Les charges contre le groupe Spayka s’alourdissent

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Le Comité des revenus de l’Etat (CRE) a fait savoir jeudi 11 avril que les charges de fraude fiscale pesant contre le PDG du groupe agroalimentaire Spayka, Davit Ghazarian, arrêté et incarcéré en début de semaine pourraient s’alourdir. Le directeur du CRE, Davit Ananian, a aussi clairement fait comprendre qu’il ne céderait pas aux pressions de la rue, après les manifestations en faveur de sa liberation des employés du groupe redoutant de perdre leur employ. Il a indiqué que les problèmes financiers que pourrait avoir Spayka du fait de ces poursuites judiciaires, même s’ils affectaient les milliers d’agriculteurs arméniens auprès desquels s’approvisionne le groupe, qui compte lui-même 2000 employés, ne feraient pas fléchir les autorités fiscales dans leur determination à sanctionner ce gros contribuable. Le CRE avait indiqué vendredi 5 avril que Spayka aurait soustrait plus de 7 milliards de drams (14,4 millions de $) aux recettes de l’Etat en 2015 et début 2016, par le biais d’une autre compagnie, importatrice de produits agroalimentaires, Greenproduct, suspectée d’être une filiale du groupe. D.Ghazarian a fermement démenti ces accusations et nié tout lien Greenproduct, admettant juste avoir utilisé les services de cette compagnie. Il a affirmé que le CRE l’avait arrêté pour la seule raison qu’il refusait de payer des arriérés d’impôt qu’il estime ne pas devoir. C’est sur fond de manifestations de ses employés qu’un tribunal de Erevan avait décidé, lundi 8 avril, de l’envoyer en prison alors qu’il est visé par une enquête qui semble plus approfondie. M.Ananian a ainsi fait savoir que le CRE étudiait désormais les operations de Spayka entre 2016 et 2018 et qu’il infligerait vraisemblablement de nouvelles sanctions au groupe pour cette période. “Je pense que cela [l’amende de 7 milliards de dram ] va augmenter car nous constatons les mêmes comportements délictueux sur une période de trois ans et demi et nous avons rassemblé déjà des documents et procédé à quelques calculs qui ne couvrent que … environ 30 % de cette période”, a-t-il indiqué devant les journalistes.

Le premier ministre Nikol Pachinian n’a pas été en reste et s’est emparé de cette affaire censé illustrer son engagement sans faille à lutter contre la corruption et les privileges que se sont octroyés les anciens oligarques et autres hommes d’affaires à la tête de monopoles dont il entend briser l’échine. Il a ainsi endiqué que Spayka pourrait être sujet à un redressement pouvant aller à 30 milliards de drams (62 millions de $), alors qu’il justifiait avec vehemence en public deux jours avant cette nouvelle enquête majeure relative à une evasion fiscale de grande ampleur. Il avait alors affirmé que les enquêteurs pourraient aussi mettre au jour l’implication de l’homme d’affaires emprisonné dans une “chaîne de machinations” plus large, impliquant “les plus hauts échelons” de l’ancien gouvernement d’Arménie. Une intervention fracassante qui risque d’alimenter les suspicions, émises notamment par l’avocat de l’homme d’affaires, quant au rôle de N.Pachinian dans les démêlées judiciaires de son client, avec lequel il inaugurait, quelques jours avant son arrestation, une usine laitière pilote du groupe Spayka au sud de Erevan, et au-delà, quant à l’implication personnelle du premier ministre dans les affaires judiciaires visant les anciens responsables du pays, qui se disent victimes de règlements de comptes politiques. Pour cette affaire comme pour d’autres, la collusion entre les anciens responsables politiques et les hommes d’affaires visés est il est vrai au coeur du problème.

Certains media arméniens soulignent ainsi depuis des années que l’ancien président Robert Kotcharian, emprisonné depuis début décembre 2018 pour son rôle dans la repression postélectorale de mars 2008, charge aggravée par des accusations d’enrichissement personnel, ou le gendre de son successeur Serge Sarkissian, Mikael Minasian, ont des parts majeures dans le groupe Spayka. Mais D.Ghazarian persistait à affirmer, trois jours avant son arrestation, qu’il est le seul PDG de son groupe, fondé en 2001 et qui a connu une expansion spectaculaire depuis, jusqu’à devenir un leader dans le secteur agroalimentaire arménien. Pour sa defense, le groupe Spayka a aussi multiplié les communiqués alarmistes ces jours derniers, laissant entendre que cette pression fiscale énorme et jugée sans fondement compromettait de développement voire l’avenir de la compagnie, qui ne serait plus en mesure d’acheter leurs productions cette année aux milliers d’agriculteurs auprès desquels elle s’approvisionne, dans quelque 80 localités dans tout le pays. “Nous faisons face à des problèmes très sérieux”, a déclaré ainsi le 10 avril le DG de Spayka Karen Baghdasarian, cite par RFE/RL, en précisant que “plusieurs banques étrangères avaient commencé à geler leurs lignes de retraits ou de prêts. Nous cherchons actuellement à ralentir ou freiner un tel processus” a ajouté le responsable du groupe.

Parmi les bailleurs de fonds étrangers de Spayka, figure la Banque asiatique de développement (ADB) basée à Manille, qui avait octroyé l’an dernier un credit de 30 millions de $ au groupe arménien pour financer la construction de serre disposant de systèmes de climatisation et d’irrigation plus performants. C’est à l’aide de ces fonds étrangers que Spayka avait construit son unité laitière au sud de Erevan, dont Pachinian avait assisté à l’inauguration le 26 mars. N.Pachinian quant à lui, balayait du revers de la main dans son discours du 9 avril les mises en garde et inquiétudes exprimées par Spayka, en se disant confiant quant aux capacités du géant arménien de l’agroalimentaire de continuer à acheter fruits et legumes chez les cultivateurs et maraichers d’Arménie, malgré l’arrestation de D. Ghazarian. De son côté, le ministre arménien de l’agriculture Gegham Gevorgian annonçait le 11 avril que le gouvernement arménien était prêt à fournir une assistance financière, sans l’évaluer, aux autres compagnies afin qu’elles puissant acheter plus de produits sur le marché local et compensent ainsi le manqué à gagner que pourrait provoquer un ralentissement de l’activité de Spayka. Une manière comme une autre de lutter contre les monopoles! Le CRE, qui avait déjà condamné en juillet 2018 D. Ghazarian à payer une amende de 2,5 milliards de drams (5 millions de $) dont le patron de Spayka avait déclaré le 5 avril qu’il s’en était acquitté bien qu’elle fût infondée afin de débloquer les comptes de sa société qui avaient été gelés, est décidé à poursuivre les procedures, quand bien même elles pénaliseraient les agriculteurs arméniens. Même s’il affirme ne pas vouloir compromettre les activités du groupe, il refuse de faire preuve d’indulgence au nom des paysans arméniens qui seraient affectés par ces mesures. Après tout, si le tout puissant Carlos Ghosn, il n’y a pas si longtemps encore dieu vivant au Japon pour avoir sauvé Nissan en le fusionnant avec Renault, a été envoyé en prison pour evasion fiscale par la justice nippone, le patron de Spayka peut bien subir le même sort…

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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