Washington, 31 mai 2018 (AFP) – Les pays occidentaux doivent adopter un
plan de lutte coordonné contre la Turquie, qui utilise les prisonniers
étrangers comme monnaie d’échange diplomatique, ont affirmé des experts en
rendant public un rapport sur le sujet jeudi à Washington.
Le rapport étudie les cas de 55 ressortissants étrangers ou binationaux
arrêtés et emprisonnés en Turquie depuis le coup d’Etat avorté de juillet
2016, qui a déclenché une répression féroce contre ceux accusés d’être des
partisans du prédicateur Fethullah Gülen accusé d’avoir fomenté le putsch, ou
des soutiens de la rébellion kurde.
Au moins six d’entre eux, dont deux Américains, sont toujours en détention.
Dans de nombreux cas, les preuves sont ténues et les interrogatoires sont
secrets. S’il ne s’agit pas d’un effort centralisé, mais plutôt des problèmes
locaux combinés à un sentiment anti-occidental, le pouvoir tente d’exploiter
la situation, estiment les auteurs du rapport.
“Cela fait partie d’une politique globale de diplomatie des otages“,
explique l’ex-parlementaire turc Aykan Erdemirn, qui travaille désormais au
sein du centre de réflexion conservateur Foundation for Defense of
Democracies.
“Il semble que ces individus soient utilisés comme monnaie d’échange ou
comme gages, souvent pour obtenir des concessions“ en faveur de la Turquie,
ajoute-t-il.
Ankara a, par exemple, lié plus ou moins explicitement la libération des
prisonniers à l’extradition des partisans de Gülen basés en Occident, ou dans
certains cas à des contrats de vente d’armes.
Les gouvernements privilégient jusqu’ici des discussions bilatérales pour
obtenir la libération de leurs ressortissants, une stratégie au succès divers.
Le rapport appelle à une action plus dure, comme celle adoptée par
l’Allemagne, et qui entrerait dans le cadre d’une “stratégie transatlantique
concertée“ pour plus d’efficacité.
Berlin avait renforcé ses consignes de sécurité après le putsch raté,
notamment en raison d’une vague d’arrestations de ressortissants allemands ou
germano-turcs, et avait réduit ses investissements en Turquie, un pays-membre
de l’Otan.
“La politique de Berlin d’absence de normalisation tant qu’il y a des
prisonniers politiques serait plus efficace si elle était mise en place par
ses partenaires occidentaux“, estime le rapport.
L’ambassade turque à Washington n’était pas joignable dans l’immédiat pour
réagir mais Ankara a plusieurs fois appelé au respect de son système
judiciaire.
Dave Clark