L’Arménie représentée a minima à Stepanakert aux cérémonies du 30e anniversaire de la fondation de la République du Haut Karabagh

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La République de l’Artsakh a tenu à célébrer, dans la simplicité et la dignité, le 2 septembre, le 30e anniversaire de sa création à la faveur d’un référendum par lequel la population majoritairement arménienne de l’ancienne région autonome du Haut-Karabagh s’était émancipée de la tutelle de l’ex-République soviétique d’Azerbaïdjan… mais le cœur n’y était pas, l’avenir étant pour le moins incertain pour toute une génération qui a grandi dans un environnement strictement arménien et qui craint de devoir retourner, près d’un an après la défaite militaire infligée par l’armée de Bakou, sous un joug azéri dont les plus anciens évaluent la menace et la dureté, pour l’avoir subi. Lors d’une séance au Parlement de l’Artsakh, point d’orgue de ces cérémonies anniversaires d’une grande sobriété à Stepanakert, la classe politique locale a souligné, à l’unisson, que le Karabagh était et devait rester la priorité de tous les Arméniens, où qu’ils soient. Mais les Arméniens du Karabagh, qui vivent sous la menace constante des forces de Bakou que seuls semblent en mesure de conjurer les quelque 3 000 soldats de la force de paix russe, déployée depuis le 10 novembre 2020 pour au moins cinq ans en vertu de l’accord de cessez-le-feu signé par l’Arménie et l’Azerbaïdjan mettant fin, sous l’égide de la Russie, à six semaines d’une guerre meurtrière, se sentent bien seuls dans leur République amputée des régions de Chouchi et Hadrout et à nouveau enclavée dans l’Azerbaïdjan, bien décidé à saper tous ses efforts en vue d’une reconnaissance internationale à laquelle elle aspire depuis trente ans. L’Arménie elle-même, qui pour des raisons diplomatiques et stratégiques n’a pas reconnu à ce jour cette République du Haut-Karabagh qui faisait pourtant corps avec elle, a été représentée a minima aux cérémonies de Stepanakert, où le premier ministre Nikol Pachinian déclarait avec fougue, il y a encore deux ans à peine « l’Artsakh, c’est l’Arménie, un point c’est tout ! ». Ces quelques mots, en conclusion d’un long discours censé porter les espérances d’une « nouvelle Arménie » qui se projetait, victorieuse et prospère, à l’horizon 2050, ont fait couler beaucoup d’encre depuis, et beaucoup de sang aussi, selon les détracteurs de l’actuel premier ministre arménien, qu’ils accusent d’avoir provoqué la guerre, et la défaite, en donnant au président azéri Ilham Aliev un prétexte pour mettre fin au processus de négociations et préparer résolument la guerre. Toujours est-il que la défaite arménienne a radicalement changé la donne, et le même Pachinian, reconduit à la tête du gouvernement arménien à la faveur de sa victoire aux législatives anticipées du 20 juin, ne se trouvait pas le 2 septembre à Stepanakert, où il avait multiplié les visites pourtant durant son premier mandat, qu’il avait inauguré d’ailleurs dans la capitale de l’Artsakh, où il s’était rendu au lendemain même de son accession au pouvoir en mai 2018. Pour les cérémonies du 30e anniversaire de l’Artsakh, ni Pachinian ni aucun membre de son gouvernement n’avait fait le déplacement à Stepanakert, où l’Arménie était seulement représentée par une délégation multi-partisane de son Parlement, conduite par son vice-président Ruben Rubinian, du parti Contrat civil au pouvoir à Erevan. Les motifs invoqués par le porte-parole du gouvernement interrogé par un journaliste du Service arménien de RFE/RL pour justifier l’absence de N.Pachinian aux cérémonies de Stepanakert sont peu convaincants, et peu justifiables politiquement : il a été ainsi annoncé qu’il ne se serait pas rendu pour la circonstance au Karabagh parce qu’il était en vacances. Un membre du gouvernement arménien, le ministre de l’Industrie des hautes technologies Vahagn Khachaturian, a été toutefois un peu plus disert, en précisant que le premier ministre et les membres de son gouvernement avaient décidé de ne pas participer à ces célébrations de Stepanakert, qui affichaient une volonté de sobriété en raison de la gravité de la situation, pour des raisons politiques. “Une décision politique a été prise. Ne cherchez pas d’autres raisons”, a déclaré V.Khachatrian aux journalistes, sans s’attarder sur la nature de ces motifs politiques. Tigrane Abrahamian, un membre de l’opposition de la délégation parlementaire d’Arménie visitant le Karabagh, a déploré pour sa part l’absence de représentants du gouvernement arménien, en suggérant que Pachinian craignait d’irriter l’Azerbaïdjan. “Si nous acceptons les règles du jeu dictées par l’Azerbaïdjan, alors nous accélérerons la perte, totale, de l’Artsakh (Karabagh)”, a indiqué T. Abrahamian, dans une allusion évidente aux conséquences territoriales et politiques énormes de la défaite de l’Arménie dans la guerre de l’automne dernier au Karabagh. Pachinian s’était rendu à Stepanakert et dans le Karabagh durant la guerre de 44 jours à laquelle le traité négocié par la Russie avait mis un terme en novembre. Il n’a pas visité l’Artskh depuis. Le premier ministre arménien s’est donc contenté de féliciter les Arméniens du Karabagh à l’occasion de l’anniversaire de la proclamation de leur République, dite « autoproclamée » car reconnue par aucun pays, dans une déclaration publiée jeudi. Il a rappelé à cette occasion que le conflit du Karabagh n’était toujours pas réglé et que Erevan continuera à œuvrer pour un règlement fondé sur le droit des Arméniens du Karabagh à l’auto-détermination. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a de son côté répété que l’Azerbaïdjan avait mis globalement fin au conflit en gagnant la guerre. Il précisait en juin que Erevan devrait de ce fait reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh par un “traité de paix” proposé par Bakou. D’autres responsables politiques arméniens, à commencer par les anciens présidents Serge Sarkissian et Robert Kotcharian, tous deux natifs du Karabagh, ont aussi fait des déclarations publiques pour l’occasion. S.Sarkissian, qui s’est rendu dernièrement au Karabagh où il s’est notamment recueilli au monastère d’Amaras, a une fois encore accusé les autorités actuelles d’Arménie d’’être responsables de l’issue fatale de la guerre. “Nous aurions gagné s’ils n’avaient pas dénigré et purgé nos forces armées en remplaçant des officiers expérimentés par des hommes liges avant la guerre de 44 jours et s’ils n’avaient mené cette guerre en dépit du bon sens”, a accusé l’ancien président. Comme les leaders de l’opposition, de nombreux spécialistes politiques arméniens estiment que le premier ministre arménien et ses ministres ont cédé aux pressions et menaces de Bakou en évitant de se rendre à Stepanakert pour les cérémonies anniversaires. On peut aussi imaginer qu’ils n’auraient pas reçu un accueil enthousiaste de la population locale…

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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