A Paris, une installation vidéo fait entendre les voix des témoins du génocide.
Par Edouard LAUNET
QUOTIDIEN : jeudi 2 novembre 2006
Libération – Paris,France
Mémoires arméniennes Parquet de bal du parc de la Villette (près de la maison de la Villette), dans le cadre de l’année de l’Arménie en France. Du mer au dim de 14h à 19h, jusqu’au 23 novembre. www.armenie-mon-amie.com
Il y a eu fin septembre le grand raout à Erevan, capitale de l’Arménie, avec concert d’Aznavour, discours et visite du président Chirac. Aujourd’hui, à la Villette, à Paris, est érigé sur un parquet de bal un mur d’émotion : l’installation «Mémoires arméniennes» déploie vidéo et géographie pour évoquer le génocide de 1915. C’est d’ailleurs l’une des rares manifestations prévues dans le cadre de l’Année de l’Arménie en France (jusqu’au 14 juillet 2007) à se colleter directement le sujet.
Le visiteur de l’installation conçue par Jacques Kebadian et Jean-Claude Kebabdjian est accueilli par un brouhaha. Ce sont des voix surgies d’un mur d’images, quinze écrans débitant en boucle et simultanément les paroles de témoins du génocide. Ces mots et images ont été captés en 1982 par le cinéaste Jacques Kebadian, qui, dix ans après, en a fait le film Mémoire arménienne .
Dans les années 70-80, se souvient Kebadian, la cause arménienne s’était réveillée avec les actions terroristes de l’Asala (Armée secrète de libération de l’Arménie). Le cinéaste partit alors avec sa caméra et la volonté de «montrer qu’il y a d’autres façons de témoigner, d’agir».
Aujourd’hui, ces témoignages, triés parmi quinze heures d’archives, sont réunis sur des écrans-fenêtres insérés dans une grande carte figurant toute l’étendue des implantations arméniennes avant 1915, du Caucase à la Turquie. Les écrans sont répartis de telle façon que chaque témoin parle depuis sa ville d’origine. De toutes ces personnes mortes aujourd’hui, il ne reste que leurs paroles. Les réunir ainsi sur un grand panneau relève évidemment moins d’une entreprise de pédagogie que de la volonté de former un concert. Ces voix qui se chevauchent et se répètent composent un choeur bouleversant. L’installation est complétée par des tableaux et quelques photos. Elle devrait être présentée l’an prochain à Marseille et à Lyon, deux villes où la diaspora arménienne est fortement implantée.