Les Kurdes de Turquie défient l’Etat turc

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Alors que la Turquie concluait en fanfare et avec force défilés militaires les manifestations officielles marquant l’anniversaire de la fin de la « guerre d’indépendance » de 1922, un nouvel attentat est venu gâcher la fête. Une bombe artisanale placée dans une poubelle a blessé une jeune passante dans le port méditerranéen de Mersin le 30 septembre, et provoqué des dommages matériels légers. Cet attentat succède à celui qui avait tué 3 personnes le 28 août à Antalya, une autre cité sur le littoral turc de la Méditerranée, davantage fréquentée par les touristes, comme d’ailleurs Istanbul et Marmaris, qui avaient été quelques jours plus tôt les premières cibles de cette vague d’attentats revendiqués par les « Faucons de la liberté» (TAK) kurdes, présumés proches du PKK.
Soucieux de ne pas relancer la psychose d’attentats terroristes qui agitent la menace d’une reprise des hostilités contre les Kurdes, les autorités et les media turcs ont été relativement discrets concernant ces attentats, dont les incidences risquent de se faire sentir par ailleurs sur le secteur touristique de la Turquie, qui est l’une des principales sources de devises du pays (18 milliards de dollars par an), où les forces de police et l’armée ont lancé une vaste opération pour traquer les responsables des attentats. La perspective d’une nouvelle épreuve de force avec les rebelles kurdes qui, depuis la capture de leur chef Abdulla Ocalan en 1999, avaient décrété unilatéralement une trêve globalement respectée après des années d’un conflit qui avait fait plus de 30 000 morts, inquiète au plus haut point les autorités turques, à l’heure où elles tentent leur examen de passage dans l’Union européenne.
Le défi lancé par les TAK, qui justifient leurs attentats par les mauvais traitements qui seraient infligés à Ocalan dans son île-prison d’Imrali, au large de Smyrne, intervient quelques jours après une nouvelle proposition de trêve du numéro deux du PKK, qui acceptait de renoncer aux armes à compter du 1er septembre en échange d’une amnistie de ses militants. Cette contradiction apparente alimente les spéculations sur les TAK, dont on ne sait s’ils sont une émanation du PKK ou, comme ils l’affirment, une branche radicale du mouvement séparatiste kurde, duquel ils auraient fait scission il y a 18 mois. Toujours est-il que les « Faucons de la liberté » kurdes ont eu recours à la rhétorique guerrière du PKK pour promettre « l’enfer au monstrueux Etat turc » au lendemain des attentats qui ont fait parler d’eux l’an dernier déjà en prenant délibérément pour cibles les infrastructures touristiques turques, les combattants du PKK, retranchés dans leurs bases arrières du Kurdistan au nord de l’Irak, lançant pour leur part des opérations sporadiques contre l’armée turque dans les montagnes du sud-est de l’Anatolie.
Cette menace terroriste est mise à profit par la Turquie pour obtenir de ses alliés américains l’autorisation de vider le Kurdistan irakien des bases du PKK. L’armée turque ne s’est certes pas privée par le passé de franchir la frontière pour lancer des opérations ponctuelles contre les combattants du PKK, mais elle n’a pu aller plus loin en raison des liens privilégiés unissant les Américains aux Kurdes en Irak, dont l’actuel président n’est autre qu’un ancien peshmerga kurde, Jalal Talabani. Même si les relations entre le PKK et les autorités du Kurdistan irakien, qui jouit d’une indépendance de fait au sein de l’Etat irakien, ne sont pas des plus amicales, et ont même dégénéré en guerre ouverte quelques années auparavant, les Américains ne veulent pas prendre le risque de se mettre à dos leurs alliés les plus fiables en Irak, en laissant la Turquie agir à sa guise dans le Kurdistan irakien, qu’elle a à plusieurs reprises mis en garde contre toute dérive indépendantiste. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’Ankara ait accueilli avec soulagement la décision du département d’Etat américain de dépêcher le 29 août dans la région le général Joseph Ralston, qui s’est vu confier la mission d’ « œuvrer à l’élimination de la menace du PKK », inscrit sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis, l’UE et la Turquie.
Le général américain devrait coordonner les opérations en ce sens entre la Turquie, l’Irak et les Etats-Unis, et accessoirement aussi, refreiner les ardeurs guerrières d’Ankara, qui risque d’accroître les tensions dans la région en multipliant les raids comme celui lancé quelques jours plus tôt par des chasseurs F-16 contre les bases du PKK en territoire irakien. Reste à savoir si le général Yasar Büyükanit, partisan d’une intervention militaire en Irak, investi le 28 août à la tête des armées turques, s’entendra avec le général Ralston, au-delà des mots, sur la manière d’ « éliminer les terroristes kurdes », qu’il désignait comme l’une de ses priorités dans son discours d’investiture.

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Author: raffi

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