L’Arménie doit-elle quitter l’OTSC ?

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Lors d’un récent forum sur la sécurité de l’Arménie, l’analyste Areg Kochinyan a développé une thèse intéressante sur la situation actuelle dans le Sud-Caucase et son évolution dans le jeu d’alliances et le rapport de forces des principaux protagonistes. Le constat est que l’Arménie se retrouve seule face aux défis sécuritaires. La Russie, le soi-disant allié, s’est approchée de la Turquie et de l’Azerbaidjan. Non seulement elle ne protège pas l’Arménie contre les interventions militaires azéries, elle agit, au contraire, au détriment des intérêts arméniens, notamment menaçant son intégrité territoriale. Dans ces conditions, rien d’étonnant que l’OTSC* que domine Moscou, reste inerte.

1- « Tout est faux dans l’OTSC »
Areg Kochinyan estime que tout est faux dans l’intitulé même de cette organisation. Elle n’est pas collective, c’est la Russie qui la domine. Il n’y a pas de sécurité; la preuve en est que l’Arménie est agressée, et ailleurs, des échauffourées ont éclaté entre le Tadjikstan et la Kirghisie. Les clauses du traité ne sont pas appliquées et enfin, il ne s’agit pas d’une organisation mais tout simplement d’un cadre dans lequel se réunissent certains pays membres de l’ancienne sphère soviétique, sous la houlette de Moscou.
En ce qui concerne le cas arménien, l’ennemi azéri bombarde, le 13 septembre dernier, Martouni et Sodk (sud du lac Sevan), …. Il est entré à quelques kilomètres de Jermuk dans le territoire arménien, mais l’Organisation envoie quelques jours plus tard à Erevan une mission ridicule pour faire de l’évaluation. Bref, l’OTSC n’est pas le garant de la sécurité de l’Arménie. On pourra, par ailleurs, dire que c’est aussi la même inertie qui caractérise l’accord bilatéral russo-arménien.

2- Moscou, l’architecte de l’insécurité de l’Arménie
Il s’ensuit que ni la Russie, pourtant allié stratégique, ni l’OTSC ne peuvent être crédibles. Elles constituent plutôt une menace pour la sécurité du pays. Moscou est en réalité l’architecte de l’aggravation de l’insécurité de l’Arménie de par ses prises de position et agissements. L’élément explicatif en est le « plan Lavrov 2 », à savoir la mise en place d’un corridor au sud de l’Arménie, espace que Moscou considère comme relevant de l’extra-territorialité, donc dans les faits, hors de la souverineté arménienne. La Russie étant actuellement bloquée sur ses frontières occidentales en raison des sanctions internationales, l’issue vitale qui lui reste est donc la Turquie via l’Azerbaidjan (la Russie pourra accéder, selon les experts du Kremlin, à la Turquie/La Méditerranée, via l’Azerbaidjan par ce corridor -que Moscou souhaite sous son contrôle-, reliant Bakou au Nakhijévan). Le point 9 de la déclaration du 9 novembre 2020 a été imposé dans cette perspective.

3- Que faire?
La réponse de l’analyste est sans équivoque, il convient de quitter l’OTSC. D’autres experts ou hommes politiques sont également du même avis, comme Samuel Babayan, ancien héros de la guerre 1991-94 (cf son interview sur CivilNet) ou Arman Babajanyan, membre du parti La République (cf son intervention sur FreeNews TV), … A. Kochinyan souligne qu’une telle décision peut être prise, compte tenu de la récente évolution de l’attitude des Etats-Unis. Un certain nombre de décisions significatives en témoignent, notamment la désignation de Philip Reeker comme co-président du groupe de Minsk et en même temps chargé du Sud-Caucase, aussi les déclarations du Secrétaire d’Etat Blinken, de même que la visite à Erevan de Mme Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, et enfin l’initiative américaine de réunir dans un format tripartite, les ministres Mirzoyan et Bayramov aux Etats-Unis.
A. Kochinyan n’explique pas pourquoi Washington est arrivé à adopter une telle attitude. Il est cependant convaincu que l’adminnistration démocrate semble proposer à l’Arménie une sorte de « discussion politique », un « dialogue politique », qui devrait in fine aboutir à une « entente », ou un « accord » entre Erevan et Washington. Pour y parvenir, les Américains s’attendraient à « une initiative », au « franchissement d’un pas » de la part de l’Arménie. Et, d’après l’analyste, le geste qui y menerait est « la sortie de l’Arménie de l’OTSC ».

4- Réponse aux détracteurs de l’idée d’une sortie de l’OTSC
L’auteur prend néanmoins la précaution de préciser que l’abandon de l’organisation par les autorités d’Erevan n’assure pas obligatoirement l’aboutissement à l’entente souhaitée susmentionnée. Cependant, il souligne que, de toute manière, l’Arménie, ligotée dans ce carcan sécuritaire qu’est l’OTSC, sera poussée vers le précipice par l’alliance de fait de Moscou-Ankara-Bakou. Face à cette tendance, la seule façon de la contrecarrer est de tenter le rapprochement avec Washington dont les intérêts géopolitiques correspondent pour l’heure à ceux d’Arménie.
Les contradicteurs et critiques prétendent que la Russie ne fait pas autre chose vis-à-vis de l’Arménie que ce qu’à l’époque, ont fait les Etats-Unis avec leurs alliés grecs dans la crise chypriote de 1974, qui a abouti à l’invasion et l’occupation turques du nord de Chypre. C’est-à-dire qu’ils ont laissé seuls la Grèce (membre de l’OTAN) et son allié chypriote grec face à la Turquie. Ces prétendus experts oublient que la Grèce était une dictature dirigée par les colonels putchistes. Ces derniers avaient fomenté un coup d’Etat contre le régime de Mgr Makarios à Nicosie. Or, l’Arménie, considérée comme dotée d’un régime démocratique, est victime des manigances et complots de ses ennemis et faux alliés à régime autoritaire.
le 25 septembre 2022

Marc Alenzi

* l’ Organisation du traité de sécurité collective regroupe certains pays anciennement soviétaiques (Russie, Bélarus, Kazakstan, Arménie, Kirghisie et Tadjikitan)

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Author: capucine

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