L’avant et après CCAF

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Le diner du CCAF existe depuis 3 ans. Et comme l’a souligné François Hollande dans la première phrase du discours qu’il y a prononcé, « en France, 3 ans (…) c’est déjà une tradition (…) un rite ». Ce fut en tout cas, pour le coup, une magnifique soirée qui a consacré l’ancrage de la communauté arménienne dans le paysage politique français. À elle seule, la venue du chef de l’État témoigne de cette réalité. La présence de la Maire de Paris, des ministres des Affaires européennes et des anciens combattants, d’éminentes personnalités de l’opposition, dont les présidents de l’UDI et de la région Île-de-France, d’acteurs économiques prestigieux comme le président du MEDEF, renforce ce constat : les Français d’origine arménienne constituent aujourd’hui une communauté de citoyens et d’intérêts reconnue par la République. Ils sont pris en compte, considérés. Ils ont un visage, une organisation, un numéro de téléphone. Ils existent. Autant d’évidences qui semblent aller de soi, mais qui étaient loin d’être acquises. Non seulement en raison des conditions dramatiques dans lesquelles les rescapés du génocide de1915 ont trouvé refuge en France, mais aussi du fait même de ce dont leur présence témoignait à elle seule : un crime contre l’humanité qui, s’il a déclenché certaines solidarités dans la société civile a parallèlement généré toute sorte de craintes au sein d’un appareil d’État plus soucieux de contrôler les risques diplomatico-économiques que pouvaient entraîner l’expression publique des victimes que d’y apporter une réponse politique juste. Ce petit jeu a duré des années et a créé toute une série de difficultés. Entravant le développement collectif des Arméniens, elles se sont également répercutées dans leur existence personnelle, engendrant parfois pour certains des situations de non-droit. Patrick Devedjian l’a rappelé au moment du débat sur la déchéance de la nationalité : son père est resté apatride toute sa vie. Il n’a pas été le seul dans ce cas.

Mais au-delà de l’adversité extérieure qui, sommes toute, constitue aussi un ciment, et donc un atout – on se pose en s’opposant – les Arméniens ont connu les pires difficultés à surmonter leurs propres démons. Les facteurs comme la guerre froide ont sécrété des divisions, voire des luttes fratricides. Et l’absence de toute perspective collective à leur problématique identitaire a favorisé les recherches de sortie de crise individuelles. Il s’en est suivi un lourd déficit en matière de culture politique et d’offre organisationnelle. Comme l’aurait dit Henri Verneuil : qu’il a été long le chemin du Quai de la Joliette à ce dîner du CCAF où, 15 ans après la reconnaissance du génocide par la France, un Président de la République est venu partager avec ses membres, pour reprendre ses mots, « une cause qui n’est pas la cause arménienne, qui est la cause de la justice ».

Aussi, quand bien même cette fédération d’organisations qui a su privilégier au niveau national ce qui rassemble sur ce qui divise ne constituerait-elle pas une fin en soi, il serait bien inconséquent d’en sous-estimer l’importance. Voire pire, de s’aventurer à la fragiliser. Sans unité du monde associatif, il n’y aurait pas eu de loi du 29 janvier 2001, ni d’officialisation et de prise en charge par la République du 24 avril, comme c’est le cas depuis 2012, ni de présence de François Hollande à la commémoration du centième anniversaire du génocide à Erevan l’an dernier. Et il n’y aurait aucune chance d’escompter une future pénalisation du négationnisme ou d’espérer obtenir une certaine prise en compte des intérêts arméniens dans la politique étrangère du pays. Pour autant, l’avenir n’est pas garanti. Et, paradoxalement, s’il n’y prend garde, le CCAF pourrait être victime de son succès. C’est la loi du genre. Sa notoriété n’en fait-elle pas, soudainement, un objet de convoitise ? Le pouvoir en son sein n’y devient-il pas un enjeu ? Et, dès lors, les intérêts particuliers, voire particularistes, les sectarismes, ne pourraient-ils pas prendre le pas sur l’intérêt général ?

Pour éviter ces écueils, cette structure qui est aujourd’hui à son zénith doit se donner les moyens d’anticiper les choses et de renforcer sa légitimité par rapport aux Français d’origine arménienne qu’elle entend représenter. Dans cette perspective, le projet d’élections dans la communauté sur lequel le CCAF a planché durant plusieurs années n’a jamais pris autant de sens. Il passe par la constitution à terme d’un corps électoral et l’organisation d’un vote transparent et régulier. La faisabilité de ce qui n’est pour l’instant qu’un schéma théorique est liée à l’existence d’au moins deux conditions sine qua non. D’une part un opérateur crédible et unitaire. Ce ne peut être en France que le CCAF. Et d’autre part une communauté qui joue le jeu, car ce type de projet a un coût. Mais, quel qu’en soit le prix, il sera de toute manière toujours moins élevé que celui de la division, de l’inorganisation ou de l’indifférence. Il faut donc continuer à travailler dans ce sens et trouver des solutions réalistes pour y arriver. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.

La rédaction
Author: La rédaction

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