De nombreux journaux se demandaient lundi si l’Occident devait renoncer à la liberté de pensée et accepter que l’islam devienne un tabou après la polémique provoquée par les propos du pape Benoît XVI sur la guerre sainte.
Tous n’exonéraient pas le souverain pontife de sa responsabilité dans le tollé qui a agité une partie du monde musulman à propos d’une citation reprise d’un empereur byzantin du XIVe siècle sur la propagation de la religion par le glaive.
Mais beaucoup soulignent, six mois après la controverse qui a suivi la publication de caricatures de Mahomet dans des journaux, le risque pour le monde occidental de céder au chantage des islamistes.
A Londres, The Independent estime que le pape aurait peut-être mieux fait d’éviter le paragraphe jugé offensant.
« Si l’appel au dialogue était son objectif, il y avait peut-être d’autres moyens moins susceptibles d’erreur d’interprétation », écrit-il.
Aux Pays-Bas, le journal de référence NRC Next parle de « provocation » et, pour De Volkskrant (centre-gauche), « le pape ne doit s’en prendre en grande partie qu’à lui-même ».
En Espagne, El Mundo (centre-droit) voit dans l’incident un revers pour la réconciliation des religions.
« Jean Paul II avait mis du temps à apaiser les contradictions entre les principales religions. En ce qui concerne l’Islam, Joseph Ratzinger a gâché d’un seul discours tout le travail de son prédécesseur. »
Mais de nombreux journaux sont d’une opinion différente.
Le Guardian de Londres reconnait certes que le pape aurait dû faire plus attention au contexte politique.
« Mais il est aussi plus important que la majorité des musulmans évite d’être prise en otage par la minorité des extrémistes qui veulent transformer cet épisode regrettable en crise mondiale », ajoute le quotidien de centre-gauche.
En France, la presse est partagée. Libération (gauche) écrit que « ce pape de 78 ans, depuis sa nomination, multiplie les bévues. On va finir par penser qu’elles ne sont pas accidentelles mais révèlent le fond de sa pensée ».
Le Figaro (conservateur) critique au contraire « tous ceux qui fabriquent n’importe quel prétexte pour manipuler leurs crédules fidèles ».
« Par lâcheté (…) laisserons-nous le pape pointer seul les dangers du fanatisme, et de l’islamisme en particulier », se demande-t-il.
En Autriche, le Kronen-Zeitung estime que le pape vit « la première crise grave de son pontificat ». Le premier journal du pays juge toutefois « regrettable que les musulmans parviennent aujourd’hui à exercer une forme de censure sur la liberté d’expression en Occident ». « Nous sommes devenus sujets au chantage et à la peur », ajoute-t-il.
Au Danemark, où furent publiées en premier les caricatures de Mahomet, le tabloïd Ekstra Bladet estime qu' »il est temps que les musulmans à la sensibilité exagérée cessent leurs exigences fatigantes d’excuses pour tout ce qui ne leur convient pas ».
En Belgique, La Dernière-Heure écrit que « se taire parce que les extrémistes pourraient utiliser vos déclarations est une forme de renoncement que l’on ne peut accepter ».
Le quotidien néerlandophone De Standaard (conservateur) pense quant à lui que « le dialogue avec l’islam ressemble à une voie à sens unique ». « Une partie du monde musulman ne connaît pas les notions de tolérance et de respect des autres religions ».
Une partie de la presse européenne salue aussi les regrets ou excuses, selon les interprétations, présentées par Benoît XVI.
Pour le quotidien allemand de centre-gauche Süddeutsche Zeitung, « le pape a fait preuve de grandeur avec une déclaration à valeur d’excuse ».
Dans un éditorial intitulé « Benoît le faillible », le quotidien économique Financial Times Deutschland note que ces regrets sont « nouveaux dans une Eglise où règne le principe suivant: Rome a parlé, le cas est clos ».
En Asie, le Philippine Star estime que « le problème est que toute critique (de l’islam) est interprétée comme un complot contre l’islam ».
Le Manila Times juge qu »il va être plus difficile maintenant de prétendre qu’il n’y a pas de choc de civilisation entre l’Occident et l’islam », dit-il.
Enfin, au Moyen-Orient, des journaux estiment que l’incident n’est pas clos.
« Les musulmans attendent des excuses claires », écrit Al-Charq au Qatar, tandis qu’en Arabie, Al-Yom estime que les propos du pape s’inscrivent dans le courant de pensée des néoconservateurs américains.
« Cette idéologie bat d’autant plus les tambours de guerre », écrit-il.