Le juge Vahe Grigorian se sent un peu seul dans cette Cour constitutionnelle où il a été élu en début d’année par un vote du Parlement dominé par l’alliance Im Kayl (Mon pas) du premier ministre Nikol Pachinian. Seul contre tous les autres membres de la plus haute cour du pays, nommés durant l’ancien pouvoir en plave à Erevan, à commencer par son president, Hrayr Tovmassian, dont N.Pachinian réclame ouvertement la tête depuis plusieurs mois, au point de provoquer une crise constitutionnelle assez grave pour inquiéter la Commission de Venise du Conseil de l’Europe et d’autres instances européennes quant à l’évolution de la réforme judiciaire engagée en Arménie. V. Grigorian, qui s’était déjà publiquement prononcé contre H.Tovmassian et avait tenté vainement de rallier ses pairs de la Cour constitutionnelle à sa fronde, a lancé un nouvel appel pressant au Parlement pour qu’il règle cette “crise”.
Un premier appel du Parlement en vue du remplacement de H.Tovmassian en octobre avait été rejeté par les autres membres de la Cour. V.Grigorian n’a de cesse de demander l’ élection d’un nouveau president de la haute cour, en faisant valoir qu’elle est requise par la nouvelle Constitution adoptee par un referendum en 2015. Cet argument a eu le soutien de Nikol Pachinian qui a accuse Hrayr Tovmasian d’avoir “privatisé” la Cour constitutionnelle en vertu d’un accord avec l’ancien président Serge Sarkissian peu avant que les amendements constitutionnels entrent en vigueur en avril 2018. Aux allegations de persecution politique, mises en avant par H.Tovmasian, l’exécutif a répondu par de nouvelles pressions visant à le faire quitter son poste, en le menaçant d’une enquête visant déjà son entourage qui aurait aidé à cette “usurpation”. Interrogé par RFE/RL, V.Grigorian a souligné que la seule solution pour règler cette crise serait d’élire de nouveaux juges, les juges déjà existants pouvant se représenter s’ils le souhaitent, tout en rappelant qu’en vertu de la nouvelle Constitution, seul lui et Arman Dinalian avaient le statut legal de juges, les autres étant “membres” de la Cour constitutionnelle. Et dans la République parlementaire qu’est devenue l’Arménie, c’est le Parlement qui détiendrait la clé du problème et sa solution…
