« Mon souhait serait de voir le Haut-Karabagh rattaché à l’Arménie »

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A la veille de la présidentielle des 10 et 24 avril 2022, armenews.com diffuse en accès libre toute les interviews des candidats publiée dans NAM depuis octobre 2021(Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Fabien Roussel, Eric Zemmour). Aujourd’hui Marine Le Pen.

Nouvelles d’Arménie Magazine : L’une de vos propositions consiste à réduire la facture des carburants, électricité, fioul… des Français en abaissant les taxes. Mais la réduction de ce type de dépenses, si elle contribue au maintien du pouvoir d’achat, n’est-elle pas un frein supplémentaire à la nécessaire transition énergétique ? Comment concilier survie des ménages les plus précaires et sauvegarde de la planète ?
Marine Le Pen :
C’est tout le problème de ce que l’on appelle l’écologie punitive. Cette attitude est non seulement arrogante, mais pire encore, elle est parfaitement déconnectée et ne prend absolument pas en compte les dommages socio-économiques qu’elle entraîne. Je n’oublie pas non plus que l’écologie est de plus en plus souvent utilisée comme une excuse par nos dirigeants pour faire rentrer de l’argent dans les caisses. Il n’y a qu’à se rappeler la genèse des Gilets Jaunes. Plutôt que de taxer, créer de nouveaux impôts et matraquer davantage les classes moyennes et populaires, j’ai fait un choix qui est très simple. Rendre aux Français leur argent. Élue présidente, j’abaisserai donc la TVA sur les produits énergétiques de 20 % à 5,5 %, car je considère que ce sont des biens de première nécessité. Les Français ont besoin d’énergie pour se chauffer, pour se nourrir, pour emmener leurs enfants à l’école ou pour aller travailler. Je n’oublie pas non plus qu’il est impossible pour bon nombre de nos concitoyens de la campagne ou des zones périurbaines de se passer de leur voiture. Pour ce qui est de la transition écologique, nous pouvons la mettre en œuvre sans en faire porter tout le poids financier sur les Français les plus modestes. À travers l’État stratège, je mettrai donc en œuvre une grande politique du nucléaire et j’enclencherai la construction de nouveaux réacteurs. Énergie peu coûteuse, efficace et très faible en émission. J’investirai également dans l’hydroélectrique et les nouvelles technologies comme l’hydrogène, tout en continuant les projets de rénovation énergétique des bâtiments. Finalement, je reviendrai sur les traités de libre-échange et mettrai en œuvre une véritable politique de localisme. Importer pour quelques centimes des chaussures ou de l’électroménager depuis l’autre côté du globe est un non-sens écologique lorsque l’on sait que 51 % des émissions de CO2 françaises sont liées aux importations. Il devient urgent de produire et de consommer le plus possible au niveau local, que ce soit pour l’environnement ou pour la prospérité et la sécurité de notre pays.

NAM : Fin janvier, vous avez retrouvé des responsables politiques européens nationalistes et des chefs de partis souverainistes à Madrid afin de travailler à l’élaboration d’un rassemblement des droites européennes nationalistes au Parlement européen. Alors que le Rassemblement national « adoucit » son image, n’est-ce pas un retour en arrière pour votre parti de vous afficher avec des personnalités comme Victor Orban ou Mateusz Morawiecki qui ont une conception autocratique du pouvoir ?
M. L. P. :
C’est vous qui les qualifiez d’autocrates. Les dirigeants polonais et hongrois sont tous élus démocratiquement. Le peuple a voté pour eux et des élections se tiennent régulièrement. Si les peuples d’Europe centrale refusent le diktat bruxellois, mondialisé et progressiste que nous avons parfois subi en Europe de l’Ouest, ils en ont parfaitement le droit. Si les dirigeants de ces nations – souveraines, je le rappelle – décident de combattre un certain nombre d’acteurs et d’institutions étrangères idéologisés souhaitant peser sur leur politique interne, ils en ont également le droit. La condamnation de la Pologne et de la Hongrie par la Cour de Justice européenne est significative sur ce point. Nous sommes de vieilles nations. Nos peuples ont souffert, nous avons versé du sang et des larmes pour notre liberté, et ce, jusqu’à très récemment pour la Pologne et la Hongrie. Le souvenir y est encore vif et Viktor Orban était d’ailleurs l’une des figures de proue du combat démocratique contre le totalitarisme communiste. Il faut s’y rendre, discuter avec eux pour comprendre qu’ils n’ont pas quitté un empire centralisé étouffant leur souveraineté pour en rejoindre un autre. Sachant cela, on peut aisément remonter à l’origine de la cabale bruxelloise. Tout a commencé au moment de leur refus d’accueillir l’immigration massive se déversant en Europe à la suite de la crise des réfugiés. Ils se sont opposés frontalement à une Union européenne qui n’avait jusqu’ici jamais été contestée de la sorte. Ils ont rappelé le fait qu’ils étaient libres de leur destin, et que, malgré toutes les pressions, la loi et la Constitution choisies par leurs peuples étaient supérieures aux instances internationales. Ceci est une évidence pour l’énorme majorité des pays de la planète, des États-Unis à la Chine en passant par l’Arménie. Pourtant, Bruxelles n’a pu supporter cet état de fait. Les dirigeants de l’Union européenne se sont donc mis à critiquer l’état de leur démocratie. Mais vous savez, il est assez aisé de trouver ce genre d’éléments. La France, par exemple, pourrait être critiquée pour son système législatif, où la première opposante du président ne peut compter que sur 7 députés sur 577. C’est d’ailleurs le seul système d’Europe qui n’applique pas de représentation à la proportionnelle. Nous pourrions aussi commenter les récentes nominations politiques au Conseil constitutionnel.
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NAM : Éric Zemmour s’est rendu en Arménie à la fin de l’année dernière pour dénoncer la situation des Arméniens et des chrétiens d’Orient. Que pensez-vous de cette démarche ? Envisagez-vous un tel déplacement ?
M. L. P. :
Je me rendrai volontiers en Arménie le moment venu, mais non dans une démarche électoraliste comme celles d’Éric Zemmour et Valérie Pécresse. C’est un pays magnifique, ami de la France, berceau historique de la chrétienté et véritable joyau culturel. Malheureusement, je ne pourrai pas m’y rendre avant les élections. Peut-être lorsque j’y serai invitée en tant que présidente de la République.

NAM : Diriez-vous comme Thierry Mariani, l’un de vos proches, lors de la campagne pour les élections régionales que le Haut-Karabagh est un territoire azerbaidjanais ?
M. L. P. :
Il est évident que le Haut-Karabagh est un territoire peuplé d’Arméniens et historiquement lié à cette nation. C’est le cas depuis des siècles, et bien avant l’arrivée des peuples turcs dans la région. Personne ne le nie, et je défendrai avec conviction sa spécificité culturelle, son histoire et son peuple. En revanche, il est également vrai que le Haut-Karabagh est un territoire azerbaidjanais en droit international, et ce depuis des décennies. D’ailleurs, la position officielle de la diplomatie française n’a jamais bougé sur ce point. L’Artsakh jouit certes d’une autonomie et de frontières qui datent de l’Union soviétique, mais il est important de se rappeler que l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan n’est contestée par personne, pas même par l’Arménie qui ne reconnaît pas la souveraineté de la république d’Artsakh. Le Haut-Karabagh est donc une terre arménienne historiquement et culturellement, mais azerbaïdjanaise sur le plan juridique international. C’est d’ailleurs tout le problème. Ce qui m’inquiète davantage, en revanche, c’est le soutien sans faille d’Ankara à Bakou, et l’immixtion turque de plus en plus prégnante dans le conflit. L’envoi de mercenaires islamistes, parfois auteurs de crimes de guerre, et de militaires turcs est absolument intolérable. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mon souhait serait de voir le Haut-Karabagh rattaché à l’Arménie. Il en va d’une certaine logique historique, car ce territoire est peuplé d’Arménien depuis des siècles et c’est un berceau important de leur culture. Cependant, je pense également que cette solution ne pourra se faire qu’autour de la table des négociations. L’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent donc parvenir à trouver un accord. Pour arriver à la paix, un certain nombre d’éléments devront absolument être garantis et protégés. Je pense notamment au droit à l’autodétermination des populations arméniennes du Haut-Karabagh, à la sauvegarde de son patrimoine culturel et religieux ainsi que sa sécurité et sa prospérité. C’est d’ailleurs l’une des missions de la France en tant que médiateur du groupe de Minsk. Je crois que notre pays a un rôle important à jouer dans ce conflit. Un rôle basé sur la diplomatie et la recherche d’une solution concrète à une guerre qui n’a que trop duré.

NAM : La position de la France après l’offensive militaire turco-azerbaïdjanaise vous a-t-elle semblé satisfaisante ?
M. L. P. :
Incontestablement non. Ce que je vois, c’est que la position de la France, pourtant médiateur dans le groupe de Minsk, n’a pas été audible. Emmanuel Macron n’a, d’ailleurs, rien fait pour s’opposer à l’offensive militaire turco-azerbaidjanaise, aidée par des mercenaires islamistes payés par la Turquie. C’est bien la Russie qui a mis fin à ce conflit, et c’est également elle qui a mis en place les conditions de stabilisation de la situation. Reste à voir maintenant si Moscou arrivera à faire avancer les négociations. Ce qui est sûr et certain, c’est que la France se tient prête à œuvrer pour la paix dans le Caucase. De manière générale, je déplore la perte d’influence catastrophique de la France depuis 15 ans. Cette situation a, d’ailleurs, empiré durant le mandat d’Emmanuel Macron, qui enchaîne les coups de communication et les leçons données à la terre entière. L’effort diplomatique reste un travail de longue haleine, dont l’efficacité est souvent conditionnée par la discrétion. Les déclarations à l’emporte-pièce sont donc contre-productives dans le concert diplomatique.
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NAM : Comment la France peut-elle aider l’Arménie dont l’intégrité territoriale est violée par l’Azerbaïdjan ?
M.L.P :
L’Arménie, tout comme l’Azerbaïdjan, sont deux pays souverains. Ce sont donc d’abord à eux de mettre en place les conditions du dialogue et de la résolution du conflit. Les récentes tensions et incursions autour du lac Noir sont particulièrement préoccupantes. À ce titre, je tiens à rappeler que je soutiendrai sans hésitation Erevan en cas de violation de son intégrité territoriale par des forces azerbaïdjanaises. Les militaires de Bakou doivent impérativement se retirer des positions qu’ils occupent sur le territoire souverain de l’Arménie, et la France se réserve le droit de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU en cas d’escalade. En ce qui concerne la relation bilatérale entre Paris et Erevan, je pense que nous pouvons aider l’Arménie de plusieurs manières, et en premier lieu à travers la protection de son patrimoine culturel et spirituel. Ce soutien peut être diplomatique, financier et associatif, et ce, à la fois en Arménie et dans des pays tiers, en accord avec les autorités desdits États. Vous savez mieux que moi que de nombreux monastères arméniens se situent un peu partout au Moyen-Orient : que ce soit en Israël, en Syrie, en Iran ou en Artsakh. Aider l’Arménie à restaurer et faire vivre ce patrimoine inestimable est tout à fait possible, y compris dans le respect du droit international. J’insiste également sur une coopération bilatérale et sur des investissements français en Arménie, particulièrement dans le tourisme ou le ferroviaire. Ce serait une excellente manière de désenclaver le pays et établir de nouveaux liens culturels et commerciaux, ô combien importants pour la prospérité du pays. De plus, nos relations peuvent s’appuyer sur une grande diaspora arménienne en France : une diaspora très dynamique économiquement et culturellement, particulièrement dans les secteurs artistique, scientifique et médical. Finalement, la France peut œuvrer, en bon accord avec la Russie, à un apaisement des relations de l’Arménie avec Bakou et Ankara. La finalité étant, bien entendu, le règlement définitif du conflit du Haut-Karabagh, véritable plaie à la stabilité du Caucase et frein au développement de la région. Comme je l’ai dit, c’est notre mission au sein du groupe de Minsk, et tous nos efforts seront dirigés vers l’équilibre et la paix. C’est le rôle historique de la France.

NAM : On assiste à des tentatives d’instrumentalisation de l’immigration turque en France par M. Erdogan. Cela se traduit, par exemple, par des agressions contre les Français d’origine arménienne comme à Décine, Vienne et Lyon l’an passé ou par de la propagande négationniste exportée depuis Ankara sur le territoire national. N’est-il pas temps de combattre ces manifestations de haine par, entre autres, une loi de pénalisation du négationnisme du génocide arménien ?
M. L. P. :
Il est incontestable que R. T. Erdogan instrumentalise la diaspora turque en Europe, et tout particulièrement en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Il faut se rappeler ses ministres faisant campagne sur le sol européen et ses appels agressifs quant à la politique française d’assimilation. Le dernier épisode marquant étant ces agressions dont les Arméniens ont été victimes durant la guerre du Haut-Karabagh de 2020. Le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait l’objet d’un étonnant laxisme dans les poursuites qui auraient dû être engagées contre ces individus. Élue présidente de la République, je ne le tolérerai pas et je le ferai immédiatement savoir aux autorités d’Ankara. Nous avons, bien évidemment, intérêt à avoir de bonnes relations avec la Turquie et le peuple turc, mais nous ne laisserons pas des conflits étrangers s’établir sur notre sol. Nous ne laisserons pas non plus les islamistes turcs du Millî Görüş instrumentaliser les musulmans français au nom d’une idéologie délétère, ni le pouvoir turc exporter sa haine des Arméniens sur notre sol ou s’ingérer dans les affaires internes de notre pays. Présidente de la République, je m’opposerai fermement à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. L’Europe peut se montrer forte vis-à-vis d’Ankara, mais, pour cela il faudrait entamer un brutal changement de politique à Bruxelles. Ce sera le cas avec l’alliance européenne des nations que je souhaite mettre en place. En ce qui concerne les horreurs du génocide, au cours duquel la Turquie massacra 1,5 million d’Arméniens pour leur appartenance à un peuple et pour leur foi chrétienne, je me suis toujours positionnée pour une reconnaissance sans équivoque de cette atrocité, et contre les déclarations des autorités turques. Ce négationnisme est insupportable, et je suis, bien évidemment, solidaire de tous les descendants des victimes. Les agressions et l’ultra-violence motivée par des sentiments de haine contre des Arméniens en France doivent être sévèrement punies et leurs auteurs poursuivis sans relâche.

Propos recueillis
par Marie-Aude Panossian

La rédaction
Author: La rédaction

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