Le ton monte entre Moscou et Erevan

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Alors que le président russe Vladimir Poutine recevait une nouvelle fois lundi 4 septembre à Sotchi son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, soulignant l’entente cordiale entre la Russie et la Turquie, pourtant membre de l’Otan, à l’heure d’une guerre en Ukraine qui permet au président turc de jouer les médiateurs, notamment en tentant de réactiver l’accord qu’il avait pu négocier en juillet 2022 sur les exportations de céréales ukrainiennes par la mer Noire, l’Arménie et la Russie s’engagent dans une escalade verbale qui met en péril les relations, déjà très fragilisées, entre les deux pays traditionnellement alliés au Sud Caucase. Les dernières déclarations du premier ministre arménien Nikol Pachinian, mettant clairement en doute les orientations stratégiques de l’Arménie, qui aurait eu le tort de s’en remettre à la seule Russie pour assurer sa sécurité, face à l’alliance constituée par ses ennemis traditionnels, l’Azerbaïdjan et la Turquie, ont suscité de vives critiques à Moscou, qui laisse entendre de son côté que l’Arménie doit à la seule politique de Pachinian et à sa foi naïve dans l’Occident les difficultés sécuritaires majeures auxquelles elle se trouve confrontée depuis sa défaite dans la guerre du Karabagh de l’automne 2020. Les nouvelles accusations portées par Pachinian contre les soldats de la paix russes déployés dans la zone du conflit en vertu de l’accord de cessez-le-feu russo-arméno-azéri du 9 novembre 2020 mettant fin à six semaines d’une guerre sanglante, une force d’interposition dont l’inertie face aux provocations de Bakou traduirait selon lui le « refus ou l’incapacité » de la Russie de défendre l’Arménie dans ce Sud Caucase dont elle voudrait éventuellement se retirer, n’ont on s’en doute, pas été du goût des autorités russes qui ont adressé une mise en garde à l’Arménie contre toute tentative d’aider l’Occident à « expulser la Russie » d’une région qu’elle ne semble pas disposée à quitter, du moins de son propre chef. Dans une interview accordée au quotidien italien La Repubblica et diffusée par son service de presse ce weekend, Pachinian avait notamment déclaré que son gouvernement cherchait à “diversifier notre politique sécuritaire ” parce que la trop longue et pesante dépendance par rapport à la Russie s’est révélée être une “ erreur stratégique ”. “L’architecture de la sécurité de l’Arménie, y compris pour ce qui concerne la logique de l’approvisionnement en armes et munitions, a été reliée à la Russie à 99,999 %”, a martelé Pachinian en ajoutant : “Mais alors que la Russie elle-même a besoins d’armes et de munitions [dans le contexte de la guerre en Ukraine] il est évident que dans cette situation la Fédération de Russie ne saurait satisfaire aux exigences sécuritaires de l’Arménie, quand bien même elle le voudrait ”. “La Fédération de Russie a été présente dans notre région, le Sud Caucase, pendant assez longtemps. Mais nous avons été témoins de situations où la Fédération de Russie a quitté purement et simplement le Sud Caucase en un jour, un mois ou une année ”, a poursuivi Pachinian dans une allusion à l’effondrement de l’Empire tsariste en 1917. “Il y a des processus qui, bien sûr, amènent à penser que le même scenario puisse se répéter et qu’un jour, nous puissions nous réveiller et voir que la Russie n’est plus là ”, a insisté Pachinian. Ces prévisions assénées avec une candeur réelle ou feinte au détour d’une interview à un media européen dans laquelle le leader arménien conjuguait au passé la présence russe dans ce Sud Caucase auxquels les Russes sont d’autant plus attachés qu’ils l’ont tenu pour une tête de pont en Asie, bien avant même que la Perse ne leur en cède le contrôle au début du 19e siècle, n’ont pas manqué de faire réagir Moscou, où des « sources diplomatiques ” non spécifiées ont désigné de tels propos comme “inacceptables”. “En fait, ils cherchent à évincer artificiellement la Russie du Sud Caucase, en utilisant Erevan comme un moyen pour atteindre cet objectif”, a indiqué cette source, citée par l’agence officielle russe TASS, en ajoutant : “En tant que voisin et ami le plus proche de l’Arménie, la Russie n’a pas l’intention de quitter la région. Par ailleurs : l’Arménie ne devrait pas devenir une arme pour l’Occident en vue d’évincer la Russie ”. Pachinian appuie son argumentation sur l’inertie coupable des forces de paix russes, qui n’ont pas été en mesure de rouvrir le corridor de Latchine, où elles étaient pourtant censées garantir la libre circulation, conformément aux termes du cessez-le-feu de novembre 2020. Le blocage de cet axe vital par Bakou depuis le 12 décembre et le blocus qui s’en est suivi, montrent, a souligné Pachinian, que les soldats de la paix russes « n’ont pas rempli leur mission » telle que définie par l’accord de cessez-le-feu trilatéral. La source russe citée par TASS a rejeté les « accusations sans fondement » portées par Pachinian contre les soldats de la paix. Cette même source a rappelé que la reconnaissance controversée par le premier ministre arménien de la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh “avait rendu difficile au possible le travail du contingent russe de soldats de la paix ”. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, avait de la même manière accusé le 30 août Pachinian d’être le principal responsable de la situation au Karabagh pour avoir fait de trop importantes concessions à Bakou qui, loin d’aller vers un compromis, aurait durci ses positions et engagé ce blocus provoquant la crise humanitaire sans précédent que connaît le Karabagh. Une critique rejetée par son homologue arménienne qui lui avait répondu par la longue liste des griefs dont les Russes sont coupables aux yeux des Arméniens. Cette guerre des mots trahit le fossé qui ne cesse de se creuser depuis un an entre Moscou et Erevan, alimentant les spéculations sur un virage pro-occidental que prendrait l’Arménie, en rupture avec ses orientations géopolitiques traditionnelles. Certains des alliés politiques de Pachinian et des groupes civiques financés par l’Occident ont salué une telle éventualité. En revanche, les principales formations de l’opposition arménienne ont exprimé leur profonde préoccupation, en faisant valoir que l’Occident n’était pas prêt à fournir à l’Arménie les garanties de sécurité ni l’aide militaire dont elle a besoin. Une préoccupation partagée par les milliers de personnes qui manifestaient à l’appel de la FRA Dachnaktsoutioun à Erevan ce week end pour apporter leur soutien à la population du Karabagh et demander la démission de Pachinian.

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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