L’Iran et la tentation impériale en Asie Centrale

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Après des mois de retards, la République Islamique semble disposée à se lancer dans la construction du gazoduc Iran-Arménie. Des tergiversations de part et d’autres, qui trahissent mal la complexité de la situation politique, énergétique et économique dans cette région particulièrement sensible. Au delà d’une décision qui donne à l’Arménie une ouverture dans le domaine de l’approvisionnement énergétique, l’accord de principe obtenu fin août à Téhéran par le ministre arménien de l’énergie, Karen Galoustian, coincide avec l’engagement croissant mais discret de Téhéran aux côtés de Moscou contre les régimes jugés pro-occidentaux dans la région : l’Azerbaïdjan et l’Ouzbekistan.
Tout commence avec la perspective d’une cession de la région de Megri à l’Azerbaïdjan pour permettre un Désenclavement du Nakhitchévan par rapport au reste du pays. Une éventualité qui avait été soufflée par Strobe Talbott, l’année passée, peu de temps avant l’assassinat de Vazken Sarkissian. L’Iran et la Russie n’avaient pas caché leur désaccord, voyant là une bonne opportunité pour Washington de mettre la main sur les ressources naturelles de l’Asie Centrale.
Un constat : cette crainte a poussé les Iraniens à accélérer les discussions en vue de la construction du gazoduc Iran-Arménie, voire d’une raffinerie et d’un tunnel autoroutier entre les deux pays. Si les criantes de Téhéran semblent sauter aux yeux, tant ils semblent avoir cédé aux Arméniens sur les futurs tarifs gaziers, il semble en revanche que l’Arménie ait sciemment laissé filtrer des informations compromettantes sur l’échange de Megri pour pousser Moscou et surtout Téhéran à davantage de concessions financières. Dans le style « retenez-moi, sinon je fais un malheur », l’objectif semble atteint. L’Iran s’associera à des partenaires russes, français et grecs, voire chinois pour la construction du premier tronçon, long de 140 km et d’un coût approximatif d’un milliard de francs.
Mais la victoire arménienne cache mal sa dépendance en matière gazière. L’Iran semble en effet à même de pouvoir dicter à l’Arménie sa conduite puisqu’elle constitue la seule alternative aux livraisons du géant russe Gazprom. Erevan pourra diversifier ses approvisionnements , pas les diminuer. Paradoxalement, les organisations financières internationales comme la Banque Mondiale, liée aux Etats-Unis, ont poussé l’Arménie à conclure cet accord avec Téhéran, moins par sympathie pour l’Iran que par défiance à l’égard de la Russie. Et puis leur calcul paraît simple : si Erevan ne peut payer la facture gazière à Moscou, elle pourra toujours se retourner vers l’Iran.
Le jeu iranien se déploie aussi contre l’Azerbaïdjan. Pour faire pression sur les autorités de Bakou, les Iraniens n’hésitent pas à brandir l’arme de la coupure de courant au Nakhitchévan. Elle l’a fait début août sans passer à l’acte. Officiellment, l’enclave ne payait pas sa note. La proximité de la prochaine visite d’Aliev à Téhéran semble avoir gelé la situation avant la grande explication entre les deux partenaires dont les sujets de friction ne manquent pas. L’alliance de l’Azerbaïdjan avec l’OTAN n’en constitue qu’un des volets. Le statut de la mer Caspienne semble aussi inquiéter les Mollahs, sans parler de la perspective de faire passer le gaz de l’Asie Central par un gazoduc transcaspien pour éviter un acheminement à travers la Russie ou l’Iran.
Le danger apparaît au grand jour, et pas seulement pour l’Iran. Un contournement du nord priverait la Russie de retombées financières importants sans parler de leviers de pression sur ces Etats de la CEI jaloux de leur indépendance retrouvée et qui osent vouloir s’affranchir de la tutelle de Moscou. Les attentats commis en Ouzbékistan en février 1999 semblent indiquer qui ni Moscou, ni Téhéran ne lâcheront leur proie. Officiellement attribués au Mouvement Islamique de l’Ouzbékistan en lutte contre le pouvoir « impie » d’Islam Karimov, ces actions sanglantes semblent surtout avoir eu pour but de détourner le président ouzbek de ses velléités d’alliance avec les occidentaux. L’implication de l’Iran semble apparaître au grand jour depuis que les islamistes ouzbeks bénéficient d’une radio émettant depuis Machad, grand centre religieux chiite situé à l’extrême nord est de l’Iran.
Il est « curieux » de constater la manière dont les militants islamistes ont pu pénétrer au début de l’été dans la région de Ferghana, se déjouant comme par enchantement de la surveillance des gardes-frontières de la CEI, Russes pour la plupart. Les paradoxes ne manquent pas dans cette région du monde. L’alliance de Moscou et Téhéran contre le pouvoir des Talibans à Kaboul tranche avec le soutien qu’ils ont apporté à leurs alliés islamistes ouzbeks. Difficile de ne pas voir les mains de Moscou et Téhéran dans ces actions qui visent aussi bien Tashkent que Bishkek, pourtant allié de Moscou. A moins que le MOI n’ait échappé à l’emprise de ses puissants parrains. Cette dernière éventualité parait tout à fait sérieuse puisque des renforts arméniens seraient partis pour prêter main forte aux autorités kirghizes. Il ressort de tout cela un immense gâchis humain ou le comportement de l’occident semble une nouvelle fois pointé du doigt.
La volonté des faucons américain d’humilier la Russie et de pestiferer l’Iran semble s’être retourné contre eux. De la même manière que les Etats-Unis ont isolé Cuba pour raison « d’influences régionale », il est tout à fait compréhensible que Moscou et Téhéran cherchent à se protéger contre les perspectives d’une déstabilisation régionale, même si les méthodes utilisées peuvent heurter les plus sensibles. Mais l’Etat est un monstre froid. Un grand jeu dans lequel les Iraniens ont excellé depuis 25 siècles et qu’ils semblent en passe de pouvoir pratiquer à nouveau?

raffi
Author: raffi

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