L' »Armée nationale » en cours en création par des insurgés syriens avec l’aide de la Turquie pourrait être un obstacle au plan de Bachar el-Assad de reprendre le contrôle du nord-ouest du pays, dernier grand bastion rebelle en Syrie – pour peu que ses membres fassent taire leurs rivalités délétères.
Bachar el-Assad, soutenu par la Russie et l’Iran, a promis de récupérer « chaque centimètre » du territoire syrien. Bien qu’il ait reconquis la majeure partie de la Syrie, le nord-ouest du pays est la dernière grande zone encore aux mains des combattants qui veulent le renverser. Ils s’y sont regroupés dans le cadre d’accords d’évacuation d’autres zones conclus chaque fois que des parties du pays étaient reprises par Damas.
Le nord-ouest de la Syrie est limitrophe de la Turquie et comprend essentiellement la province d’Idleb, une partie de la province de Hama et une partie de la province d’Alep.
Selon le colonel Haitham Afissi, chef de l' »Armée nationale », la mise en place de cette force qui réunit quelque 35.000 combattants provenant de certaines des milices les plus importantes de la guerre en Syrie, n’est pas chose facile. « Nous en sommes au début. Nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés, mais nous travaillons à les surmonter », déclare le colonel rencontré à Azaz, près de la frontière turque.
Ainsi, récemment, il raconte avoir dû ordonner à ses combattants de cesser « d’ouvrir le feu au hasard », de porter l’uniforme et de coopérer avec la police militaire nouvellement créée qui représente « la force du droit et de la justice et non un concurrent aux autres groupes ».
Les groupes armés se sont également vu interdire de gérer leurs propres prisons et tribunaux et de procéder à des arrestations extrajudiciaires. Le soutien turc inclut les salaires des combattants, le soutien logistique « et les armes si nécessaire ».
Trois ennemis
Les soldats de l’Armée nationale font également l’objet d’attaques. Un certain nombre de recrues ont été blessées dans un bombardement le 5 août dernier à al Bab alors que se déroulait la cérémonie de remise de leurs diplômes. Selon le colonel Afissi, il s’agit du travail d’un « ennemi de la révolution, qu’il soit interne ou externe ». Le coupable a été identifié, mais le colonel ne veut pas donner son identité.
De nombreux efforts précédent visant à unifier la rébellion ont échoué, en raison notamment des rivalités sur le terrain.
Ce pourrait être différent avec l’Armée nationale en raison de la présence de la Turquie sur le terrain. L’armée turque a poussé vers le Nord-Ouest syrien à la faveur de deux campagnes. La première dite « Bouclier de l’Euphrate », qui a démarré en 2016, a chassé l’Etat islamique des territoires situés entre Aazaz et Jarablous. La seconde, dite « Rameau d’olivier », a permis de prendre la région voisine d’Afrine aux milices kurdes YPG au début de cette année.
La région est importante pour la Turquie en raison de ce qu’elle considère comme une menace des YPG (Unités de protection du peuple) pour sa sécurité nationale. Ankara considère les YPG comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte depuis plus de 30 ans contre le pouvoir turc. Le colonel Afissi énumère trois ennemis: Assad, le PKK et l’État islamique.
La Turquie a également installé 12 postes militaires dans la province d’Idleb et dans les zones adjacentes situées au sud-ouest d’Afrin, dans le cadre d’un accord avec la Russie et l’Iran. L’objectif déclaré est de parvenir à un accord de « désescalade » dans la région d’Idleb. Selon le colonel Afissi, l’Armée nationale pourrait être rapidement fusionnée avec les rebelles soutenus par la Turquie à Idlib si nécessaire. La situation à Idlib est compliquée par la présence de jihadistes bien armés qui se sont battus avec les autres groupes. « Nous sommes prêts et tendons la main à tous les groupes qui représentent les objectifs de la révolution », déclare le colonel.