Dans un contexte géopolitique déjà complexe, l’AKP, le parti au pouvoir en Turquie dirigé par le Président Recep Tayyip Erdoğan, se lance dans une démarche audacieuse en se présentant aux élections européennes en Allemagne. Cette initiative, révélée par plusieurs médias, marque un tournant dans l’influence de la Turquie au sein de l’Union Européenne.
L’Alliance démocratique pour la diversité et l’éveil (Dava), affiliée à l’AKP et basée en Allemagne, compte dans ses rangs quatre candidats. Ces derniers, selon le journal Bild, ont déjà activement soutenu l’AKP ou ses organisations affiliées. Cette incursion dans le paysage politique allemand suscite une vive réaction parmi les politiciens locaux. Cem Özdemir, ministre de l’agriculture issu du parti des Verts et d’origine turque, a exprimé son inquiétude, soulignant que la présence d’un représentant d’Erdoğan aux élections européennes est le dernier scénario souhaité.
La CDU, principal parti d’opposition en Allemagne, partage cette préoccupation. Jens Spahn, vice-président du groupe parlementaire CDU/CSU, évoque la perspective d’une extension de l’influence d’Erdogan en Allemagne comme l’avènement d’un autre parti extrémiste dans le pays.
Cette démarche de l’AKP intervient dans un contexte où la communauté allemande d’origine turque compte environ 1,3 million de citoyens, soit 1,6 % de la population. La spécificité des élections européennes, qui ne sont pas soumises au seuil électoral de 5 % comme lors des élections fédérales allemandes, ouvre la porte à de petits partis. En 2019, plusieurs formations politiques mineures avaient réussi à faire leur entrée au Parlement européen, certaines avec moins de 0,7 % des voix.
Cette situation conduit à une fragmentation accrue du paysage politique allemand, avec l’émergence de nouveaux partis aux objectifs divers. Marie-Agnes Strack-Zimmermann, candidate du parti libéral, s’alarme de cette tendance, y voyant une stratégie de déstabilisation de l’Europe de l’intérieur.
L’Europe, confrontée à des enjeux politiques internes et externes de grande ampleur, se trouve ainsi au cœur d’une manœuvre politique d’importance, celle de l’AKP d’Erdoğan cherchant à étendre son influence au-delà des frontières turques.
Paul Nazarian
