L’honnêteté est la meilleure politique par Samantha Power

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Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Le Collectif VAN vous soumet cette traduction d’un article en anglais paru sur Time le 18 octobre 2007.

Samantha Power est professeur à la John F. Kennedy School of Government de l’université Harvard ; auteure de A Problem From Hell : America and the Age of Genocide, qui lui a valu le prix Pulitzer en 2003.

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Jeudi 18 octobre 2007

TIME

Article de Samantha Power

Les U.S.A et la Turquie : l’honnêteté est la meilleure politique

Par SAMANTHA POWER

Il y a 90 ans, le régime des « Jeunes Tucs » a donné l’ordre d’exécuter les leaders civils et les intellectuels arméniens. Les soldats turcs et la milice ont forcé la population arménienne à partir dans le désert où plus d’un million de personnes ont péri, soit sous les coups des baïonnettes, soit de faim. C’est cette horreur qui a stimulé Raphaël Lemkin, un juif polonais, pour inventer le mot génocide qui a été défini non pas en tant que l’extermination d’un groupe dans sa totalité, mais plutôt comme l’effort systématique visant à détruire un groupe. Lemkin voulait que le terme – ainsi que la Convention Internationale qui en a résulté – englobe aussi le nettoyage ethnique et l’assassinat d’une partie substantielle d’un groupe donné. Sinon, il craignait que le monde attende qu’un groupe entier soit exterminé avant d’entreprendre toute action.

Mais ce mois-ci à Washington, ces vérités historiques – concernant des événements qui se sont déroulés sur un autre continent, à un autre siècle – déclenchent une controverse parmi les politiciens, comme si les dommages étaient non corroborés, locaux et récents. L’enjeu, bien sûr, c’est de savoir si la Chambre américaine des Représentants devrait offenser la Turquie en adoptant la résolution condamnant le « Génocide Arménien » de 1915.

Tous les acteurs de ce débat jouent les rôles qu’ils jouent depuis des décennies. Le Général turc Yasar Buyukanit a averti que si la Chambre votait la résolution, « nos liens militaires avec les U.S.A ne seraient plus jamais les mêmes. » Ayant reconnu le génocide lorsqu’il faisait campagne pour la Maison Blanche, le Président George W. Bush a néanmoins marché dans les pas de ses prédécesseurs du Bureau Ovale, déplorant, bel euphémisme, « les souffrances tragiques » des Arméniens, et retournant hommes et femmes diplomates ou militaires avec l’argument qu’une telle résolution endommagerait les liens indispensables entre les USA et la Turquie. Au Congrès, les Représentants des districts à forte population arménienne soutiennent en général la mesure, tandis que ceux assommés ou trompés par le Président ou le Pentagone ne la soutiennent pas. La pression officielle a mené au retrait de nombreux sponsors de la résolution.

Une des caractéristiques de ce script vieux de dizaines d’années, est nouvelle : les menaces turques ont une plus grande crédibilité aujourd’hui que par le passé. Principalement car la guerre américaine en Irak a augmenté dramatiquement l’influence turque sur Washington. 70% du cargo américain en direction de l’Irak passe par la Turquie ainsi qu’environ un tiers du fuel utilisé par les militaires américains. Si la Turquie devait réagir négativement à court terme, la reconnaissance du génocide est garantie pour quatre raisons. Premièrement, la résolution de la Chambre dit la vérité, et les U.S.A seraient le 24e pays à reconnaître officiellement le génocide. Si Bush a avancé des arguments contre la résolution, il n’a pas osé contester les faits. Une Administration qui montre si peu de considération pour la vérité est ouvertement en train d’exhorter le Congrès à la rejoindre dans son manque d’honnêteté. Il est inconcevable de penser que, même à l’époque où les U.S.A estimaient l’Allemagne de l’Ouest comme un rempart précieux contre l’Union Soviétique, Washington se serait retenu de condamner l’Holocauste sur ordre de l’Allemagne.

Deuxièmement, le temps qui passe ne fera qu’augmenter la taille de l’épine dans ce qui est effectivement une relation de valeur avec la Turquie. De nombreux officiels américains (et même l’officiel turc occasionnel) admettent en privé qu’ils auraient aimé que les U.S.A aient reconnu le génocide il y a longtemps. Les survivants arméniens meurent, mais leurs descendants ont promis de continuer la lutte. La véhémence de la diaspora arménienne est en train d’augmenter et non de diminuer. Troisièmement, l’influence américaine sur la Turquie est bien plus grande que celle de la Turquie sur les États-Unis. Les U.S.A ont fait entrer la Turquie dans l’OTAN, ont bâti sa force militaire et ont soutenu sa candidature à l’Union européenne. Washington a accordé un statut commercial privilégié à la Turquie, avec comme résultat quelque 7 milliards de dollars de commerce annuel entre les deux pays et 2 milliards de dollars d’investissements américains. Les deux pays qui dépassent la Turquie en matière d’aide étrangère en provenance des U.S.A sont Israël et l’Egypte. Et, quatrièmement, pour toute l’aide de la Turquie envers les U.S.A à propos de l’Irak : Ankara a rejeté la demande de Washington d’utiliser les bases turques pour lancer l’attaque sur l’Irak, et a ignoré les protestations de Washington concernant les troupes massées à la frontière irakienne ce mois-ci, 60 000 soldats, un prélude à une attaque à laquelle tout le monde s’attend dans le Kurdistan irakien. En d’autres mots, si la Turquie invoque la résolution sur le génocide comme étant la raison pour ignorer les souhaits américains, elle a une bien plus longue histoire quant à snober Washington quand elle le veut.

Autrement dit, la Turquie peut invoquer la résolution du génocide comme étant l’une des raisons d’ignorer les souhaits américains, elle a, en fait, toujours ignoré Washington quand elle le voulait.

En 1915, lorsque Henry Morgenthau, l’Ambassadeur américain en Turquie, avait protesté auprès du ministre turc de l’Intérieur à propos des atrocités commises, le Turc avait été perplexe. « Pourquoi êtes-vous si intéressé par les Arméniens, de toute façon ? » avait demandé Mehmed Talaat. « Nous traitons bien les Américains. » S’il est essentiel de s’assurer que la Turquie continue de « bien traiter les Américains, » une relation stable et fructueuse au 21e siècle ne peut pas être construite sur un mensonge.

©Traduction C.Gardon pour le Collectif VAN 28 octobre 2007 – 08:30 – www.collectifvan.org

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Author: raffi

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