Mars 1920, l’extermination des Arméniens de Chouchi

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De manière très récurrente, les officiels de Bakou affirment bruyamment le caractère azerbaidjanais de Chouchi. Mais ils oublient de rappeler que la cité n’est véritablement devenue «azerbaidjanaise» qu’après sa prise en mars 1920, déjà par une alliance azéro-turque, et après l’extermination et l’exil de la totalité de sa population arménienne. Un «mini-Génocide» perpétré par la toute jeune république d’Azerbaïdjan.
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Entre le 20 et le 23 mars 1920, sous la conduite de l’azéri Khosrov Bey Soultanov et du général turc Nouri Pacha (Frère d’Enver pacha et plus tard, en 1941, fondateur de la légion du Turkestan au sein de la Wehrmacht), les forces azéro-tatares exterminent plusieurs milliers d’Arméniens de la ville et des districts alentours. En même temps que d’autres notables arméniens de la ville, Monseigneur Vahan Ter Grigoryan, le Primat du diocèse, est sauvagement massacré. Leurs têtes sont promenées sur les marchés pendant plusieurs jours. Des dizaines de jeunes femmes sont enlevées et plusieurs milliers de survivants prennent le chemin de l’exil. A ce jour, ce crime, aussi, demeure sans condamnation et sans châtiment.
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Pendant la période soviétique, différentes voix se sont élevées pour dénoncer ce grand carnage dont celle de Sergey Ordjonikidze, de Nadejda et d’Ossip Mandelstam et de Marietta Chahinyan. Comme sa consoeur Zabel Essayan, courageusement, celle-ci elle témoigne dans l’un de ses ouvrages. Issue d’une famille d’intellectuels de Moscou, Marietta Chahinyan (1888-1982), écrivaine très tôt ralliée aux idéaux bolcheviques, se rend à Chouchi quelques années après la destruction de la ville. Dans un livre dédié au Haut-Karabakh publié à Moscou en 1927, elle évoque le passé et le tragique présent de cette ville appelée «le petit Paris du Caucase» avant la Première guerre mondiale (Шагинян.M, НагорныйКарабах, Москва 1927).
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Décrivant la partie arménienne de Chouchi d’avant la destruction, elle écrit «elle était comme un appendice européen, bien plus vaste, accolé à la ville asiatique, lui servant de centre économique». Mais le plus impressionnant dans cet ouvrage est sans conteste son douloureux témoignage sur la ville après son anéantissement: «J’ai vu le squelette de Chouchi. Il y avait deux collines devant moi. Elles étaient couvertes de carcasses de bâtiments en ruines. Il ne restait que des pierres, pas un toit, pas de portes, pas de fenêtres, pas de planchers, pas de ferronneries, ni d’arbres, pas de planches, pas d’échafaudages, pas de clous. Seulement des pierres, des pierres et des pierres, comme les os raclés et nettoyés d’un squelette d’étude. Le silence m’impressionna. Je n’avais jamais ressenti un silence aussi terrible et aussi artificiel. Soudain, il me sembla que du milieu de ce silence s’élevaient des murmures. Les pierres chuchotaient, bougeaient et se recroquevillaient. J’en eu la chair de poule. En mars 1920, 7 000 maisons y ont été détruites et incendiées en trois jours. De 3 à 4 000 Arméniens, certains affirment plus de 12 000, ont été massacrés ici. Mais un fait demeure, aucun des 35 000 Arméniens n’est resté à Chouchi. De ci de là, vous pouvez encore voir des cheveux de femmes couverts de sang noirci. Il est difficile, même pour une personne dotée d’imagination de pouvoir respirer ici. Vous marchez, vous marchez, vous marchez sans cesse parmi les bâtiments calcinés, ou plutôt, à travers des pans de murs ruinés. Vous pressez le pas, de peur de ne jamais pouvoir en sortir».

Le 21 janvier 1936, lors d’une réunion avec la délégation de l’Azerbaïdjan soviétique au Kremlin, rappelant le massacre de Chouchi, S. Orjonokidze déclare «Je me souviens encore avec horreur des images que nous avons vues en mai 1920. La belle ville arménienne a été entièrement détruite et nous avons vu des corps de femmes et d’enfants dans les puits».
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Quelques années auparavant, durant l’automne 1930, le poète Ossip Mandelstam et son épouse Nadejda, avaient également visité la ville. Plus tard, Nadejda relatera cette visite «À l’aube, nous sommes partis en bus de Ganja à Shusha. La ville débute par un cimetière sans fin, puis une petite place de marché d’où descendent les rues de la ville dévastée. On a déjà vu des villages abandonnés par les habitants constitués de plusieurs maisons délabrées, mais dans cette ville, autrefois à l’air riche et cossu, le tableau de la catastrophe et du massacre était terriblement évident .Nous avons marché dans les rues, et partout la même chose: deux rangées de maisons sans toit, sans fenêtres, sans portes. Des pièces vides sont visibles dans les découpes des fenêtres, parfois des bouts de papier peint, des poêles délabrés et parfois des restes de meubles cassés. Les maisons à deux étages sont faites du célèbre tuf rose. Tous les murs sont écroulés et à travers ces squelettes, partout le ciel bleu scintille. On raconte qu’après le massacre, tous les puits étaient remplis de cadavres. Si quelqu’un a survécu, il a fui cette ville de la mort. Nous n’avons pas rencontré une seule personne dans toutes les rues des quartiers du haut. Dans la partie basse de la ville, sur la place du marché, il y avait une poignée de gens qui vaquant, mais parmi eux pas un arménien, seulement des Musulmans ».

Son mari confiera à la postérité un poème que beaucoup d’Artsakhiotes connaissent par cœur, une sorte de «Guernica en vers»:

J’ai vu le Karabakh montagneux,
J’ai vu la prédatrice cité de Chouchi,
où j’ai goûté aux horreurs de la mort.

A l’unisson des affres de mon âme,
quarante mille fenêtres mortes
comme autant d’orbites creuses et sombres.

Sahag Sukiasyan / le 22 Mars 2021

raffi
Author: raffi

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