L’Etat turc encourage les meurtriers de Malatya

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Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Orhan Kemal Cengiz signe dans le Turkish Daily News, un article révélant l’implication, par complaisance et négligence, des plus hautes instances policières et juridiques de l’Etat turc, dans le meurtre de trois missionnaires protestants sauvagement tués en avril à Malatya, dans l’Est de la Turquie : sur les 31 dossiers instruits en 7 mois d’enquête, 15 seulement concernent les meurtriers (membres des Loups Gris). Les 16 autres sont portés – par le Procureur ! – à charge des victimes, dont les activités missionnaires sont considérées comme criminelles.

Pis encore, le dossier d’instruction contient la liste de nombreux protestants de Turquie, encore vivants, avec toutes leurs coordonnées : ces détails sont donc entre les mains des meurtriers. Il s’agit ni plus ni moins d’un appel au meurtre émanant des plus hautes instances de l’Etat turc.

Rappelez-vous, ce même Etat, dont le Premier ministre Erdogan, déclarait en avril dernier, à la suite du « massacre à la tronçonneuse » de Malatya : “Que nous arrive-t-il pour que nous puissions tuer aussi facilement et brutalement des gens vivant sur notre terre ? ». Des propos cyniques qui masquent mal les véritables intentions des représentants de la Turquie, bientôt membre de l’Union européenne : Messieurs Erdogan et Gül savent pertinemment ce qu’il arrive lorsque, près d’un siècle après les faits, un Etat s’enfonce dans le déni et la justification du génocide arménien de 1915…

Le procès des assassins des missionnaires chrétiens a commencé vendredi à Malatya. En présence des avocats de Hrant Dink, le journaliste arménien de Turquie assassiné le 19 janvier 2007 à Istanbul, et du journaliste turc Orhan Kemal Cengiz qui est également l’avocat des familles des victimes. Mais le procès, à peine commencé, a été ajourné au 14 janvier 2008, Orhan Kemal Cengiz ayant demandé que la définition du crime soit requalifiée en “génocide”. Le Collectif VAN vous livre la traduction de cet article de Turkish Daily News.

Que se passe-t-il dans l’affaire du massacre de Malatya?

Jeudi 22 novembre 2007

Si un procureur considère les activités des missionnaires comme criminelles, il n’est pas difficile de comprendre comment certains individus deviennent fous et tuent ces gens.

Turkish Daily News

Orhan Kemal Cengiz

Il y a sept mois, trois missionnaires chrétiens ont été cruellement assassinés par une bande de nationalistes turcs dans la ville de Malatya, en Anatolie orientale. Les assassins sont entrés par effraction chez l’éditeur de Bible Zirve Yayıncılık, ils ont d’abord torturé leurs victimes puis leur ont tranché la gorge.

Sept mois après ces meurtres sanglants, le procureur a enfin présenté le dossier de l’accusation. Pendant sept long mois, il nous a été impossible d’obtenir le moindre document parce qu’ils avaient été déclaré confidentiels. Nous avons attendu sept longs mois pour quoi ? Après avoir lu le dossier, j’en suis arrivé à la conclusion que nous avons attendu pour rien ! Nous ne savons rien de plus qu’il y a sept mois. Alors, qu’a donc fait le procureur pendant tout ce temps ?

La mentalité du procureur:

Il y a dans ce procès 31 dossiers, et seuls 15 d’entre eux contiennent des informations sur les meurtres et les criminels. Quid des 16 autres ? Vous n’allez pas le croire, mais ces dossiers concernent les activités des victimes qui ont été égorgées. Le procureur a récupéré tous les fichiers des ordinateurs des victimes, et les a versés au dossier comme « preuves ». Si je ne connaissais pas le contexte, je me dirais qu’il y avait deux bandes qui se battaient entre elles et que des membres de l’une ont tué des membres de l’autre, et que le procureur a rassemblé des éléments sur ces deux bandes !

Pourtant, nous parlons en réalité de l’incroyable massacre de trois innocents, dont le seul tort était de mener des activités missionnaires au mauvais endroit ! Mais le procureur a rassemblé toutes les informations sur leurs activités missionnaires. Si un procureur considère les activités des missionnaires comme criminelles, il n’est pas difficile de comprendre comment certains individus deviennent fous et tuent ces missionnaires !

De plus, ces dossiers, qui sont à présent publics, peuvent conduire à de nouveaux assassinats parce qu’ils comportent de nombreux détails sur d’autres protestants qui résident en divers endroits en Turquie. Les adresses, emails, numéros de téléphone de beaucoup d’autres Turcs protestants figurent dans les dossiers, et sont déjà entre les mains des meurtriers. Le procureur n’a pas fait une enquête approfondie, et il a en outre mis d’autres vies en danger. Pourquoi ces informations dans le dossier ? Je crois que personne ne peut l’expliquer.
Un simple coup d’œil suffit pour comprendre avec quel degré d’inefficacité les dossiers ont été préparés. Les dépositions n’ont pas été enregistrées correctement, les bonnes questions n’ont pas été posées, et il manque des détails indispensables. J’aimerais vous donner des informations précises mais si j’entrais dans tous les détails des bizarreries de ces dossiers, cet article se transformerait en brochure. Par conséquent, j’aime mieux pour l’instant citer quelques exemples, pour vous permettre de vous faire une idée générale du processus de préparation du procès du massacre de Malatya.

Une enquête insuffisante :

Emre Gunaydın, le suspect numéro un dans cette affaire, déclare que certaines personnes l’ont orienté vers les protestants, et il mentionne quelques noms. Mais on ne lui a pas demandé comment il a été orienté, ni ce qui lui a été dit. Emre affirme qu’il était membre du Ülkü Ocakları (la branche pour la jeunesse du MHP, le Parti du Mouvement National, un parti ultra-nationaliste) – Nota CVAN : il suffit de voir la page d’accueil de leur site http://www.ulkuocaklari.org.tr/index.asp pour comprendre qu’il s’agit des Loups Gris, mouvement extra-violent, d’obédience fasciste d’un côté mais lié aux extrémistes islamistes et à la mafia turque de l’autre -, mais on ne lui a pas posé une seule question sur son appartenance à cet Ülkü Ocakları dont les membres avaient précédemment manifesté contre les activités missionnaires de la maison d’édition.

La déposition de Urhi Polat, qui, indique Emre, lui a parlé des missionnaires et qui est membre du MHP, ne fait qu’une demi-page. Ni la police, ni le procureur, n’ont mené la moindre investigation sur les relations qu’avait cette personne. Polat dit qu’il a parlé une fois avec Emre au téléphone, mais quand vous regardez les relevés de communications téléphoniques figurant au dossier, vous pouvez constater qu’avant que les assassinats soient commis, il y avait eu de nombreuses conversations téléphoniques entre cet individu et Emre.

Pourtant personne ne s’est donné la peine de les interroger sur cette contradiction. Même un œil inexpérimenté peut voir que de nombreuses personnes qui ont des contacts manifestes avec les membres de la bande, et qui étaient probablement impliquées à différents niveaux dans le complot, sont simplement mises en liberté pour cause d’investigations insuffisantes sur leurs relations et leurs actes. Les dépositions du dossier sont toutes superficielles, et il y manque des détails essentiels. D’après les dépositions, il est évident que les assassinats avaient été planifiés et préparés pendant au moins quelques mois. On peut difficilement croire que la police ou la gendarmerie n’avaient aucune information sur les projets de ces assassins.

Les communications envoyées [par la police] nous permettent de comprendre que l’une des victimes, Necati Aydın, était sous surveillance constante, et dans sa fiche de police il est inscrit comme ancien criminel pour le « crime » d’ « activité missionnaire ».

Le procureur qui a versé au dossier toutes sortes de documents sur les activités des victimes n’a pas mené d’enquête sur les articles provocateurs des journaux locaux.
En un mot, le procès a été préparé de telle façon qu’il en résulte qu’un groupe de jeunes a été irrité par les missionnaires et a décidé de les éliminer. C’est aussi simple que cela.

Massacrer pour la patrie

Pourtant, si vous regardez les dernières pages des dossiers, vous aurez un tableau complètement différent. Il y a des lettres que ces assassins ont envoyées à leurs familles et à leurs petites amies. Ils y disent qu’ils n’ont pas honte de ce qu’ils ont fait, parce qu’ils l’ont fait pour le pays et qu’ils se sont sacrifiés pour la patrie. Ils veulent qu’on les félicite et qu’on les apprécie. Et il doit y avoir des gens qui leur donnent ces sentiments positifs.

Si les responsables politiques continuent à dire chaque jour que la Turquie court un danger imminent, qu’il y a des ennemis intérieurs dans ce pays, que les missionnaires sont les agents de pays étrangers qui essaient de démembrer la Turquie etc., des crimes aussi horribles sont inévitables. Si des « ennemis intérieurs » comme des missionnaires sont montrés sur d’innombrables pages Web en tant que cibles qu’il est légitime d’abattre, et si la justice ne fait rien contre cette manie, nous verrons d’autres assassinats, d’autres agressions et massacres.

Aussi bien le procès Hrant Dink que celui de Malatya sont d’une extrême importance pour l’avenir de ce pays. Le dossier préparé par le procureur m’a énormément déçu. Cependant, les avocats de Dink et certains des avocats de l’affaire Semdinli (l’attentat à l’explosif contre une librairie en 2005 dans la ville de Semdinli, dans le sud-est de la Turquie) vont assister au procès de Malatya. De cette manière, nous allons créer une mémoire collective et j’espère que cette mémoire nous aidera à éclairer un peu cet écheveau de sombres relations.

La première audience de ce procès aura lieu ce vendredi à Malatya. Nous allons essayer d’y produire une petite lueur !

orhan.kemal@tdn.com.tr

raffi
Author: raffi

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