L’opposition arménienne est redescendue dans la rue samedi pour réclamer l’annulation de la victoire à la présidentielle du Premier ministre Serge Sarkissian, malgré l’assignation à résidence de son chef et la dispersion de son village de tentes installé il y a 11 jours à Erevan.
Environ 5.000 manifestants se sont à nouveau rassemblés dans le centre de la capitale arménienne, quelques heures après l’intervention de la police antiémeutes qui les avaient délogés de la Place de la Liberté.
Défiant l’ordre de dispersion, ils se sont réunis un peu plus loin, sur la place Chaoumian, non loin de la mairie et des ambassades de France et d’Italie.
Ils scandaient « Levon ! » ou encore « Serge pars ! », reprenant les prénoms respectifs de Levon Ter-Petrossian, le chef de l’opposition, qui conteste sa défaite à la présidentielle du 19 février, et de Serge Sarkissian, le candidat du pouvoir vainqueur du scrutin, qu’ils accusent de fraudes.
Des centaines de policiers antiémeutes étaient intervenus au petit matin pour chasser les 1.500 manifestants qui avaient passé une nouvelle nuit sur la place de la Liberté, réclamant l’organisation d’une nouvelle élection.
M. Ter-Petrossian, qui était sur la place au moment du démantèlement par la force du village de tentes, a expliqué au cours d’une conférence de presse chez lui que la police avait frappé les manifestants à coups de matraque, sans leur donner la moindre chance de quitter les lieux volontairement.
« La police m’a ensuite emmené à la maison. Je suis maintenant assigné à résidence », a ajouté Levon Ter-Petrossian, président de l’Arménie de 1991 à 1998. Il a dit n’avoir aucune information concernant le nombre d’arrestations et de blessés.
Le chef de l’opposition a appelé à la poursuite du mouvement, qui a rassemblé pendant 11 jours à Erevan des dizaines de milliers de ses partisans.
Le porte-parole de la police arménienne, Sayat Chirinian, a pour sa part affirmé que l’objectif de l’intervention des forces de l’ordre avait été de saisir des armes qui auraient été distribuées par l’opposition afin de déclencher « des troubles massifs ». Des pistolets ont notamment été découverts, selon lui, Place de la Liberté.
Le président sortant Robert Kotcharian avait déjà accusé l’opposition de préparer un coup d’Etat dans cette ex-république soviétique du Caucase, ce que ses adversaires avaient qualifié de « provocation ».
« Les manifestants ont attaqué la police avec des pierres et des barres de fer », a déclaré M. Chirinian ajoutant que « beaucoup de policiers avaient été blessés », sans communiquer de bilan.
Un journaliste de l’AFP arrivé sur les lieux peu après l’intervention a vu aux abords de la place deux flaques de sang, puis des échauffourées entre des dizaines d’opposants et des centaines de policiers qui bloquaient l’accès à cet endroit, pendant que des camions emportaient les tentes.
Il a également constaté que les policiers antiémeutes, visés par des jets de pierres et de bouteilles, avaient chassé les manifestants restants à coups de matraque et arrêté plusieurs d’entre eux.
« Une amie est à l’hôpital. La police l’a frappée au crâne à coups de matraque », a raconté Ignésa Gabaïan, rencontrée aux abords de la place.
« Dans ce régime, ce sont tous des fascistes, on les déteste depuis dix ans » qu’ils sont au pouvoir, s’est exclamé Anaïd Baïandour, de l’Assemblée des citoyens, une ONG proche de l’opposition.
Les manifestants ont été dispersés alors que, la veille, l’un des chefs de l’opposition, Artour Bagdassarian, arrivé troisième à la présidentielle avec 16,6% des suffrages, avait accepté de former un gouvernement de coalition avec M. Sarkissian, élu avec 52,8% des voix.
M. Ter-Petrossian, deuxième avec 21,5% des suffrages, avait de son côté rejeté ce compromis, insistant sur l’organisation d’un nouveau scrutin.
Les observateurs de l’OSCE avaient jugé que la présidentielle avait été « dans l’ensemble conforme » aux engagements internationaux, au grand dam de l’opposition.