Le parquet arménien ouvre la voie à des procès en diffamation…

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Suscitant une levée de boucliers des organisations de défense de la liberté de la presse, des procureurs arméniens ont élaboré un projet de loi qui sanctionnerait d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement toute déclaration jugée diffamatoire visant le gouvernement, les agences de sécurité et autres institutions de l’Etat. Le texte relatif à la pénalisation de la diffamation, qui avait été présenté dernièrement devant le Parlement , avait déjà provoqué de vives réactions au sein de l’opposition, mais aussi de la part des associations défendant la liberté de la presse, qui redoutaient que le pouvoir l’utilise comme un instrument pour museler les media indépendants ou d’opposiion. Des craintes que semble confirmer cette initiative des procureurs arméniens visant à présenter le pouvoir comme le principal bénéficiaire de ce texte sanctionnant les auteurs de diffamations. Toute forme de diffamation avait été décriminalisée en Arménie en 2010 sous le mandat de l’ancien président Serge Sarkissian, sur les recommendations du Conseil de l’Europe. Un projet d’amendement diffusé par le Bureau du Procureur général et posté sur un site web du gouvernement mercredi 17 février signale que les menaces et insultes visant des personnalités officielles dans l’exercice de leurs fonctions étant devenues monnaie courante, il convenait de les sanctionner en conséquence. Il précise que les individus propageant des déclarations calomnieuses par voie de presse ou par quelque autre media public seraient passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de lourdes amendes. Les principaux organes de presse et media d’Arménie ont fait part jeudi de leurs sérieuses préoccupations concernant ce projet de loi, en soulignant qu’il pourrait être utilisé par les autorités comme un “instrument” congtre des critiques légitimes. Dans une déclaration commune, ils l’ont désigné comme la “suite logique” des récentes mesures législatives visant à restreindre la liberté de la presse dans le pays. La déclaration commune rappelle la décision prise la semaine dernière par le Parlement arménien d’approuver un texte prévoyant de multiplier par cinq le montant maximum légal des amendes sanctionnant la diffamation ainsi qu’une autre proposition de députés pro-gouvernementaux restreignant la liberté des journalistes d’invoquer des sources anonymes. “Nous exprimons notre déception, alors que les autorités issues de la révolution de 2018 prévoient de mettre en œuvre des restrictions inacceptables de la liberté d’expression”, souligne le communiqué signé par 11 organisations liées à la presse en ajoutant : “Nous n’avons pas du tout pour objectif de défendre les auteurs de calomnies et d’insultes… Mais nous estimons nécessaire de rappeler aux representants des autorités, aux personnalités officielles et publiques, qu’ils doivent faire preuve au moins de tolérance face aux critiques”. L’initiative des procureurs a été de fait validée par le ministère arménien de la justice qui semblait pourtant plutôt réticent dans un premier temps. Mais le gouvernement de Nikol Pachinian n’a pas encore clarifié sa position concernant la pénalisation de la diffamation. Certains députés membres de l’alliance Im Kayl (Mon Pas) majoritaire au Parlement avaient fait savoir la semaine dernière qu’ils s’opposeraient à une telle mesure. Daniel Ioannisian de l’Union des citoyens informés a aussi critiqué jeudi le texte proposé par les procureurs, estimant qu’il pourrait se traduire par une censure des media. “Vous ne trouverez aucun pays européen ou démocratique qui considère comme un crime le fait d’insulter ou de calomnier les seules autorités, et non les citoyens [ordinaires]”, a déclaré D. Ioannisian, cité par RFE/RL, en ajoutant :“Certes, il y a des pays, y compris démocratiques, où la diffamation constitue une offense d’ordre criminel … Mais il n’y a pas de pays [démocratique] où l’on qualifie de crime le fait d’insulter les autorités pais pas le fait d’insulter les simples citoyens ». Il a souligné que les autorités devraient plutôt s’employer à lutter contre la propagation de fausses informations par des anonymes ou des comptes falsifiés sur les réseaux sociaux.
Les hésitations du gouvernement face à ce texte sont compréhensibles, au regard du passé même de son dirigeant. Avant d’être député de l’opposition puis premier ministre à la faveur de la révolution de velours du printemps 2018, Nikol Pachinian était en effet le directeur de l’un des principaux journaux d’opposition, dont il ,a confié d’ailleurs les rênes à son épouse lorsqu’il s’est consacré à la politique. Comme journaliste d’opposition, il ne s’est guère privé d’adresser des critiques aux anciens dirigeants, des critiques qui auraient pu tomber sous le coup des lois que s’apprête à voter aujourd’hui le Parlement que sa formation contrôle.

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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