L’escalade

Se Propager

Où s’arrêteront, et surtout qui stoppera les bouffées délirantes d’Aliev ? On savait que ce tyran n’avait pas de limites. Ni dans sa quête mégalomaniaque de pouvoir, ni dans sa soif insatiable de richesses, ni dans sa haine inextinguible des Arméniens. Mais ces dernières déclarations ont franchi un nouveau palier. Le dictateur azerbaïdjanais a, en effet, choisi la période de Noël pour s’en donner à cœur joie dans le registre de l’arrogance et des menaces. Tout a commencé le 24 décembre avec l’inauguration à Bakou d’un centre se réclamant de l’Azerbaïdjan occidental (comprendre l’Arménie). Devant un aréopage de personnages présentés comme des « intellectuels », Ilham Aliev ne s’est pas contenté de promettre le retour inéluctable des déplacés dans les espaces conquis par son armée, mais également en Arménie. « Nous savons parfaitement que le peuple azerbaïdjanais a vécu sur le territoire de l’actuelle Arménie tout au long de l’histoire », a-t-il déclaré en qualifiant de « trahison » « l’octroi » à l’Arménie du Zanguezour (Siounik). De même a-t-il revendiqué l’appartenance d’Erevan – « notre ville historique », a-t-il précisé-, à l’Azerbaïdjan. La diplomatie arménienne a répondu avec sang froid à ces revendications en les qualifiant de « nouvelles preuves de l’absence de volonté de paix d’Aliev. » Une réplique pour le moins mesurée face à ces provocations s’appuyant sur un révisionnisme grossier qui « oublie », par exemple, que les Arméniens étaient depuis plusieurs siècles très présents à Bakou, avant d’en être chassés par les massacres de 1918, qui ont fait 30 000 morts dans leurs rangs. Ces derniers devraient-ils pour autant réclamer des droits sur la capitale azerbaïdjanaise  ? Aliev serait bien inspiré de s’informer avant de poser la question de savoir « qui était là avant ». Car à ce petit jeu de l’antériorité, il est à craindre pour lui qu’il ne concoure avec un gros handicap de départ, sachant que les ancêtres séldjoukides des Turcs n’ont pénétré le Caucase et l’Anatolie qu’après les Xe siècle, quand les Arméniens, peuple de la Bible, habitaient ces terres depuis presque 3 000 ans. Alors oui, bien sûr qu’il y avait des Tatares (comme on appelait alors les Azéris) à Erevan, au début du siècle dernier, ainsi qu’au Zanguézour. De même que nombre d’Arméniens vivaient dans les territoires attribués à l’Azerbaïdjan au moment la constitution de cette République en 1918. D’où viendraient sinon les 500 000 d’entre eux qui ont fui l’Azerbaïdjan après les pogroms de Soumgaït, de Bakou, de Kirovabad et le massacre de Maraga dans les années 1990. Et ce, sans parler de la Géorgie, dont la capitale, Tbilissi, était majoritairement habitée par des Arméniens au début du siècle dernier. Mais va-t-on aujourd’hui redessiner les cartes sur les données démographiques datant d’il y a cent ans ? Dans ces conditions, il faudrait alors reparler du Traité de Sèvres, du fait que tout l’Est des frontières actuelles de la Turquie a été avant le génocide habité, pendant des millénaires, par les Arméniens, sans parler de la Cilicie et du Nakhichevan, que Staline a attribué en même temps que le Karabakh à l’Azerbaïdjan, alors qu’ils étaient respectivement peuplés de 55 % et de 95 % d’Arméniens.
Cette approche hypernationaliste d’Aliev a pour seule conséquence aujourd’hui de creuser le fossé entre les peuples, de semer la haine et de préparer la guerre. Elle confirme, si besoin était, le socle fondamentalement panturquiste de son idéologie qui fait écho à celle d’Erdogan. Cent ans après le génocide, dans les tentatives de parachèvement duquel les nationalistes tatares avaient pris leur part après la Première Guerre mondiale, l’Azerbaïdjan continue de considérer, encore à ce jour, l’Arménie et les Arméniens comme un obstacle à la continuité terrestre avec la Turquie, et donc, à l’établissement d’un nouvel Empire ottoman. Cette idéologie avait sous-tendu l’entreprise d’extermination de 1915. Son retour dans l’actualité en dit long quant à l’impossibilité objective de tout retour du Haut-Karabakh sous la tutelle politique de la dictature azerbaïdjanaise qui agit ouvertement pour le vider de sa population.
Avec ce type de propos et d’agissements aussi racistes qu’agressifs, Aliev a-t-il seulement conscience qu’il donne a posteriori raison à la partie arménienne qui avait réussi le miracle de se libérer de son joug en 1994 et d’occuper un morceau du territoire azerbaïdjanais dont elle voulait à la fois faire une ceinture de sécurité – qui s’est avérée vaine, et une monnaie d’échange pour le droit à l’autodétermination du Haut-Karabakh. Face aux fondamentaux génocidaires de l’axe Ankara-Bakou, quelle autre option existait-il à l’époque ? Et quel autre choix, aujourd’hui, pour assurer la survie de ce dernier carré d’Arméniens vivants sur ses terres historiques que d’assurer sa protection par une force d’interposition qui garantirait leur faculté à s’autoadministrer ? Toute la question étant de savoir sous quel drapeau elle se placerait…
Ara Toranian
Editorial paru dans le numéro de févier de NAM ( 303)

La rédaction
Author: La rédaction

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut