Une opposition unifiée en Turquie incluant les Kurdes pourrait empêcher le pays de sombrer dans la « dictature » en battant le président Recep Tayyip Erdogan lors des élections nationales turques prévues le 14 mai, a déclaré l’un des opposants les plus éminents d’Erdogan depuis sa cellule de prison.
Selahattin Demirtas, qui a dirigé le Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde de gauche, le troisième groupe politique de Turquie, avant d’être emprisonné en 2016 pour soutien au terrorisme, a répondu aux questions soumises par le Financial Times par l’intermédiaire de son avocat.
Il a exhorté l’opposition turque à saisir sa meilleure chance de renverser Erdogan, qui dirige le pays depuis deux décennies. « Pas à pas, la Turquie a évolué vers un régime autoritaire. Si Erdogan remporte cette élection, la Turquie sera passée à un nouveau type de dictature », a déclaré M. Demirtas. Il a ajouté : « Erdogan a réussi à rester au pouvoir en divisant la société… L’unité de l’opposition au moment où elle se rend aux urnes est importante non seulement pour éliminer cette polarisation mais aussi pour gagner les élections ».
La minorité kurde de Turquie représente environ 18 % d’une population de 85 millions d’habitants. Le HDP pourrait donc devenir le faiseur de roi lors des élections présidentielles et législatives. Le parti a décidé de ne pas présenter son propre candidat à l’élection présidentielle afin d’éviter de diviser le vote de l’opposition. Le bloc d’opposition de l’Alliance nationale, ou Table des six, qui ne comprend pas le HDP, a désigné Kemal Kilicdaroglu, leader de longue date du Parti républicain du peuple (CHP), comme challenger de M. Erdogan. « Aucun parti qui ne bénéficie pas du soutien des électeurs kurdes n’a jamais accédé au pouvoir. Les Kurdes seront également décisifs dans cette élection », a déclaré M. Demirtas.
Kilicdaroglu, qui appartient à la minorité alévie, est né dans une province majoritairement kurde. Selon le FT, M. Demirtas aurait également déclaré qu’il « faisait un effort sincère en faveur du changement et de la démocratie ». Les Kurdes « tiennent à un candidat présidentiel commun » et sont « optimistes » quant à la campagne de M. Kilicdaroglu, mais ils attendront de voir comment elle évolue avant de faire leur choix, a-t-il ajouté.
Le Parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdogan, d’obédience islamiste, attire traditionnellement environ un tiers des électeurs kurdes, mais le soutien des Kurdes conservateurs au président a chuté en raison de la perte des acquis politiques et culturels obtenus sous sa direction.
La Turquie a ignoré une décision de la Cour européenne des droits de l’homme de 2020 ordonnant la libération de M. Demirtas, ancien avocat spécialisé dans les droits de l’homme. Sa condamnation était liée à ses discours politiques qui visaient souvent M. Erdogan.
Les candidats parlementaires du HDP se présenteront sous la bannière du parti frère, la Gauche verte, afin d’éviter une interdiction potentielle du HDP qui pourrait être introduite par la Cour constitutionnelle en raison d’allégations selon lesquelles le parti soutient le PKK, un groupe militant kurde qui a mené une insurrection en Turquie pendant des décennies. Le HDP, qui nie soutenir le PKK, a obtenu 10,7 % des voix lors des élections législatives de 2018.
