La représentante démocrate de San Francisco, Nancy Pelosi, est devenue hier soir la première femme à accéder à la présidence de la Chambre des représentants, le troisième poste en importance à Washington après celui du président et du vice-président.
En soirée, hier, Mme Pelosi semblait encouragée par les résultats préliminaires, qui favorisaient nettement son parti. « Nous sommes à la veille d’une grande victoire démocrate ! », a-t-elle lancé à Washington devant une salle bondée de militants en liesse.
La première chose que compte faire la nouvelle présidente est de « vider le marais (drain the swamp) », a-t-elle répété au cours des derniers jours, en référence aux différents scandales de corruption qui ont éclaboussé la Chambre des représentants. Mme Pelosi veut notamment revoir les règles sur le lobbying, une activité qui est devenu « hors de contrôle », selon elle.
Nancy Pelosi compte aussi, dès les premiers jours de son mandat, faire marche arrière sur les réductions d’impôt consenties par l’administration Bush aux contribuables les plus fortunés. Elle n’a d’ailleurs jamais mâché ses mots au sujet de George W. Bush, qu’elle qualifie « d’incompétent » sur toutes les tribunes depuis des mois.
Les 435 sièges de la Chambre des représentants étaient en jeu hier soir. Le Parti démocrate devait faire un gain de 15 sièges pour contrôler la Chambre. Au moment de mettre sous presse, hier soir, les démocrates avaient 181 sièges, contre 145 pour les républicains.
Depuis de semaines, les commentateurs conservateurs avaient pris Mme Pelosi en grippe. À en croire les militants conservateurs, c’est tout juste s’il ne se mettra pas à pleuvoir des couleuvres à Washington si la représentante de San Francisco devait accéder à ce poste stratégique.
L’analyste politique Martin Frost, qui a été un représentant démocrate au Sénat de 1979 à 2005, et qui a affronté Mme Pelosi dans la course pour la direction de la minorité démocrate de la Chambre, croit au contraire que la politicienne a le potentiel d’être à la gauche ce que Margaret Thatcher a été pour la droite : une dame de fer qui a profondément marqué son époque. « Elle a la force de caractère et la détermination pour être une leader influente. Personne ne devrait la sous-estimer. Vous allez entendre son nom et voir son visage abondamment au cours des prochaines semaines », a-t-il indiqué sur le réseau Fox.
Pour James Thurber, directeur du Centre d’études sur le Congrès et la présidence à l’Université américaine à Washington, Mme Pelosi est loin d’être une politicienne naïve et déconnectée de la réalité. « Elle connaît la loi de base en politique : je vais vous aider si vous m’aidez, a-t-il confié lundi sur les ondes du réseau MSNBC. Elle est expérimentée, elle sait comment la machine fonctionne. »
Or, les conservateurs craignent Nancy Pelosi, qui incarne des valeurs progressistes de la côte Ouest du pays. La semaine dernière, le commentateur du réseau Fox, Bill O’Reilly s’est pratiquement étouffé récemment en annonçant que Nancy Pelosi était favorite dans les sondages pour devenir la prochaine présidente de la Chambre. « Et voilà ! Les valeurs de San Francisco, la ville la plus à gauche des États-Unis, vont être au pouvoir », a-t-il dit, pendant que défilaient à l’écran des images d’archives du défilé gai de San Francisco, où des gens a moitié nus déguisés en « drag queen » chantent et dansent au son des tam-tam.
Hier, des électeurs rencontrés devant un petit centre communautaire de Santa Monica, près de Los Angeles, semblaient décidés à envoyer un message clair à la Maison-Blanche. Santa Monica compte parmi les villes les plus progressistes de la côte Ouest.
« J’ai voté démocrate, comme toujours, a indiqué Sheryl Kinney, professeure et mère de famille. Cette fois, j’espère que les gens vont se réveiller et voter contre l’administration Bush. Le pays est sur la mauvaise voie, il faut du changement. »
Pour Dan Jones, retraité du milieu de la construction, le choix démocrate était le seul choix possible. « Même si je crois que Schwarzenegger va gagner, je suis quand même venu voter aujourd’hui. Je trouve que c’est un homme incompétent et il n’a pas mon appui. J’espère que les républicains à la Maison-Blanche vont comprendre que les gens ne les appuient pas. Ils vivent dans une bulle, ils gouvernent pour faire plaisir à leurs amis. », dit-il.