Misère du pacte germano-ottoman

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D’une certaine façon, il n’est pas facile d’être Allemand aujourd’hui. Soixante-dix ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ce peuple qui assume collectivement la responsabilité de la Shoah n’en finit pas d’essayer de se racheter une conduite, en expiant ses crimes. Il l’a fait sur la question juive d’une manière exemplaire. En particulier si l’on risque la comparaison avec la Turquie. Mais la nation allemande n’estime-t-elle pas aujourd’hui être arrivée au bout de l’exercice ? Après des années de psychanalyse politique au cours desquelles elle s’est échinée à traquer en elle le démiurge qui l’avait amenée à commettre l’irréparable, ses agissements actuels semblent bien trahir une volonté d’épargner, autant que possible, sa conscience déjà beaucoup sollicitée. Son attitude envers le génocide arménien laisse en tout cas penser que le temps de la Realpolitik est en train de gagner du terrain sur celui de l’éthique, qui avait été érigée durant toute l’après-guerre en vertu cardinale du credo national germanique revu et corrigé.

Après s’être pendant des décennies prudemment conformée à l’amnésie internationale sur une histoire qu’elle connaît pourtant bien – pour y avoir été impliquée – l’Allemagne se distingue aujourd’hui de l’Europe par sa frilosité à l’égard du mouvement de reconnaissance du génocide arménien. On aurait pu espérer que les positions du Parlement de Strasbourg à l’occasion du centième anniversaire de 1915 l’auraient aidée à franchir le pas. Or, un an après, non seulement la séance du Bundestag du 25 février 2016 consacrée à cette question a été déprogrammée, mais Berlin s’est engagé dans une direction totalement opposée en se jetant dans les bras d’Ankara. Un choix qui pourrait s’avérer lourd de conséquences, notamment en ce qui concerne l’inquiétant processus d’intégration de la Turquie dans l’UE. Ce qui, en l’état, scellerait le sacrifice des valeurs démocratiques européennes sur l’autel de ce grand cynisme politique qui est à la racine même du rapprochement d’Angela Merkel avec Erdogan. Cynisme envers les victimes du génocide arménien, trahies une énième fois. Cynisme envers les Kurdes de Turquie, qui se font massacrer dans l’est du pays, loin des micros et des caméras. Cynisme à l’égard des Kurdes de Syrie, qui se font bombarder dans le dos par l’armée turque alors même qu’ils constituent le dernier rempart au sol contre la barbarie de Daech. Cynisme envers les journalistes turcs au moment même où la presse est bâillonnée comme jamais en Turquie. Cynisme envers les femmes, les jeunes, les démocrates turcs abandonnés au rouleau compresseur islamiste actionné avec une main de velours par Erdogan au début du siècle et qu’ils prennent aujourd’hui en pleine face.

L’immoralité triomphante en vigueur n’épargne bien sûr pas non plus les réfugiés syriens, au nom desquels elle prétend se justifier. Cette masse de désespérés fuyant la guerre est en effet traitée par l’accord Merkel-Erdogan en cours comme une vulgaire marchandise qu’on pourrait envoyer se faire voir en Turquie contre le libre accès de l’espace Schenguen à tous ses ressortissants. Au caractère honteux de ce troc entre réfugiés syriens, irakiens ou afghans de deuxième classe et nationaux turcs de première classe, s’ajoutent un énorme risque et une colossale erreur de calcul. Comment cette suppression des visas européens pour les Turcs ne faciliterait-elle pas d’une part la tâche du terrorisme et de l’autre ne ferait-elle pas office de pompe aspirante, en particulier pour tous ceux qui subissent de plein fouet, comme les Kurdes, la violence du pouvoir central ? Ce commerce humain, aussi malsain qu’inconséquent, n’a en réalité aucune chance d’aboutir à une réduction des flux migratoires, puisqu’il s’agit là de l’objectif proclamé de A. Merkel. Il ne fera que fragiliser la surveillance du territoire tout en jetant les bases d’un de ces nouveaux grands remplacements de population, dont la Turquie a le secret et qui constitue même, historiquement, sa marque de fabrique. Quand elle ne procède pas, comme avec les Arméniens, au nettoyage par le vide.

Ainsi, en s’éloignant des principes qui avaient fait la grandeur de l’Allemagne d’après-guerre, au nom d’une gestion à courte vue de ses intérêts immédiats, non seulement madame Merkel n’apporte aucune solution à la crise des migrants, mais elle risque à l’inverse d’aggraver leur situation et, cerise sur le gateaux, de compromettre la sécurité de l’Europe. On ne résout pas ses problèmes domestiques en confiant les clés de sa maison à un soudard. Encore moins en lui octroyant les prérogatives de ses occupants légitimes, tout en sachant qu’il a pour habitude de s’essuyer les pieds sur le règlement de copropriété : en l’occurrence le respect des droits de l’homme.

En faisant machine arrière dans cette période sensible sur la reconnaissance du génocide arménien, Angela Merkel a adressé le plus mauvais signal qui soit au nouveau sultan, qui se délecte de voir la plus grande puissance économique du vieux continent se mettre à son niveau, alors que le processus d’adhésion de la Turquie stipulait plutôt un mouvement contraire. Il ne faut qu’une brebis galeuse pour contaminer tout le troupeau. Notamment quand ses défenses immunitaires, fraîchement construites, sont à ce point affaiblies.

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Author: raffi

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