Lorsque vers 16 heures, la consigne est donnée aux manifestants de former un cortège qui ira par Sayat Nova jusqu’à l’immeuble de la Radio publique, ce sont les femmes qu’on appelle à se placer en tête. Elles marcheront jusqu’à ce que l’opposition considère comme un relais du pouvoir. Tout devant, en première ligne, elles font rentrer en arrière dans la foule une petite playmate à la minijupe vert fluo trop courte et trop voyante. Certaines des femmes, une fois parvenues devant la radio publique, demandent courtoisement aux cordons de police d e leur laisser porter leur déclaration commune aux journalistes. La consigne est la même qu’hier : pas de provocation.
Gohar Arménakan est au milieu de cette première ligne, en tant que dirigeante de ce mouvement qui rassemblent les mères des jeunes tombés au combat. La manifestation de ces femmes veut marquer un point dans la mentalité collective arménienne : elles sont là comme mères, comme garantes finalement de la nation et de sa sauvegarde, de sa continuité à travers les enfants mis au monde, un symbole tout aussi fort que celui du cortège d’hier, qui avait mis devant les jeunes des universités.
Certaines, avec colère, hurlent bien sûr devant le cordon de police disposé autour de la radio, mais la plupart appellent surtout au ralliement. Le cortège rejoindra ensuite l’opéra sans incidents notables, pour reprendre un rassemblement qui confirme son intention de durer. Demain, dimanche, si le soleil brille encore fort comme ces derniers jours, la foule devrait être toujours au rendez-vous. Le long de l’avenue Bagramian, des forces de police anti-émeutes sont stationnées en permanence. Un travailleur social qui travaille à Gumri et rejoignait ce matin Erévan témoigne qu’aucun minibus ne part de la deuxième ville du pays et qu’à l’entrée d’Erévan, les voitures sont systématiquement fouillées. Pour l’heure, le pouvoir reste muet.
Les chaînes de télévision aussi d’ailleurs, ne reflétant que bien peu ce qui se passe au cur du pays. LTP semble jouer la carte de la non violence mais aussi celle du temps. La Commission Electorale Centrale a jusqu’au 26 février pour proclamer les résultats de manière la plus officielle qui soit. Mais on redoute aussi un scénario d’affrontement entre ce pouvoir sorti vainqueur des urnes et les militants très remontés de l’opposition qui continuent à affirmer que les élections reposent sur des fraudes de masse.
Laurence Ritter
Nouvelles d’Arménie Magazine
Erevan