L’exception et la règle

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Il est toujours extrêmement délicat de porter des jugements sur la situation politique en Arménie depuis la diaspora. Les Français d’origine arménienne sont en effet avant tout des citoyens français. C’est en France qu’ils vivent, qu’ils travaillent, paient leur impôt et qu’ils votent. Leur Premier ministre s’appelle Édouard Philippe et pas Nikol Pachinian. Et les jeunes ne font pas leur service militaire sur la ligne du front de l’Artsakh, pas plus qu’ils ne grandissent sous la menace permanente de la guerre à leurs frontières. Immense privilège !

Cette situation, commune à l’ensemble la diaspora, devrait inciter ses forces à faire montre d’un peu de modestie à l’égard de cet État, dont l’existence tient du miracle. Il est bien sûr compréhensible d’avoir des exigences… surtout à distance. Serait-il toutefois envisageable que la diaspora s’impose un jour un minimum de retenue par rapport au jeu politique interne de l’Arménie ? On est en tout cas loin du compte, à en juger par certaines campagnes sur les réseaux sociaux ou l’expression de certains propos, recueillis par-ci par-là dans des médias communautaires militants.

La question se pose notamment quand l’engagement partisan parasite la solidarité que l’on doit globalement à l’État. Ce qui n’est pas à proprement parler le rôle d’une diaspora, qui devrait se concevoir plutôt comme une force d’appoint. À titre d’exemple, nos amis juifs de Paris, de New York ou de Moscou s’astreignent à plus de discipline par rapport à Jérusalem. Les entend-on critiquer publiquement le gouvernement Netanyahu ? Jamais. Ou du moins très rarement. Gageons cependant qu’ils n’en pensent pas moins et que leurs rangs sont loin d’être unanimes sur ce point comme sur d’autres. Mais pour l’entité judaïque, fortement marquée comme la nôtre par la tragédie du génocide et les enjeux liés aux problématiques de sécurité, la solidarité avec I’État d’Israël, quels qu’en soient les dirigeants, constitue la règle. Et la critique, l’exception. D’autant qu’au Moyen-Orient comme dans le Caucase, la guerre est en permanence à l’ordre du jour. Ce qui incite à quelque précaution à l’égard de ceux qui sont sur place à la manœuvre. En particulier quand les diatribes et autres théories conspirationnistes sont susceptibles de saper la confiance en ceux qui sont en charge de la défense militaire du pays.

Faudrait-il alors se taire ? S’autocensurer en permanence, au motif de l’unité nationale et des intérêts stratégiques ? Certes pas. En tout cas pas pour les médias, dont la vocation est d’informer. Mais le journalisme est une chose et le militantisme une autre. Surtout lorsqu’il se pique de faire campagne, de nuire, de dégommer, en fonction de l’agenda politique du moment. Cette volonté de peser ainsi de l’extérieur peut bien sûr se justifier dans certaines circonstances : situation de dictature, régime fantoche, occupation étrangère, système répressif, contre lesquels les mobilisations s’imposent.

En revanche, quelle légitimité y a-t-il à faire de l’ingérence dans le contexte d’un pays qui vient d’accéder à la démocratie comme l’Arménie ? Ces procédés ne sont pas acceptables. En particulier lorsqu’on s’est globalement tue, au nom du « devoir de réserve », alors que la conjoncture était indiscutablement plus noire du point de vue des mœurs politiques, de l’équité électorale, de la corruption, de la séparation des pouvoirs, des rapports incestueux entre le business et les autorités, et de l’ensemble des dysfonctionnements que l’on connaît. C’est en substance le reproche des défenseurs des droits l’homme à l’égard de tous ceux qui se font aussi pinailleurs aujourd’hui qu’ils étaient laxistes hier, sur la question des libertés fondamentales.  Et ce alors que les affaires qui sortent enfin au grand jour témoignent de l’étendue de la corruption qui sévissait, confirmant, hélas, les diagnostics les plus sombres de l’époque.

Ces comportements, somme toute classiques, ne sauraient évidemment justifier une quelconque chasse aux sorcières ni d’exiger que les uns ou les autres se couvrent la tête de cendres. On ne connaît que trop le tropisme autoritaire de l’Arménie depuis l’indépendance. Sans compter l’époque précédente. L’heure devrait plus que jamais être à l’unité nationale, au rassemblement autour des mêmes règles du jeu. À la tolérance. Inside et outside. Mais de grâce, finissons-en avec ce sport national du deux poids deux mesures, lesquelles sont en l’occurrence incroyablement disproportionnées. Ces petits jeux n’apportent rien, ni ne convainquent grand monde, sachant que le gouvernement de Nikol Pachinian ne fait qu’appliquer ce pour quoi il a été porté au pouvoir par une immense vague populaire. Ce dont il conviendrait déjà de le féliciter, avant de lui en faire globalement le reproche, au deuxième anniversaire, seulement, du changement de régime.

Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

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