Dans une interview publiée parle site Trend, Nathalie Goulet reprend une nouvelle fois sans complexe à son compte le narratif du régime Aliev sur l’Arménie. Pas un mot pour condamner le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh en 2023, le blocus, l’agression militaire contre l’Arménie en septembre 2021, et le recours illégal à la guerre en septembre 2020 qui a provoqué la mort de 4 000 jeunes conscrits arméniens. Seul objet de désolation pour elle, l’amnésie collective sur la « première guerre du Karabakh » qui s’est traduite par « l’occupation de territoires azerbaïdjanais et le départ d’un million de personnes déplacées » (chiffre largement exagéré…). « Ils ont complètement oublié cette partie » déplore-t-elle. Comme sans doute elle-même « oublie-t-elle » les 500 000 Arméniens chassés d’Azerbaïdjan à la même période et le déclenchement par ce même Etat d’une répression militaire ainsi que d’un pogrom anti-arménien à Soumgaït, pour répondre au vote du parlement de la région autonome du Haut-Karabakh du 20 février 1988 demandant son rattachement à l’Arménie.
Madame Goulet exprime sa déception de ne pas arriver à se faire entendre, notamment sur le fait que l’Azerbaïdjan n’a nulle « intention d’effacer l’Arménie ». A chaque jour suffit sa peine, cet Etat se contente pour l’instant il est vrai d’effacer le Haut-Karabakh, vidé de sa population multiséculaire, en y gommant méthodiquement toutes les traces rappelant l’Arménie, dont celle de Charles Aznavour (son chanteur préféré, paraît-il) dont la statue à Stépanakert a été détruite fin février par l’occupant. Mais cela ne semble visiblement pas émouvoir notre sénatrice de l’Orne. Quant aux intentions du régime Aliev concernant l’Arménie, elles s’expriment clairement par le concept « d’Azerbaïdjan occidental », que son dictateur utilise pour la désigner, tout en multipliant les revendications territoriales, les menaces de guerre et les insultes racistes contre les Arméniens traités de « chiens », ou exhibés dans le « Parc des Trophées » de Bakou sous des traits de mannequins hideux, dans le plus pur style de la propagande antisémite des nazis.
La réalité que Mme Goulet ne veut pas voir, est que le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh a hélas donné raison a posteriori à tous les arguments de la partie arménienne qui n’a cessé dans les 30 ans qui ont suivi la première guerre d’en dénoncer non seulement le risque, mais aussi l’intention inscrite dans la logique historique du panturquisme et les déclarations du régime Aliev. C’est pour prévenir cet inéluctable que les Arméniens ont résisté, au prix de leur vie (plus de 12 000 morts en tout). Les territoires dit occupés constituant leur seule monnaie d’échange pour obtenir une paix que Bakou n’a jamais voulu signer, lui préférant une course aux armements alimentés par ses revenus pétroliers, la surenchère nationaliste et finalement la guerre, soutenue par la Turquie.
Voilà la vérité simple, à laquelle s’ajoute le plan génocidaire réalisé en 1915, et poursuivi depuis lors par les forces du panturquisme -dont se réclame l’Azerbaïdjan-, dans une politique que l’historien Vincent Duclert qualifie de génocide long.
Il ne nous appartient pas ici de gloser sur les goûts culinaires de Mme Goulet, qui se défend d’être tentée par la diplomatie du caviar. Une chose est pourtant certaine, cette sénatrice profite au moins indirectement des largesses de Bakou, si ce n’est personnellement, au moins à travers les subsides dont la fondation Aliev fait bénéficier ses bonnes œuvres. Dans un pur esprit philanthropique, bien sûr.
Quant à la tolérance dont jouirait la communauté juive d’Azerbaïdjan, on ne peut que s’en féliciter et souhaiter qu’elle dure le plus longtemps possible. Mais elle ne saurait ni justifier le nettoyage ethnique perpétré contre les Arméniens, ni le relativiser.
Ara Toranian
