Organisée le lundi 23 décembre à Erevan, la reunion des dirigeants de l’Arménie et de l’Artsakh avait vocation à dresser un état des lieux et un bilan de la situation dans le Haut Karabagh et des pourparlers de paix arméno-azéris, mais était aussi l’occasion pour le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, de faire en quelque sorte ses adieux au president du Haut Karabagh Bako Sahakian, avec lequel il a entretenu des relations plutôt tendues et dont le mandat s’achèvera dans quelques semaines après des élections auxquelles il ne s’est pas représenté.
Contrastant avec l’emphase qui lui est coutumière, Nikol Pachinian a admis que les pourparlers de paix avaient obtenu de “modestes” resultats cette année, alors qu’il présidait la deuxième réunion de l’année entre les dirigeants et les responsables de la sécurité d’Arménie et du Haut-Karabagh à Erevan. Les conseils de sécurité d’Arménie et du Karabagh ont inscrit à l’ordre du jour de cette réunion le processus de paix du Karabagh, les questions militaires et aussi l’élection présidentielle qui va se tenir au printemps prochain en Artsakh. Le service de presse de N.Pachinian a diffuse les declarations liminaires du premier ministre et du président d’Arménie Armen Sarkissian et du Karabagh, Bako Sahakian, sans révéler le détail des discussions.
“L’Arménie continuera à se poser en garante de la sécurité de l’Artsakh”, a ainsi déclaré N. Pachinian avant d’exposer les raisons pour lesquelles les parties en conflit n’ont pu opérer une percée dans leurs pourparlers sous l’égide des coprésidents américain, russe et français du groupe de Minsk de l’OSCE, alors même qu’il se faisait fort quelques mois avant d’avoir fait avancer le processus de paix à la faveur de plusieurs rencontres avec le président azéri Ilham Aliev.
Tout en faisant état d’une diminution sensible des violations du cessez-le-feu dans la zone du conflit depuis 2018, il a admis que le processus de paix n’avait produit que des résultats “modestes” à ce jour, et a rendu responsable l’Azerbaïdjan de cette situation. Il a une fois encore déploré qu’I.Aliyev n’ait pas donné suite à ses appels répétés en vue d’une solution durable du conflit acceptable pour les peuples d’Arménie, du Karabagh et d’Azerbaïdjan.
Plus important encore, N.Pachinian a accuse Bakou de faire une interprétation erronée du plan de paix propose par les coprésidents américain, russe et français du Groupe de Minsk de l’OSCE, connu sous le nom de principes de Madrid, en éludant les volets concernant le statut future du Karabagh. “L’interprétation des coprésidents du Groupe de Minsk de cette question diffère en substance de celle de l’Azerbaïdjan, ce qui est sans nul doute un facteur d’optimisme quant à la base proposée des négociations”, a ajouté le dirigeant arménien.
Dans leur déclaration commune publiée en mars, les coprésidents avaient indiqué que “tout règlement juste et durable” devait impliquer le “retour des territoires environnant le Haut-Karabagh sous contrôle de l’Azerbaïdjan; un statut provisoire pour le Haut-Karabagh accordant des garanties en terme de sécurité et de gouvernance; un corridor reliant l’Arménie au Hau-Karabagh; la détermination future d’un statut légal définitif du Haut-Karabagh par la voie de la libre et légale expression de sa volonté”. Cette dernière mention fait sans probablement référence au referendum par lequel la population majoritairement arménienne du Karabagh devrait être en mesure de se prononcer sur le statut internationalement reconnu du territoire contesté.
Dans un “memorandum” diffusé à l’approche de la récente rencontre des ministres des affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan, la délégation de l’Azerbaïdjan auprès de l’OSCE avait indiqué que les habitants du Karabagh ne pouvaient de voire reconnaître qu’un “statut d’autonomie… au sein de l’Azerbaïdjan”. Le ministre arménien des affaires étrangères Zohrab Mnatsakanian avait dénoncé la position “maximaliste” de Bakou après la rencontre du 4 décembre avec son homologue azéri Elmar Mammadyarov. Z.Mnatsakanian avait alors souligné le droit du Karabagh à “preserver et déterminer un statut hors de la juridiction, de la souveraineté ou de l’intégrité territorial de l’Azerbaïdjan”.
N. Pachinian a indiqué à cet égard que Bakou ne fera que prolonger le statu quo s’il cherche à faire obstruction au principe de l’autodétermination des peuples en usant de la menace d’un recours à la force. Il a aussi mis en garde contre les tentatives visant à mettre un terme au conflit par la force, en précisant qu’elles auront des “conséquences désastreuses pour l’Azerbaïdjan en tout premier lieu”. De son côté, B.Sahakian a réitéré le fait que l’Arménie et le Karabagh sont “deux parties inaliénables d’une même patrie”. “Je voudrai encore une fois souligner que pour nous, il ne saurait y avoir quelque retour au passé en termes de statut comme de frontières”, a indiqué le president du Karabagh.