Les insultes toujours passibles de poursuites en Arménie

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Quelque 3 semaines après l’annonce de ce texte de loi tant attendu qui dépénaliserait les insultes en Arménie, les tribunaux arméniens voient toujours comparaître des citoyens accusés d’avoir insulté le premier ministre Nikol Pachinian ainsi que d’autres représentants officiels. Des amendements controversés au Code pénal à l’initiative du gouvernement arménien entrés en vigueur durant l’été 2021 avaient désigné les “graves insultes” proférées contre des représentants de l’Etat et autres figures publiques comme un délit passible de lourdes amendes voire de peines de prison pouvant aller jusqu’à trois mois. Plus de 50 Arméniens étaient tombés sous le coup de ce texte, accusés de diffamation tandis que des centaines d’autres étaient toujours visés par des enquêtes pour les mêmes motifs depuis l’entrée en vigueur de ce texte en septembre, suscitant de vives critiques tant au sein de l’opposition que de la société civile, où l’on rappelait que les insultes avaient été dépénalisées sous le régime précédent, en 2010. La plupart des inculpés doivent répondre devant les tribunaux de propos jugés offensants à l’encontre de Pachinian sur les réseaux sociaux ou dans des interventions publiques. Les alliés politiques de Pachinian ont refusé jusqu’à récemment d’entendre les appels à une révision de cette législation lancés par les organisations locales et occidentales de défense des droits de l’homme telles que Freedom House et Amnesty International. Le ministre arménien de la justice Karen Andreassian a pourtant créé la surprise en annonçant le mois dernier que cette mesure punitive avait été exclue du nouveau Code pénal qui entrait en vigueur le 1er juillet. Cette décision impliquait que tous les dossiers criminels ouverts en vertu de ces amendements désormais caducs seraient fermés. Mais le spectacle des tribunaux indique le contraire. Artak Avetian, un ingénieur programmateur de logiciels arménien résidant en Allemagne, et arrivé en Arménie pour les vacances avec son épouse et ses deux enfants le mois dernier, en a fait les frais. Il s’est vu empêcher de prendre son avion qui devait le ramener à Munich, après avoir appris à l’aéroport Zvartnots de Erevan qu’il avait été accusé en mars d’avoir insulté Pachinian. Avetian a été détenu à l’aéroport avant d’être envoyé dans un commissariat de Erevan où il passera la nuit en cellule. Il a alors été informé que l’accusation portée contre lui s’appuyait sur un message qu’il avait posté sur Facebook dans lequel il reprochait à Pachinian d’avoir laissé vacant le siège de chef d’état major de l’armée arménienne après avoir procédé à une purge au sommet de l’armée nationale. Avetian a indiqué qu’un représentant des forces de l’ordre lui aurait confié que seul un procureur en charge de l’enquête dans le commissariat pouvait lever l’accusation dont il est l’objet. “Je ne sais pas ce que les procureurs disent actuellement”, a indiqué l’ingénieur âgé de 50 ans cité par le Service arménien de RFE/RL ce weekend, en ajoutant : “Je ne sais pas même quand l’enquêteur les a contactés”. L’avocat d’Avetian, Ruben Melikian, a indiqué pour sa part qu’il connaissait plusieurs autres personnes qui sont toujours sous le coup de charges similaires. Le Bureau du procureur-général n’était pas joignable pour répondre aux journalistes. Artur Sakunts, un activiste bien connu des droits de l’homme, a dénoncé comme illégal le fait que les autorités ne se résignent pas à clore tous les dossiers en cours, comme l’exigent pourtant les nouvelles dispositions de la justice. Sakunts a réitéré son point de vue selon lequel la décision de 2021 du gouvernement de Pachinian de sanctionner les insultes était politiquement motivée et injustifiée. Le ministre de la justice Andreasian avait défendu la décision le 11 juin, affirmant qu’elle contribuerait à “endiguer les comportements honteux et inacceptables de certains groupes et individus”. Les leaders de l’opposition arménienne maintiennent de leur côté que le texte visait avant tout à faire taire les critiques à l’encontre de l’actuel gouvernement, en rappelant que Pachinian lui-même n’avait pas hésité à proférer des insultes et à prononcer des “discours de haine” avant de parvenir au pouvoir à la faveur de la révolution de velours du printemps 2018, non sans souligner que toutes formes d’insultes et de diffamation avaient été décriminalisées en Arménie en 2010. S’il n’a pas subi la même mésaventure qu’Avetian, le militant français d’origine arménienne Mourad Papazian, co-président du CCAF et membre du bureau mondial de la FRA Dachnaktsoutioun, a fait lui aussi l’expérience des limites de la liberté d’expression dans l’Arménie de Pachinian… avec ses prolongements dans la diaspora. Arrivé en Arménie le 14 juillet, il a dû la quitter aussitôt par le premier avion en partance pour la France, sans autre forme de procès quant à lui, sinon qu’il s’est vu signifier par les services de l’immigration de l’aéroport de Zvartnotz qu’il était persona non grata dans le pays. Ce n’est que lundi 25 juillet que les autorités arméniennes s’expliqueront sur cette mesure pour le moins arbitraire, en mettant en avant la prétendue participation de M. Papazian, qui n’a par ailleurs jamais caché son opposition à la politique de Pachinian, à une manifestation à Paris au cours de laquelle le cortège conduisant le premier ministre arménien devant l’ambassade arménienne à Paris avait été la cible des insultes et des jets d’œufs de certains manifestants. M.Papazian, qui s’est d’ailleurs rendu à plusieurs reprises en Arménie depuis cette manifestation dont il ne s’est jamais revendiqué et qu’il n’a jamais cautionnée, peut donc s’estimer heureux d’avoir évité les tribunaux arméniens, où il aurait pu comparaître pour présomption d’insultes…

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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