Ainsi, le pire des scénarios s’est-il produit : l’état criminel turc a été invité le 17 décembre à s’asseoir à la table des négociations en vue de son adhésion à Europe, sans que la question de la reconnaissance du génocide ne figure parmi les critères d’admission.
Ainsi, l’Europe s’est-elle montrée prête à partager sa souveraineté avec une « république » dont les fondements s’enracinent sur l’extermination d’un peuple et la négation des faits.
Ainsi, au lieu d’amener ce pays à se mettre en conformité avec ses standards humanistes revendiqués, le sommet des chefs d’Etats réunis à Bruxelles est descendu au niveau du négationnisme turc en évacuant, conformément à ses exigences, la question de la reconnaissance du génocide arménien.
La condamnation de ce crime, demande ô combien minimaliste, était pourtant emblématique de la sincérité turque de rompre avec un passé marqué par l’impérialisme, les crimes contre l’humanité. Mais à Bruxelles en 2004, comme à Munich en 1938, l’Europe a renoncé à ses principes, et a préféré concéder un mauvais arrangement plutôt que de défendre ses valeurs.
Il est malheureusement à craindre que cette capitulation en rase campagne de l’Europe des droits de l’homme ne fasse que renforcer l’arrogance du nationalisme turc, et le conforter dans l’idée que le crime est payant. Les manifestations d’hystéries collectives qui ont ovationné à Istanbul l’ouverture des négociations ne laissent pas place au doute : Les étendards de la Turquie triomphante brandis par les manifestants étaient incommensurablement plus nombreux que les drapeaux européens.
Les Arméniens étaient inquiets. Depuis le 17 décembre, ils sont atterrés. Pourrait-il en être autrement face à cet événement qui, plus grave encore qu’une victoire du cynisme, symbolise la déroute des valeurs fondamentales de la démocratie que sont la volonté de la majorité et la protection de la minorité. Ni l’une ni l’autre n’ont en effet été respectées à Bruxelles. En ce qui concerne la majorité, la décision des chefs d’Etats a été prise contre les opinions publiques, sans aucune espèce de consultations. Quant à la défense de la minorité, elle a été littéralement bafouée avec l’occultation du génocide.
Michel Barnier qui s’est in extremis souvenu que le Parlement français avait voté une loi reconnaissant le génocide n’a utilisé le terme, selon un communiqué pitoyable du Quai d’Orsay, qu’à son corps défendant.
Quant aux déclarations du président de la république demandant à la Turquie de faire un «effort de mémoire», elles n’ont rien non plus de très persuadant quant à leur pouvoir de conviction sur les islamo-nationalistes au pouvoir à Ankara.
Il faut se rendre à l’évidence, la Turquie est en train d’entrer en Europe. Aussi impensable que cela puisse paraître, un Etat qui se situe dans la droite ligne des atrocités anti-arméniennes, est appelé à jouer un rôle dominant dans l’espace politique où les rescapés du génocide ont trouvé refuge. Il s’agit d’en tirer les conséquences en procédant pour le moins à un aggiornamento de notre fonctionnement collectif, car le 17 décembre marque un recul du camp arménien. Ensuite, et c’est l’urgence, il faut sans plus tarder relancer la mobilisation pour une condamnation pénale du négationnisme turc. La cohabitation avec un Etat négationniste est impossible. Pour nous, c’est clair. Mais aussi pour l’idée européenne. Car celle-ci perdrait tout son sens si un seul peuple se sentait menacé dans l’espace qu’elle ambitionne d’unifier.
Le Munich bruxellois
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