Monument de la culture française, Charles Aznavour était aussi l’un des plus ardents porte-drapeaux de la diaspora arménienne, le pays de ses parents, avec lequel il a entretenu des liens étroits tout au long de sa vie.
La manifestation la plus tangible de ces liens date de décembre 1988, après le tremblement de terre qui dévaste le nord du pays et fait 25.000 morts dans la seule ville de Spitak.
Le chanteur fonde le comité « Aznavour pour l’Arménie » pour collecter des fonds. Avant de se rendre sur place, il écrit la chanson humanitaire « Pour toi Arménie ». Elle est enregistrée début 1989 avec 90 artistes (dont Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday et Renaud) et se vendra à plus d’un million d’exemplaires.
Charles Aznavour sera ensuite nommé ambassadeur permanent en Arménie par l’Unesco.
« Jusqu’ici, je disais toujours: Je suis français d’origine arménienne. Après le choc, je me suis rendu compte que j’étais vraiment d’origine arménienne », confiait à Paris Match celui qui mit les pieds en Arménie seulement vers 1963-1964, dans le cadre d’une tournée mondiale.
Le chanteur est né à Paris, le 22 mai 1924, où ses parents s’établissent après avoir quitté leur pays. Né Charles Varenagh Aznavourian, Aznavour aurait dû porter le prénom arménien de Shahnourh, finalement francisé en Charles par la sage-femme, révèle une biographie parue en 2006.
Cet ouvrage révèle aussi les liens d’amitié étroits qui existaient dans les années 30 entre la famille Aznavourian et un autre Arménien d’origine, entré depuis dans l’Histoire de France: Missak Manouchian, chef du groupe FTP (Francs-tireurs partisans) de « L’affiche rouge », exécuté en février 1944 par les nazis avec 22 autres résistants.
Manouchian qui, en 1940, écrit cette phrase prémonitoire à la mère d’Aznavour: « Charles sera l’honneur du peuple arménien, et une gloire pour la France ».
« Il y a toujours des survivants »
Un sentiment partagé dans sa terre de coeur, où une place porte son nom en plein centre-ville d’Erevan. Une statue a été érigée en son honneur dans la
deuxième ville du pays, Gumri.
L’ancien président arménien Serge Sarkissian voyait en lui « l’Arménien le
plus célèbre de la planète ». « Charles Aznavour essaie de servir les intérêts
de politique étrangère de notre pays et d’être utile à notre patrie »,
disait-il à propos du chanteur, décoré en 2004 de la médaille de « héros
national ».
« Le destin d’Aznavour, le fils de gens qui ont survécu par miracle pendant
le génocide, est la réponse du peuple arménien à tous les génocides »,
déclarait en 2006 son prédécesseur à la présidence Robert Kotcharian.
Pour le 60e anniversaire du génocide arménien, Aznavour avait interprété en 1975 à la salle Pleyel à Paris « Ils sont tombés »: « La mort les a frappés sans
demander leur âge/Puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie », disait
le texte.
La musique était signée par son beau-frère Georges Garvarentz (fils du
poète Kevork Garvarentz, auteur de l’hymne national révolutionnaire arménien).
Vingt-trois ans plus tard, Aznavour s’était déclaré « soulagé » après le vote de l’Assemblée nationale reconnaissant « politiquement » au nom de la France le génocide arménien de 1915, car « tout peuple a le droit d’écrire son histoire et les Arméniens ont été gommés de la face du monde ».
En 2016, le chanteur, célèbre aussi aux États-Unis, reçut une étoile
d’honneur à Hollywood, remise par la communauté arménienne de Los Angeles, une des plus importantes au monde.
« Ce qui m’amuse beaucoup, c’est que la Turquie a raté quelque chose, ils
n’ont pas un seul grand chanteur », avait-t-il lancé en recevant cette distinction honorifique. « Ce qui prouve que les génocides ne servent à rien,
il y a toujours des survivants ».