L’Union européenne a exhorté lundi la Turquie à accepter ses propositions sur les échanges commerciaux avec Chypre pour éviter une possible suspension des négociations d’adhésion d’Ankara à l’UE.
« Nous pourrions avoir dans les prochaines semaines ou les prochains mois la dernière fenêtre d’opportunité sur la question chypriote avant un très long moment, peut-être plusieurs années », a prévenu le commissaire européen à l’Elargissement, Olli Rehn, avant des entretiens avec le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül.
Le gouvernement turc refuse d’étendre à Chypre, pays membre de l’UE depuis 2004, le protocole d’union douanière qui le lie avec le bloc européen. Cette extension, qui devrait notamment ouvrir les ports et aéroports de Turquie à des compagnies chypriotes, est une condition des négociations d’adhésion, officiellement entamées il y a un an
Mais ces discussions ont été passablement compliquées par le vote par les députés français d’une proposition de loi visant à sanctionner la négation du génocide des Arméniens.
Des diplomates européens indiquent que l’initiative des députés, même s’il est peu probable que la loi soit promulguée, rend quasiment impossible toute concession d’Ankara sur la question chypriote d’ici aux élections législatives prévues l’année prochaine.
La controverse a en effet renforcé les nationalistes turcs, qui voient dans cette proposition de loi la preuve que les Européens ne veulent pas de la Turquie parmi eux.
Dans ces conditions, argumentent-ils, il serait insensé de faire des concessions sur Chypre, sur les droits des Kurdes, des minorités religieuses ou des relations avec l’Arménie.
Au cours du week-end, le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a déclaré que le président français Jacques Chirac l’avait appelé pour lui présenter ses excuses et promettre son aide afin d’enterrer la proposition de loi.
Pour Javier Solana, porte-parole de la diplomatie européenne, cette intervention peut détendre l’atmosphère général qui préside aux négociations entre l’UE et Ankara.
Le ministre finlandais des Affaires étrangères, Erkki Tuomioja, dont le pays assume la présidence tournante de l’UE, s’est attaqué lui à la rédaction d’un « mini-accord » qui faciliterait le commerce entre Chypre et la Turquie et entre l’entité chypriote turque du nord de l’île et le reste de l’Europe.
La Commission européenne doit publier le 8 novembre son rapport annuel sur les progrès de la candidature turque. Elle devrait conclure à un ralentissement du processus de réformes et au non respect des obligations chypriotes d’Ankara. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Cinq, réunis en sommet le mois suivant, pourraient alors geler ou ralentir les négociations d’adhésion.