Selon Ara Papyan, orientaliste, spécialiste de Droit international et ancien ambassadeur d’Arménie au Canada, “en 1918 le Sénat américain a décrété qu’un État qui n’a pas appliqué les recommandations du contrat d’arbitrage énoncés par le Président américain ne peut être reconnu.”
“Il n’est pas vrai de dire que l’accord de paix de Lausanne a annulé le Traité de Sèvres. La question de la frontière armeno-turque n’a pas même été discutée à Lausanne. Il y avait deux raisons à cela. Premièrement, un contrat d’arbitrage existe. Deuxièmement, l’Arménie n’était pas un élément de plus de la Loi internationale. De plus, l’article 16 de l’accord, dit “La Turquie renonce aux réclamations territoriales qui ne sont pas signalées dans l’accord de paix de Lausanne (*) comme étant turcs.” De fait, l’accord de Lausanne avait restauré le Traité de Sèvres”, souligne le diplomate.
A cela, Ara Papyan note qu’actuellement il s’agit plus de revoir le droit international que de revendiquer la restitution des terres. “Pour l’Arménie il s’agit d’abord d’une question de sécurité qui inclut la démilitarisation de la zône frontière, l’absence d’interférence de la Turquie dans le conflit du Nagorno Karabakh et l’engagement de l’Arménie dans des projets d’ordre économiques.”
(*) “Il en résulte que sous le rapport arménien, la paix de Lausaune dérive d’une fiction : elle est conclue exactement comme si les Arméniens n’existaient pas. Elle les ignore et les passe sous silence. (N.J.E – comme le fait remarquer Winston Churchill quand il écrit, « l’histoire cherchera en vain le mot d’Arménie »).
« Cependant, le silence, à quelque point de vue qu’on le considère, n’est pas une solution. Le Traité de Lausanne, laissant en suspens le sort des peuples d’Orient, ne sert ni la paix ni la justice.
« Dans ces conditions, la Délégation, signataire du Traité de Sèvres, fait toutes réserves quant au maintien et à la défense des droits que les Puissances ont, avant et pendant la guerre, reconnu solennellement aux Arméniens et qui furent consacrés par le susdit Traité et par des conférences subséquentes.
« Quel accueil que puisse trouver en ce moment une protestation solennelle, la Délégation, respectueuse du mandat qu’elle tient de la nation arménienne, a pour strict devoir de s’élever, de toutes ses forces, contre l’Acte de Lausanne. Elle s’en remet à l’Histoire du soin de le juger.
« Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma plus haute considération.
Le Président de la Délégation de la République Arménienne,
Avétis Aharonian. » (signataire du Traité de Sèvres, le 10 aoùt 1920)
Extrait de la protestation adressée le 8 août 1923 aux puissances Alliées, dont copie à la Société des Nations.
Par ailleurs, lors d’une Conférence de Presse en date du 16 novembre 2006, à Yerevan, le bureau de la FRA et Kiro Manoyan, représentant la Hay Tad (Cause Arménienne), en charge des affaires politiques, déclarait que “ le Traité de Sèvres est le seul document juridique qui puisse satisfaire les revendications de l’Arménie sur ses terres historiques dans les structures internationales.”
Ajoutant, être en plein accord avec l’”approche tout à fait réaliste d’Ara Papyan, puisque selon l’article 89 du Traité de Sèvres, le Président américain Woodrow Wilson fut désigné pour établir la frontière entre la Turquie et l’Arménie, à laquelle on attribua plus de 160 mille kilomètres carrés. »
Jean Eckian