Delphine Nerbollier, Istanbul
Samedi 10 mars 2007
«Félicitations à ceux qui nous ont placés sur la liste des très fameux pays qui interdisent YouTube, tels que la Chine et l’Iran!» Ce message, chargé de dégoût, a été déposé par un internaute turc sur l’un des nombreux forums de discussion qui, depuis mercredi, commentent avec passion le blocage de YouTube, site internet de partage de vidéos. Cette décision a été prise par un juge stanbouliote, sur recommandation du Ministère public, pour mettre fin à la diffusion, en Turquie, d’une vidéo, postée par un internaute grec, dépeignant le fondateur de la République, Mustafa Kemal, sous les traits d’un homosexuel. Depuis, le principal fournisseur d’accès à Internet du pays, Turk Telekom, bloque l’accès de ses abonnés à ce site qui attire chaque mois plus de 20 millions de visiteurs à travers le monde.
Dès la diffusion de cette vidéo, des milliers d’internautes s’étaient mobilisés en alertant la presse et en créant une chaîne de protestation. Car les Turcs ne plaisantent pas avec Mustafa Kemal qu’il est interdit d’insulter, soixante-neuf ans après sa mort. En 2005, un jeune homme avait ainsi été condamné à 22 années de prison pour avoir recouvert de peinture diverses statues du fondateur de la République.
Au-delà de l’offense faite à Ataturk et unanimement dénoncée, les internautes turcs déplorent aujourd’hui la radicalité de cette décision de justice. «C’est le peuple turc qui est condamné et non l’auteur de l’insulte», constate Abdullah sur le site internet de la chaîne privée NTV. «Jusqu’à quand régnera cette mentalité de censure?» Semih, lui, questionne l’efficacité même de cette décision. «Ceux qui veulent insulter Ataturk ont désormais la voie libre. Nous autres internautes turcs ne pouvons plus le défendre car nous n’avons plus accès à l’information.»
La direction de YouTube, qui s’est dite prête à ne plus diffuser la vidéo en question, table sur la levée de l’interdiction. Mais à l’heure de la rédaction de cet article, celle-ci n’était toujours pas appliquée.
Le Temps,