Un tribunal d’Erevan a gelé les avoirs d’un journal arménien et de l’un de ses journalistes qui a accusé un important allié politique du premier ministre Nikol Pachinian d’enrichissement illicite.
Dans un reportage vidéo publié ce mois-ci sur le site Internet du journal 168 Zham, le journaliste, Davit Sargsian, a décrit le maire adjoint d’Erevan, Tigran Avinian, comme un « nouveau riche » dont la famille n’a cessé de s’enrichir depuis l’arrivée au pouvoir de M. Pachinian en 2018. Le rapport détaille les intérêts commerciaux considérables que la famille aurait développés au cours des cinq dernières années.
Le rapport affirmait notamment que la mère d’Avinian avait acheté un appartement coûteux dans le centre d’Erevan avant de devenir récemment copropriétaire de deux entreprises et d’un terrain de 9 hectares dans la province méridionale d’Armavir.
M. Avinian, qui sera le candidat du parti au pouvoir, le Contrat civil, aux prochaines élections municipales dans la capitale arménienne, a poursuivi le journal en justice. Il demande un dédommagement d’une ampleur sans précédent pour l’article « calomnieux » qui, selon lui, a porté atteinte à sa « réputation commerciale ».
À la demande de M. Avinian, le tribunal a décidé en début de semaine de geler 18 millions de drams (46 000 dollars) d’actifs appartenant à 168 Zham et Sargsian personnellement, dans l’attente de son verdict dans l’affaire. Cette somme est énorme pour les médias arméniens.
M. Avinian, qui a également été vice-premier ministre de l’Arménie de 2018 à 2021, a défendu l’action en justice lorsqu’il s’est adressé aux journalistes jeudi.
« Je ne peux que conseiller aux médias de garder à l’esprit qu’avant de calomnier quelqu’un, de mentir sur quelqu’un, ils peuvent faire l’objet de telles poursuites », a-t-il déclaré. « Mais je ne suis pas un ennemi des médias. »
L’homme politique de 34 ans n’a pas précisé quelles parties de la vidéo de 5 minutes rédigée par M. Sargsian et publiée sur 168.am étaient fausses.
« Le véritable objectif de M. Avinian est de m’infliger des dommages matériels importants et de me réduire ainsi au silence », a rétorqué M. Sargsian dans un message publié sur Facebook.
Le journaliste, qui est très critique à l’égard du gouvernement arménien, a insisté sur le fait qu’il avait simplement partagé avec les téléspectateurs des informations crédibles qui avaient déjà été rapportées par d’autres médias et qui n’avaient pas été réfutées par M. Avinian.
Les groupes de défense de la liberté de la presse ont également critiqué cette action en justice, affirmant qu’aucun média ou journaliste arménien n’avait jamais risqué d’être condamné à des amendes aussi lourdes.
« Nous sommes en présence d’un cas typique où un fonctionnaire tente de museler et de punir un média », a déclaré Shushan Doydoyan, du Centre pour la liberté de l’information, basé à Erevan. Elle note que M. Avinian n’a pas exigé que le journal revienne sur ses allégations de corruption avant d’intenter une action en justice.
Les publications pro-opposition et indépendantes accusent de plus en plus les membres de l’entourage de M. Pachinian de s’enrichir ou d’enrichir leurs copains et de ne pas tenir les promesses de lutte contre la corruption faites lors de la « Révolution de velours » de 2018.
Le mois dernier, des pirates informatiques ont détourné la chaîne YouTube d’un autre journal, Aravot, alors qu’il s’apprêtait à publier un reportage vidéo détaillant les acquisitions immobilières coûteuses de plusieurs hauts fonctionnaires et députés pro-gouvernementaux.
Au début de l’année, M. Pachinian a accusé ces reportages d’être à l’origine du recul de l’Arménie dans l’enquête annuelle sur la corruption menée par Transparency International. Il a publiquement exhorté les hauts fonctionnaires à poursuivre en justice les médias qui les accusent « à tort » d’enrichissement illicite.
En 2021, le Parlement contrôlé par le parti de M. Pachinian a triplé les amendes légales maximales prévues pour la diffamation.
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