Un procureur d’Istanbul a requis jusqu’à trois ans de prison contre la romancière turque Elif Shafak pour avoir « insulté l’identité nationale » dans un de ses livres, consacré aux massacres d’Arméniens sous l’empire ottoman.
Les propos incriminés sont ceux de personnages Arméniens du roman « Baba ve Pic » (« Le Père et le Bâtard »), initialement écrit en anglais -Mme Shafak poursuit une carrière universitaire aux Etats-Unis- puis traduit en turc en mars 2006.
Le roman suit les pérégrinations de quatre générations de femmes entre les Etats-Unis et la Turquie pour raconter l’histoire d’une famille arménienne et des descendants d’un de ses enfants, abandonné en Turquie lors du génocide des Arméniens de 1915-1917, qui s’est converti à l’islam et a vécu comme un Turc.
Elif Shafak, 35 ans, est poursuivie au titre de l’article 301 du code pénal, qui a déjà servi de base à plusieurs autres procès contre des journalistes et des intellectuels et dont l’Union européenne, avec laquelle la Turquie a entamé des négociations d’adhésion en octobre, réclame l’abrogation.
Parmi eux figurent le directeur de la rédaction du quotidien bilingue turc-arménien Hrant Dink, condamné à six mois de prison avec sursis, et l’un des écrivains les plus connus de Turquie, Orhan Pamuk, contre qui les charges ont été abandonnées.
Comme dans ces deux affaires, la procédure contre Mme Shafak a été engagée sur la base d’une plainte de Kemal Kerinçsiz, un avocat nationaliste qui s’est acquis une certaine notoriété pour sa « traque » infatigable des intellectuels questionnant la position officielle sur les massacres d’Arméniens.
Une première demande d’enquête contre Mme Shafak avait été rejetée, mais cette décision a été cassée en appel. La date du procès a été fixée au 21 septembre et ce malgré la demande de report d’Elif Shafak dont la date d’accouchement de son premier enfant est prévu pour le 17 septembre.
Le roman « Baba ve Pic » (« Le Père et le Bâtard ») s’est déjà vendu à plus de 50 000 exemplaires en Turquie.