Le « Z » de l’opération russe en Ukraine s’affiche dans une école russe de Gyumri

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Tout en réaffirmant ses liens d’amitié et d’alliance avec la Russie, l’Arménie s’est gardée de prendre position dans la guerre qui dévaste l’Ukraine depuis trois semaines. Si elle fait partie de ces rares pays qui n’ont pas voté la résolution condamnant l’invasion russe votée massivement lors de l’assemblée générale de l’Onu le 2 mars, et si elle a des liens étroits avec l’allié russe, qui a renforcé son emprise sur le pays depuis la guerre du Karabagh de l’automne 2020, l’Arménie dispose néanmoins de sources d’informations indépendantes et n’est pas soumise à la censure imposée aux media et aux réseaux sociaux par la Russie, où il est interdit d’énoncer le mot guerre, que le discours persiste à présenter comme une « opération militaire spéciale », sous peine d’emprisonnement. L’Arménie, qui vit encore sous le traumatisme de la guerre que lui a imposée l’Azerbaïdjan, il y a moins de deux ans, est informée de ce qui se passe en Ukraine, dont elle a accueilli déjà 4 000 réfugiés, pour la plupart d’origine arménienne, sur les quelque 3 millions qui ont fui les combats. Aussi l’opinion arménienne a-t-elle été choquée à la vue d’images représentant les images d’élèves d’une école russe de Gyumri, alignés dans la cour de l’établissement de telle sorte qu’ils forment la lettre « Z », nom de code de l’opération militaire russe, qu’arborent tous les véhicules militaires russes impliqués en Ukraine et au-delà, en Russie, devenue le signe de ralliement des « patriotes » russes, depuis les édifices publics jusqu’aux revers des vestons des présentateurs télé. L’école russe de Gyumri qui, en début de semaine, a rendu par ce « Z » un hommage aux soldats russes se battant en Ukraine a certes un statut bien particulier. Elle accueille essentiellement les enfants des soldats russes stationnés dans la base russe de Gyumri, ainsi que du personnel arménien affecté à cette base, la principale de la Russie au Sud Caucase, avec 3000 soldats en exercice. Depuis l’accord de défense russo-arménien de 1997, enforcé en 2010, les soldats russes font partie du paysage urbain de Gyumri, la deuxième ville d’Arménie, au nord-ouest d’Erevan, à quelques kilomètres à peine de la très sensible frontière turque. Certains des enfants âgés de 13 à 14 ans qui ont participé à cet exercice paramilitaire organisé par les responsables de l’école ont confié aux journalistes du Service arménien de RFE/RL qu’ils étaient à peine informés de la guerre en cours en Ukraine et n’avaient d’ailleurs aucune idée de la signification de l’emblématique lettre « Z », inexistante dans l’alphabet cyrillique et qui prête encore à spéculation, entre le « z » de Zapad (Occident en russe) ou de « za pobeda » (vers la victoire) ou tout simplement un nom de code à vocation purement tactique, valant titre de reconnaissance sur le champ de bataille. L’apparition, à côté de ce « Z » martial, d’une autre lettre empruntée à l’alphabet latin, le « V », de plus en plus brandi lui aussi par les « patriotes » russes, n’a pas permis de trancher puisqu’il pourrait faire référence quant à lui au « V » de la « victoire » ou de « Vostok » (orient en russe). “Ils nous ont rassemblés pour que l’on forme la lettre Z pour une video”, a expliqué l’un des enfants de cette école de Gyumri. Cet exercice s’est déroulé dans la cour de l’école, dans un froid sibérien dont la ville de Gyumri est coutumière en hiver. Les enfants ont précisé que l’administration de l’école leur avait aussi donné des pancartes avec la lettre Z qu’ils devaient brandir durant l’exercice, qui avait vocation, on s’en doute, à illustrer le soutien de l’allié arménien à la Russie dans cette guerre dont elle ne veut pas dire le nom. “Ils ne nous ont pas expliqué de quoi il s’agissait précisément. Ils nous ont simplement réunis devant l’école”, a ajouté l’un des participants, élève de l’école No. 19 de Gyumri située dans le district militaire près de la 102e base militaire de Russie et qui dépend donc du ministère russe de la défense. Un journaliste de RFE/RL n’a pas été autorisé à filmer à l’intérieur de l’établissement de deux étages, sans la permission du ministère russe de la défense. Pour cette même raison, la direction de l’école a opposé un refus catégorique aux demandes des journalistes concernant cet exercice parascolaire. Certains des élèves arméniens ont toutefois accepté de répondre aux questions, mais sous couvert d’un très strict anonymat. “Nous avons tous été rassemblés. Il y a une personne qui organise de tels événements dans notre école. Cette personne nous a tous réunis dans la cour et a réalisé une video. Ils ont donné aux enfants des pancartes avec la lettre Z et on a aligné les enfants en forme de Z et la video a été terminée”, explique l’un de ces élèves. Un autre participant de cette action ajoute : “On nous a dit de sortir dix minutes après que l’école a sonné ses cloches. Ils ont fait une video nous filmant [alignés en forme de Z] et nous sommes retournés dans l’école”. Selon d’autres témoignages, des étudiants en uniformes militaires auraient encadré les enfants pour cette action à laquelle il n’était manifestement pas question de se dérober, seuls les enfants en bas âge étant restés dans les salles de classe. En égard au caractère très particulier de cette école, l’initiative de sa direction en hommage à la Russie de Poutine n’a pas suscité un vent d’indignation, ni même relancé le débat sensible sur le statut des écoles russes et de la langue russe en Arménie. D’autant que rares sont ceux en Arménie qui osent critiquer Poutine, ou défendre les autorités ukrainiennes, auxquelles les Arméniens reprochent d’avoir soutenu l’Azerbaïdjan. Mais l’Arménie ne se met pas au « Z »,pas plus hier de Zemmour qu’aujourd’hui de Poutine, même si ça et là on peut voir apparaître ces lettres. Ainsi, retransmises par la télévision russe, ces lettres flanquaient la statue emblématique de Mère Arménie, sur les hauteurs de Erevan, dont les autorités municipales affirment ne pas savoir comment elles ont apparu…

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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