Le chef suprême de l’Eglise arménienne, le catholicos Karékine II, dont les relations avec Nikol Pachinian et son gouvernement ont toujours été tendues, a ouvertement rendu responsable le premier ministre arménien de la restauration du contrôle azéri sur le Karabagh et de l’exode de la population arménienne qui en a résulté. Il a aussi mis en garde sur les conséquences plus « douloureuses » encore que pourrait avoir la politique du gouvernement pour l’Arménie, dans l’office spécial qu’il a célébré dimanche 1er octobre en soutien aux Arméniens du Karabagh soumis à de “terribles souffrances et des privations inhumaines ”. “Les âmes de nous tous sont remplies d’une peine infinie et de profondes inquiétudes ”, a dit le catholicos alors que le Karabagh se vidait de ses derniers habitants arméniens, chassés vers l’Arménie par la soldatesque azérie. “C’est avec peine que nous parlons de cette tragédie nationale pour dire que la réponse inadéquate du monde aux actions agressives, génocidaires de l’Azerbaïdjan, la politique suivie par les autorités de la République d’Arménie concernant l’Artsakh et les divisions de notre peuple ont conduit à la perte de l’Artsakh”, a poursuivi le chef de l’Eglise arménienne en ajoutant : “Aujourd’hui, la République d’Arménie fait face à la même menace ; les dangers de la perte de la souveraineté et de l’Etat sont ouvertement à l’agenda. Les défis sécuritaires, les pertes territoriales, la précipitation manifestée dans le processus en vue d’établir la paix sous une évidente contrainte ainsi que les modes de communication du gouvernement avec le peuple ont créé une atmosphère de méfiance et suscité une juste protestation, qui, dans la situation complexe ainsi créée, peut entraîner des développements douloureux ”. Les dirigeants de l’Arménie devraient “agir avec pondération ” et “évaluer correctement les réalités géopolitiques ” plutôt que d’“affaiblir le peuple avec de nouvelles lignes de fracture, des déclarations et formules excessives ”, a poursuivi Karekine II durant sa messe en plein air dans l’enceinte du Saint Siège d’Etchmiadzine. L’Eglise arménienne a joint sa voix à celles des groupes d’opposition et des autorités du Karabagh pour critiquer la politique de Pachinian dans le conflit avec l’Azerbaïdjan, aggravant ses tensions avec le gouvernement. Elle avait ainsi dénoncé ouvertement en mai la décision de Pachinian de reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh. Le Conseil suprême de l’Eglise avait fait savoir à l’époque que les trop importantes concessions de Pachinian à Bakou placeront “inévitablement nos frères et nos sœurs de l’Artsakh devant le risque d’un nouveau génocide et la perte de la patrie ”. Toujours en mai, avant de faire cette annonce décisive, Pachinian avait accusé l’Eglise apostolique arménienne, qui rassemble la très grande majorité des Arméniens, de se mêler de politique, ce qui avait suscité une réaction immédiate du service de presse du catholicos.
