l’assaut d’une nouvelle épidémie de peste brune, et les grandes puissances et alliés observent, appellent à la paix, donnent des conseils.
Comme à l’époque, il y a plus de quatre-vingts ans, les puissants du monde sont prêts à sacrifier les faibles pour leur propre confort. En 1938, c’était la Tchécoslovaquie. Aujourd’hui derrière les appels à un règlement, la volonté des puissances mondiales de sacrifier l’Arménie est évidente. Mais l’Arménie n’est pas la Tchécoslovaquie et se dressera contre l’agresseur jusqu’au bout, avec ou sans alliés.
Très probablement sans, au moins pendant très longtemps. Parce que les États-Unis sont plutôt satisfait de leur gardien des détroits, parce que bien que ce soit un fils de pute, c’est leur fils de pute. La Grande-Bretagne ne sera guère touchée par le nouveau génocide arménien. Si nous nous regardons combien de tribus et de peuples ont été exterminés par les Britanniques dans leur histoire, alors ils sont certainement beaucoup plus proches des Turcs que des Arméniens. L’Arménie ne recevra que la sympathie de la France. La Russie est un allié stratégique de l’Arménie, mais il est peu probable qu’elle protège les Arméniens si cela affecte sa relation avec les Turcs. Il y a aussi l’Iran, mais il a ses propres problèmes et il est peu probable que ce pays se lance dans une confrontation ouverte avec les Turcs, surtout maintenant, alors que n’importe quel prétexte peut être utilisé par l’OTAN pour une agression contre la République islamique.
L’Arménie peut difficilement compter sur la Géorgie, totalement vendue aux Turcs.
Pourtant la situation n’est nullement désespérée, et les néo-ottomans ne pourront pas faire avec l’Arménie ce qu’Hitler a fait avec la Tchécoslovaquie et la Pologne. Tout d’abord, parce que le soldat arménien, sinon le meilleur, est l’un des meilleurs au monde. Il est non seulement courageux, mais aussi intelligent et extrêmement professionnel.
Ensuite, parce que les Arméniens aussi bien en Arménie que dans la diaspora font aujourd’hui preuve d’une unité et d’une volonté de sacrifice sans précédent. Enfin, et c’est essentiel : malgré la réticence évidente des puissances mondiales à aider l’Arménie, les Arméniens ne sont pas seuls et sont capables de créer eux-mêmes un large front contre l’expansion néo-ottomane.
La Turquie depuis plus d’une décennie améliore ses compétences dans la conduite de guerres par procurations et de guerres hybrides – on le voit dans les exemples du Kosovo, de l’Irak, de la Syrie, de la Libye et maintenant de l’Artsakh. Il est temps pour l’Arménie d’utiliser la même arme contre son ennemi mortel.
Comment faire ? Tout d’abord, coordonner les actions avec les pays victimes de l’agression néo-ottomane, la Syrie, l’Irak, la Libye et la Grèce. La Turquie a créé un très large front du Maghreb au Caucase du Sud. La coordination des actions avec les pays victimes de l’agression turque contribuera principalement à neutraliser l’avantage de l’agresseur en personnel et en équipement. Par exemple, la guerre en Artsakh a provoqué le retrait de forces importantes de terroristes de Syrie. C’est le moment pour l’armée du président Bachar al-Assad de lancer une offensive contre les enfants adoptifs d’Erdogan, mais il n’y a pas d’accords ni de coordination des actions entre les deux pays pour le moment, et par conséquent, les armées des deux pays subissent des pertes beaucoup plus importantes que dans le cas d’un front anti-ottoman uni.
La guerre hybride implique plus que du sabotage, des cyberattaques et des combats sur le terrain. Les pays victimes de l’agression turque peuvent agir dans le domaine juridique en intentant une action en justice contre la Turquie en tant que principal organisateur et sponsor du terrorisme international.
Quant à la guerre par procuration contre l’agresseur, l’Arménie et la coalition anti-turque ne doivent pas rester indifférentes au conflit turco-kurde en Turquie même. Dans la confrontation avec le néo-ottomanisme, le renforcement temporaire des Kurdes en fournissant les armes nécessaires et en formant le personnel de la guérilla kurde peut sérieusement handicaper les plans de domination mondiale d’Erdogan.
Ce qui sera efficace ou pas devra bien sûr être décidé par les autorités compétentes, tout d’abord en Arménie et dans les pays victimes de l’agression turque. Mais cela doit être fait maintenant, sans attendre le printemps de l’année prochaine, lorsque, selon toute vraisemblance, la coalition turco-azerbaïdjano-ukrainienne lancera directement son agression contre la Russie dans le Donbass et le Caucase du Nord. A ce moment-là, la Russie s’intéressera beaucoup plus à l’Arménie.
En attendant, les Arméniens, les Grecs et les Arabes devront seuls mener une guerre patriotique contre un ennemi insidieux et cruel qui n’épargne ni les personnes âgées, ni les femmes, ni les enfants, ni même les bébés.
*La Deuxième guerre mondiale
Vladimir Ruzhansky est historien et enseigne au Département d’histoire du monde et d’études étrangères de l’Université russo-arménienne à Erevan
Source : IA Realist, agence de presse spécialisée basée à Moscou
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