Le Conseil de l’Europe et la situation en Arménie ( débat du 14 avril 2008)

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Lundi 14 avril 2008 à 11 h 30 heures

7. Demande de débat d’urgence

LE PRÉSIDENT. – Avant d’examiner l’ordre du jour, l’Assemblée doit se prononcer sur une demande de débat d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie, présentée par l’ensemble des groupes politiques.

Au cours de sa réunion de ce matin, le Bureau a émis un avis favorable à cette demande et propose l’inscription de ce débat au cours de la présente partie de session. Si l’Assemblée accepte cette proposition, ce débat se tiendra jeudi matin en premier point de l’ordre du jour de la séance.

L’Assemblée est-elle d’accord avec la proposition du Bureau de tenir un débat d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie ?

Il n’y a pas d’opposition ?…

La proposition du Bureau est donc adoptée et un débat d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie aura lieu au cours de cette partie de session.

L’Assemblée doit maintenant se prononcer sur la saisine de commission pour ces débats. Le Bureau propose la saisine au fond de la commission de suivi.

L’Assemblée est-elle d’accord avec cette proposition du Bureau ?…

Il en est ainsi décidé.

LE PRÉSIDENT. – La parole est à M. Prescott pour présenter le rapport sur l’élection présidentielle en Arménie du 19 février 2008, contenu dans le document 11564.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni) (Interprétation) souligne la complexité de la situation arménienne, sur laquelle le débat de jeudi permettra de revenir plus en détail. Il se concentrera, pour sa part, sur les résultats de l’élection présidentielle.

La commission ad hoc faisait partie d’une mission internationale comportant aussi des délégations de l’OSCE et du BIDDH. Elle s’est réunie à Erevan et a assisté à l’élection du 19 février, après avoir rencontré chacun des neuf candidats, dont l’un était le Premier ministre en exercice. Ce fait a suscité quelque émoi, même s’il n’est pas propre à l’Arménie. L’élection a été entourée d’une forte tension médiatique.

Le Premier ministre, Serge Sarkisian, a obtenu dès le premier tour 52,9 % des voix, son principal concurrent 21,5 %. Ces résultats ont été très contestés et il conviendra d’examiner les plaintes. L’opposition n’a pas pu participer pleinement au processus électoral, compte tenu du contexte de violences : neuf personnes ont été tuées et l’état d’urgence a été décrété, avant d’être annulé.

La Cour constitutionnelle a confirmé globalement les résultats. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – Comme nous venons d’accepter la tenue d’un débat d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie, j’invite les membres de l’Assemblée qui souhaitent s’exprimer sur la situation dans ce pays à le faire de préférence, jeudi matin, lors de ce débat d’urgence.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Nemeth.

M. NEMETH (Hongrie) (Interprétation), s’exprimant au nom du Groupe PPE/DC, tient à s’élever dès maintenant contre les conclusions du rapport sur l’élection présidentielle en Arménie. Comment peut-on dire que le processus électoral a été à peu près en phase avec les recommandations de l’Assemblée, alors que neuf personnes ont été tuées, plus d’une centaine arrêtées, l’état d’urgence proclamé ? Même s’il a été ensuite levé, de nombreuses restrictions ont été apportées au droit d’association et à d’autres libertés fondamentales. L’opposition arménienne réfute totalement la légitimité du président élu.

Pour sa part, le Groupe PPE/DC demande aux autorités arméniennes de mener une enquête indépendante sur le processus électoral, associant des membres de l’opposition, pour désamorcer la situation actuelle. A défaut, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait procéder elle-même à cette enquête.

Le Groupe PPE/DC propose également de modifier en profondeur le système actuel d’observation des élections, car il aboutit à légitimer des pratiques antidémocratiques. Le groupe a de nombreuses suggestions à faire pour procéder à cette réforme. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à M. Rustamyan.

M. RUSTAMYAN (Arménie). – Monsieur le Président, mes chers collègues, je veux tout d’abord féliciter notre rapporteur, M. Prescott, pour son rapport très complet et détaillé.

Près de quatre cents observateurs, parmi lesquels soixante-quinze parlementaires de l’OSCE, du Conseil de l’Europe et du Parlement européen ont suivi l’élection présidentielle arménienne.

Comme toutes les élections précédentes, celle-ci a mis à l’épreuve la volonté politique des autorités et la capacité du pays à organiser une élection vraiment libre et équitable et à consolider le processus démocratique en Arménie. Par rapport aux élections parlementaires et présidentielles de 2003, qui avaient été jugées non-conformes aux normes et engagements du Conseil de l’Europe, les élections parlementaires du 12 mai 2007 avaient révélé des améliorations sensibles.

En ce qui concerne cette dernière élection présidentielle, la mission internationale d’observation des élections a constaté qu’elle s’était déroulée à peu près conformément aux normes et engagements de l’OSCE et du Conseil de l’Europe. En effet, des progrès considérables ont été observés concernant, notamment, le déroulement libre de la campagne électorale, avec une parité dans le temps d’antenne accordé aux candidats et une possibilité égale d’accès aux chaînes de télévision. L’environnement médiatique incitait donc nécessairement à un processus démocratique. Un éventail de candidats forts a renforcé considérablement la compétition lors de la campagne électorale et a donné un vrai choix aux électeurs le jour du scrutin. Pour cette raison, le taux de participation a été, cette fois, particulièrement élevé.

Toutefois, il est évident que des améliorations considérables sont encore nécessaires, de même qu’une volonté politique, si l’on veut résoudre les problèmes fondamentaux du système électoral du pays. Ces problèmes sont liés, avant tout, au manque de confiance de l’opinion publique dans le processus électoral et à l’absence d’une séparation nette entre les fonctions d’Etat et les responsabilités du parti. Tant que ces problèmes ne seront pas réglés, nous aurons toujours des réclamations concernant des abus de ressources administraives et des tentatives d’influencer et d’intimidation des électeurs, notamment en achetant leur voix.

Disposer d’un système électoral capable de rétablir la confiance du peuple dans le processus électoral est donc une tâche essentielle pour l’Arménie, car le manque de confiance reste le principal responsable de la tension post-électorale. Ainsi, l’évaluation correcte et impartiale des résultats des élections paraît impossible. Personne ne veut jamais reconnaître son échec ; par conséquent, il y a toujours plusieurs vainqueurs. Malheureusement, cette fois, l’évolution de la situation après les élections a eu des suites tragiques pour l’Arménie, et la déclaration de l’Etat d’urgence, à Eravan, était inévitable.

Chers collègues, il est très clair qu’aujourd’hui, en Arménie, l’élection présidentielle et l’évolution post-électorale ont soulevé un certain nombre de préoccupations, notamment en ce qui concerne les efforts déployés par le pays en vue de mettre en œuvre les réformes politiques, économiques et sociales. Cet objectif nous oblige à résoudre le plus rapidement possible cette crise et à atténuer la tension entre les partis au gouvernement et l’opposition. Toutes les parties concernées doivent exprimer une volonté polilique de s’engager dans une coopération constructive et frustueuse dans le but de soutenir et de consolider les institutions démocratiques du pays. Pour ce faire, nous aurons bien entendu besoin de l’aide et du soutien des institutions européennes. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT. – La parole est à Mme Pourbaix-Lundin.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède) (Interprétation) a participé depuis janvier 2007 à plusieurs missions d’observation ; ce qu’elle a vu en Arménie a été le pire. Le décompte des voix, en particulier, a été un désastre. Tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné : des bulletins de vote non utilisés n’ont pas été détruits, des procès-verbaux ont été signés avant que les voix aient été décomptées…

L’incident le plus sérieux a eu lieu lorsque le président d’une commission électorale locale a lu les mauvais noms et laissé délibérément les scrutateurs empiler de travers les bulletins de vote. Les officiels essayaient de dissimuler ces manœuvres mais au final une centaine de voix manquaient ! Dans le bureau de vote où l’oratrice s’est rendue, trois jeunes observateurs ont créé une atmosphère très désagréable, au point que l’interprète, paniqué, leur a demandé de ne plus rien dire ! De toute évidence, le but des officiels était que le Premier ministre obtienne assez de voix pour qu’il n’y ait pas de deuxième tour. Cela n’a pas empêché les médias de prétendre le lendemain que les élections s’étaient déroulées de façon conforme aux normes internationales.

L’oratrice raconte, pour conclure, que lorsqu’elle a essayé de prendre une photo du Parlement arménien, trois policiers lui ont sauté dessus en lui disant que c’était interdit parce que « le Parlement, c’est secret ». Lorsqu’un Parlement est gardé comme un secret, c’est mauvais signe pour la démocratie. (Applaudissements)

Lundi 14 avril 2008 à 15 heures

LE PRÉSIDENT (Interprétation) précise qu’il se rendra également dans les camps de réfugiés du Haut-Karabakh.

Il donne la parole à M. Seyidov.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan) (Interprétation) estime que dans toute l’histoire du Conseil de l’Europe, aucune élection n’a revêtu un caractère aussi tragique que le récent scrutin en Arménie. Le rapporteur a cru pouvoir conclure que l’élection présidentielle « s’était déroulée conformément aux normes du Conseil de l’Europe ». Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce que tuer des êtres humains est conforme aux normes du Conseil de l’Europe ? Et les centaines d’arrestations ? S’agit-il d’une nouvelle norme ?

L’orateur est reconnaissant à l’Assemblée d’avoir organisé un débat d’urgence sur l’Arménie. Aux neuf morts mentionnés par le rapporteur, il faut ajouter la vingtaine de personnes décédées à l’hôpital après les manifestations. Quand un tel événement se produit en Chine, le monde entier proteste, mais quand cela se passe en Arménie, c’est le silence. On avait déjà assisté à ce type d’événement à Vilnius ou à Bakou du temps de l’Union soviétique, mais à l’époque ce pays avait un régime autocratique. Faut-il en conclure que l’Arménie a le même type de régime ? (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Rochebloine.

M. ROCHEBLOINE (France). – Monsieur le Président, mes chers collègues, comme d’autres collègues de notre Assemblée, j’ai participé à la mission d’observation relative au déroulement de l’élection présidentielle en Arménie. A ce titre, je voulais présenter quelques brèves observations sur la procédure et sur le fond.

Sur la procédure, je dois à nouveau déplorer que, sous couvert d’impartialité, les missions d’observation électorale, dont le Conseil de l’Europe est partie prenante, soient contraintes d’utiliser des formulaires OSCE stéréotypés, avec des rubriques préformatées; leur conception est déjà une manière de conditionner le jugement.

Je dois également rappeler que le français est l’une des deux langues de travail du Conseil de l’Europe et des commissions et instances diverses qui en dépendent. Il n’est pas convenable que les documents publiés dans un tel cadre et destinés à l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire soient établis de propos délibéré dans la seule langue anglaise ; au-delà d’une méconnaissance de nos règles internes, ce parti pris finit par revêtir une signification plus politique, que je regrette.

D’une manière générale, ces missions d’observation électorale ne doivent être ni conçues ni perçues comme la manifestation plus ou moins discrète du sentiment de supériorité de nos vieilles démocraties. Elles jalonnent, à des moments particulièrement importants de la vie politique de nos pays, une démarche d’accompagnement et non de condescendance.

Sur le fond, avec mes collègues Georges Colombier et René Rouquet, je n’ai constaté dans l’organisation matérielle des opérations électorales ou dans le déroulement du scrutin aucune irrégularité majeure qui me conduirait à en estimer le résultat contestable. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à exprimer ce sentiment : l’OSCE et le Conseil de l’Europe, par la voix de notre rapporteur, M. Prescott, l’ont clairement dit lors de la conférence de presse post-électorale. Je m’en félicite, car je considère que le respect effectif des règles démocratiques à l’occasion d’un scrutin revêt une portée symbolique importante.

Aussi vous comprendrez que je sois surpris de la présentation caricaturale faite par notre collègue suédois, M. Mariette de Pourbaix-Lundin, à propos des élections.

Par ailleurs, je fais partie de ceux qui n’aiment pas beaucoup les donneurs de leçons. Toutefois, si l’on veut le faire, il faut pour cela être exemplaire et n’avoir rien à se reprocher. Tel n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan ; il suffit de se rappeler le rapport de notre collègue Andreas Gross lors des dernières élections législatives.

Aussi, j’aurais pensé que notre collègue M. Seyidov aurait fait preuve d’un peu plus de modération et de retenue dans ses propos.

S’agissant des événements qui se sont déroulés après les élections, nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat d’urgence jeudi prochain, comme le Président nous a invité à le faire ce matin. (Applaudissements.)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. Hovannisian.

M. HOVANNISIAN (Arménie) (Interprétation) souligne que les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doivent, en entrant dans cette enceinte, laisser le patriotisme à la porte. Ils sont en effet là pour défendre l’état de droit dans tous les pays, faire respecter les droits de l’homme et prévenir les crimes contre l’humanité tels que le génocide. Il espère à ce propos que ce grand voisin qu’est la Turquie finira par reconnaître le génocide dont ont été victimes les Arméniens. Dans l’enceinte de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il ne faut pas chercher à saisir toutes les occasions de marquer des points en politique nationale, mais au contraire travailler tous ensemble.

On parle aujourd’hui du Kosovo, mais il y a quelques années, c’est le Haut-Karabakh qui souffrait et qui devait se débarrasser de l’héritage de Staline. Peut-être un jour reconnaitra-t-on qu’une guerre fut lancée contre lui et peut-être cette reconnaissance se fera-t-elle ici même, au Conseil de l’Europe.

Les difficultés et les échecs de l’Arménie ne sont pas imputables à la Turquie, à l’Azerbaïdjan ou à un autre pays. C’est bien à l’Arménie d’assumer ses responsabilités, c’est en elle que se trouvent les solutions. Ne dit-on pas « Aides-toi et le ciel t’aidera » ? Aussi l’orateur souhaite-t-il que la communauté internationale exige de l’Arménie, pays à la source de la civilisation européenne, le respect des plus hauts standards démocratiques.

Le rapport dit qu’il y a eu des progrès, mais quel grand État membre accepterait de telles irrégularités, de telles fraudes, de telles violences ? La conclusion du rapport ne correspond donc pas à la réalité alors que l’Assemblée parlementaire, qui défend les valeurs essentielles du Conseil de l’Europe, devrait être le lieu où l’on dit la vérité. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à Mme Pashayeva.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan) (Interprétation) rappelle que l’Arménie occupe 20% du territoire de l’Azerbaïdjan et qu’un million d’Azéris sont réfugiés depuis plus de quinze ans.

Lors de la campagne des élections présidentielle, l’actuel président de l’Arménie a fait de nombreuses déclarations sur les négociations en cours ; il a évoqué le Groupe de Minsk et il a parlé d’élections dans le Haut-Karabakh occupé. La communauté internationale a jugé ses propos provocateurs et a réagi vivement. La situation s’en est trouvée exacerbée et il est aujourd’hui indispensable que l’Assemblée parlementaire prenne vigoureusement position. En effet, les élections libres et équitables font parties des valeurs essentielles du Conseil et il est clair que l’Arménie, qui en est membre, ne les respecte pas. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (Traduction). – La parole est à M. le rapporteur de la commission ad hoc sur l’observation de l’élection présidentielle en Arménie.

M. PRESCOTT (Royaume-Uni) (Interprétation) ne souhaite pas revenir sur les différends entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. S’il faut se féliciter de ce qui a déjà été fait pour améliorer le déroulement des élections dans ce dernier pays, il est bien évident qu’il reste beaucoup à faire. Il est essentiel de garder à l’esprit que le premier objectif des missions d’observation est d’aider les pays concernés à avancer sur la voie de la démocratie. (Applaudissements)

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Author: raffi

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