Un combat d’arrière-garde…, une piqure de rappel ou l’expression, déjà, d’une déception? Toujours est-il que, 10 jours après le dernier grand rassemblement populaire sur la place de la République de Erevan qui avait salué l’élection de N. Pachinian au poste de premier ministre et devait marquer la fin des manifestations pacifiques de sa Révolution de velours, les manifestations continuent dans la capitale, certes bien moins importantes. N. Pachinian, qui avait exalté durant les trois semaines de la Révolution de velours le droit de manifester imprescriptible exercé par le peuple arménien, a appelé jeudi 17 mai à l’arrêt immédiat des manifestations et autres actions visant à bloquer les rues de la capitale.
Des groupes de citoyens ont bloqué les rues et les grands axes de Erevan et de certaines autres localités du pays, manifestant au cours des derniers jours devant les sièges du gouvernement. Parmi les manifestants, de nombreux partisans de N. Pachinian qui demandaient la demission du maire de Erevan Taron Markarian, des parents d’élèves manifestants contre des directeurs d’école supposés corrompus, et aussi des chauffeurs de taxi protestant contre les amendes abusives ainsi que des producteurs laitiers réclamant des grosses compagnies de distribution qu’elles leur achètent leur lait plus cher.
La circulation a été ainsi interrompue sur l’un des principaux axes de la capitale, l’avenue Arshakuniats, toute la journée par des dizaines de personnes réclamant la liberation des membres du commando de Sassna Tsrer. Le chef de ce groupe armé de l’opposition radicale qui avait attaqué durant l’été 2016 un poste de police de Erevan, Varujan Avetisian, avait reproché à N. Pachinian, mercredi 16 mai, depuis la prison où il attend d’être jugé, son apparente hésitation à uvrer en faveur de leur libération. N.Pachinian, dont la campagne de “désobéissance civile” avait été suivie avec une étonnante discipline par la population, semble avoir moins d’influence aujourd’hui sur ce dernier carré d’irréductibles, qu’il a appelé à cesser leurs actions en direct sur sa page Facebook.
“Il y a maintenant un gouvernement en Arménia qui s’est vu confier par le peuple un mandat pour résoudre les problèmes du peuple et on peut difficilement, comprendre, honnêtement, que l’on bloque des routes et entreprenne quelque autre actions de désobéissance civile tous les jours”, indique le premier ministre dans son appel en ajoutant : “A qui désobéissons-nous? … A nous-mêmes? Je ne pense pas que cela soit une bonne approche”. “J’en appelle à tous pour que vous cessiez toutes les actions de désobéissance civile à partir de 15 heures aujourd’hui. Mais je ne vous demande pas de rentrer chez vous pour ruminer vos problèmes”, a-t-il ajouté, invitant les Arméniens mécontents à exposer leurs griefs par écrit au gouvernement, qui besoin de temps pour s’en occuper, a-t-il précisé. “Si je n’ai pas confiance du peuple, faites le moi savoir. Si je l’ai, alors faites en sorte que cette confiance permette au gouvernement de travailler normalement et de produire des résultats concrets”, a souligné le nouveau premier ministre qui avait contraint moins d’un mois plus tôt son éphémère prédécesseur et ancien président Serge Sarkissian à démissionner sous la pression d’une rue qu’il avait mobilisée trois semaines durant.
N.Pachinian a aussi souligné que son appel était adressé à ces citoyens qui ne suivent pas la “logique de sabotage” contre son gouvernement qui s’était réuni un peu plus tôt pour la première fois en conseil des ministres. Cet appel video était diffusé quelques heures après qu’un autre ancien president, Levon Ter-Petrossian, don’t il futt l’allié au sein de l’opposition, eut exprimé ses préoccupations concernant ces manifestations, estimant qu’elles menaçaient le travail de N.Pachinian, même si leurs participants ont des demandes généralement légitimes.
L. Ter-Petrosian avait precise que les barrages de rues, les manifestations devant les immeubles gouvernementaux, les grèves et autres actions pourraient aider le Parti républicain de S. Sarkissian (HHK), toujours majoritaire au Parlement, dans ses tentatives de “sabotage” visant le travail du nouveau gouvernement. “Une situation extraordinaire est apparue en Arménie, où l’appareil d’Etat peut tout simplement s’effondrer et condemner le pays au complet chaos”, avait-il mis en garde dans un article publié dans Ilur.am.
N.Pachinian, 42 ans, avait été parmi les plus farouches défenseurs de L. Ter-Petrosian lorsque ce dernier avait lancé une campagne de protestation contre l’élection de S. Sarkissian en mars 2008. La répression qui suivit lui vaudra deux années de prison et il s’est brouillé depuis 2012 avec l’ancien président. Jusqu’à la semaine dernière, L.Ter-Petrossian exprimait d’évidentes réserves concernant l’accession au pouvoir de N.Pachinian. Depuis, il a exprimé son soutien à son ancien allié. Jeudi 17 mai, dans un effort qui se voulait convaincant pour démontrer son ralliement, il a désigné le changement de régime en Arménie comme une “grande victoire” en ajoutant que N. Pachinian avait d’ores et déjà gagné “sa place dans l’histoire du pays”.