L’Arménie n’est pas au centre du monde et ne doit compter que sur ses propres forces

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Le destin tragique du peuple arménien avec le génocide de 1915 et sa résurrection au sein d’une République d’Arménie tenait du miracle. Les Arméniens survivants d’un génocide -le Premier du XXe siècle- qui avait décimé les deux tiers de leur nation, avaient enfin une patrie, une terre sur laquelle ils pouvaient assurer la pérennité physique de la nation arménienne.

Mais tout ce process de reconstruction post-génocide de la nation arménienne, dans une patrie renaissante près des pentes de l’Ararat, la montagne sacrée des Arméniens, mais qui se trouvait désormais en territoire turc, allait progressivement remettre les Arméniens, peuple de l’histoire, dans l’ère moderne des nations.

Les Arméniens, traversant des millénaires d’une histoire riche qui faillit s’arrêter en 1915, croyaient en leur destin de peuple indestructible et pour beaucoup « protégés du Seigneur ». Mais la joie et la dure réalité de l’Indépendance de 1991 et les guerres de libération de l’Artsakh ont prouvé que rien n’était acquis. L’histoire exigeait encore le sang du peuple arménien pour quelques années de bonheur et de quiétude…

Le destin du peuple d’Arménie et de l’Artsakh, surtout ces dernières années, est également lié à l’insécurité de la région et les convoitises pantouraniennes. Ce danger qui pèse sur l’existence même de la nation arménienne sur ses terres, rappelle cruellement que rien n’est acquis et qu’il convient de lutter à chaque instant pour sa liberté.
Mais les Arméniens qui pensaient que leur peuple d’une culture judéo-chrétienne, très proche des valeurs occidentales, et leur Etat, le premier du monde chrétien a avoir reconnu le christianisme allaient attirer l’intérêt et les regards du monde…
Mais après des années d’indifférence de la part du « monde civilisé », force est de constater que l’Arménie et l’Artsakh n’intéressent personne. Ou presque.

Jadis, les Arméniens attendaient durant des siècles des royaumes chrétiens d’Europe et de Rome, une délivrance de leur sort du joug turc. Cette aide espérée n’est malheureusement jamais venue. Et lorsqu’au début du XIXe siècle l’empire des Tsars s’est intéressé à l’Arménie et y mit le pied en 1828, c’était davantage dans l’expansion colonialiste russe que de solidarité avec les frères Arméniens.
Aujourd’hui encore l’Arménie et les Arméniens croient à cette aide de l’occident qui viendrait sauver la nation arménienne du péril. Des Arméniens qui naïvement ont l’impression que l’œil du monde est braqué sur l’Arménie et aux souffrances du peuple arménien. Oubliant que dans le monde les peuples qui souffrent se comptent par centaines…L’Arménie n’est pas au centre de l’intérêt international, il faut bien le constater.

Pourquoi attendre vainement une aide qui ne viendra pas ? Cette aide viendra que si l’Arménie et l’Artsakh pourraient représenter pour ces nations occidentales un centre d’intérêt économique, politique ou stratégique. Et pour l’heure, cet intérêt ne se manifeste pas, à croire que le poids stratégique de l’Arménie et de l’Artsakh sont nuls ou presque !
Lors de la période soviétique et la « guerre-froide », la frontière de l’Arménie avec la Turquie, membre de l’OTAN était un tracé d’un grand intérêt stratégique pour Moscou. Mais depuis le rapprochement russo-turc et la complicité Poutine-Erdogan, l’Arménie a cessé de revêtir pour son allié russe, une importance stratégique majeure. Mais si la lune de miel turco-russe risque de ne pas durer et de disparaître avec la disparition de ses protagonistes, Erdogan et Poutine.

Le constat que l’Arménie n’est pas au centre de l’intérêt planétaire et que le regard des Arméniens sur leur propre identité est différend du regard du monde sur les Arméniens, devrait inciter les Arméniens sur leurs propres forces et ne rien attendre des autres. Un constat qui devrait renforcer la solidarité arméno-arménienne, souder le peuple, renforcer l’armée. Le constat également que les Arméniens même aux pires heures de leur histoire pluri-millénaire ont trouvé les ressources et les forces pour résister et assurer la survie de la nation.

Cette résilience, cette force interne venue de la nuit des temps, est la véritable voie de salut des Arméniens. Et les Arméniens en sont capables. S’unir face aux menaces existentielles, et résister aux envahisseurs.
Moscou ne répondant pas à ses engagements, la recherche éperdue d’un partenaire stratégique de l’Arménie ne doit pas être une obsession. L’Arménie a une force inépuisable : son peuple. Un peuple arménien capable de tout, à condition qu’on lui donne la confiance. Et c’est cette confiance, avec des objectifs clairs que le gouvernement arménien n’a pas su insuffler au peuple. Un peuple qui doute de ses dirigeants. Un peuple qui a perdu une partie de ses illusions au cours de ces décennies. La défaite de la guerre de 44 jours en Artsakh étant le point de basculement dans un autre monde.

Dos au mur, ne comptant que sur ses propres forces, le peuple arménien peut alors se révéler comme indestructible. Capable de renverser dans l’unité, des forces bien supérieures. Ce scénario de l’extrême se précise chaque jour un peu plus. Car l’Arménie est seule. Mais les Arméniens ont un allié de taille : les Arméniens.

Krikor Amirzayan

Krikor Amirzayan
Author: Krikor Amirzayan

Krikor Amirzayan est un caricaturiste et journaliste arménien. Ses œuvres – articles et caricatures – paraissent dans différents titres de la presse en Arménie et en diaspora. En France il est l'un des rédacteurs du site d'information www.armenews.com. Il est l'auteur de deux livres de caricatures L'Indépendance (Erevan, 1995) et Oh ! Arménie, Arménie ! (Erevan, 1999). Il vit à Valence (France). En 2002 l'Express l'a désigné parmi « Les 50 qui font bouger Valence » Krikor Amirzayan a réalisé de nombreuses expositions de ses caricatures. Krikor Amirzayan a été décoré de la Médaille d'or du ministère de la Diaspora de la République d'Arménie, médaille qui lui fut remise le 14 novembre 2014 à Bourg-lès-Valence par l'ambassadeur d'Arménie en France Viguén Tchitétchian1. En juillet 2017 il reçut le 1er Prix de la "Défense de la langue arménienne" à Erévan par le ministère arménien de la Diaspora

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