Un tribunal d’Istanbul a acquitté mercredi le propriétaire d’une maison d’édition, un traducteur et deux éditeurs accusés d’avoir incité à la haine en publiant la version turque d’un livre de l’intellectuel américain Noam Chomsky, a rapporté l’agence de presse Anatolie.
Ce procès, ouvert en octobre, était le dernier en date d’une série de poursuites lancées contre des intellectuels – dont le prix Nobel de littérature 2006 Orhan Pamuk – en raison de leurs prises de position sur des sujets sensibles, comme le génocide des Arméniens commis sous l’empire ottoman.
Les quatre prévenus encouraient jusqu’à six ans de prison pour incitation à la haine raciale et dénigrement de l’identité nationale en raison de leur rôle dans la publication en mars de l’édition turque de La Fabrique de l’opinion publique : la politique économique des médias américains.
Le livre, cosigné par Noam Chomsky et Edward S. Herman, analyse à travers l’exemple de plusieurs pays les influences dont font l’objet les particuliers et les médias.
Il contient des références au traitement imposé à la minorité kurde de Turquie dans les années 1990 – au plus fort de la lutte entre les séparatistes kurdes et les forces de sécurité turques – de manière jugée insultante par le ministère public.
La juge Sevim Efendiler a estimé qu’aucune responsabilité ne pouvait être imputée au regard du droit de la presse au propriétaire des éditions Aram, Fatih Tas, et aux éditeurs Ömer Faruk Kurhan et Taylan Tosun.
Elle a par ailleurs considéré que le travail du traducteur Ender Abadoglu relevait de la critique approfondie, un droit garanti par la Constitution turque et la Convention européenne des droits de l’Homme.
M. Tas avait déjà été poursuivi et acquitté en 2002 pour avoir publié un autre livre de Noam Chomski qui critiquait déjà l’attitude d’Ankara à l’égard de ses Kurdes et les ventes d’armes par les États-Unis à la Turquie.
Le professeur de linguistique avait alors assisté à une des audiences à Istanbul pour manifester son soutien à l’éditeur et donné des conférences à Diyarbakir, la principale ville du sud-est anatolien à la population majoritairement kurde.