Négationnisme : le méchant recours aux « sages »

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Il s’est trouvé plus d’une soixantaine d’élus dans les deux chambres pour signer un recours devant le Conseil Constitutionnel afin de censurer la « loi de pénalisation du négationnisme des génocides reconnus par la France » . On ne glosera pas ici sur la carte géographique des régions d’où viennent ces frondeurs qui dénonçaient “l’électoralisme pro-arménien“ des partisans de cette loi. Même si l’on constate que nombre d’entre eux, en particulier parmi les plus virulents contempteurs du « clientélisme électoral », par exemple Jean-Pierre Chevènement, tirent eux-mêmes leurs suffrages de circonscriptions où existe un fort lobbying anti arménien…

Mais il ne s’agit là que de l’aspect anecdotique d’une crise qui risque de provoquer des dégâts bien plus profonds que les quelques dommages que ce recours prétendrait éviter.

Du point de vue de notre souveraineté tout d’abord. Cette procédure récompense les ingérences actives de l’état turc dans les affaires intérieures françaises. Les multiples pressions d’Ankara, son chantage diplomatico-économique, ses manifestations nationalistes organisées au coeur de Paris avec des milliers de ressortissants venus de toute l’Europe, son influence directe exercée sur les sénateurs et les députés, avec plusieurs lettres de l’ambassade qui leur ont été directement adressés, toutes ces manoeuvres ont pour l’instant fini par payer. Dans la mentalité des autorités turques, le Parlement a cédé à ses intrusions et le vote des deux chambres n’a servi à rien puisqu’il a suffi de la signature de 60 élus pour obtenir la saisine d’un Conseil Constitutionnel qu’elles croient acquis à leurs thèses. Elles n’ignorent pas en effet, et c’est de notoriété publique, qu’un certain nombre de ses membres est opposé par principe aux lois dites « mémorielles ». Mais Ankara devrait pourtant savoir que tant du point de vue de l’esprit que de la lettre de nos institutions, on ne demande pas aux sages de prononcer un jugement politique sur les textes qui sont soumis à leur expertise, mais d’examiner leur conformité avec la constitution d’un point de vue juridique dûment motivé. Ainsi ces calculs des autorités turques pourraient s’avérer contreproductifs. D’autant que la loi a été supervisée par le ministère de la justice et réécrite par Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. L’échec possible de ce recours soutenu par la Turquie n’enlèverait cependant rien au caractère scandaleux des immixtions du gouvernement de monsieur Erdogan dans le sanctuaire même de notre souveraineté populaire et nationale. Quant à sa réussite, elle constituerait une prime inadmissible à ce type d’ingérence, auquel s’ajouterait un terrible déni de justice pour les Arméniens.

Car une deuxième crise, la plus cruelle, vient en effet de s’ouvrir avec cette «communauté» à qui rien décidément ne sera épargné. Après avoir obtenu cette victoire attendue depuis des années, elle constate avec écœurement que nombre d’élus essayent de la lui subtiliser au moyen de manoeuvres procédurières indignent des enjeux en cours. Il y a dans cette tentative de vol organisé – sous-tendu par une volonté à peine cachée « de ne pas en donner trop aux Arméniens » – un manque d’empathie doublé de relents d’incohérence qui laisseront des traces. Bernard-Henri Lévy et Serge Klarsfeld le dénoncent : le négationnisme de la Shoah serait sanctionné, et pas celui du génocide des Arméniens, reconnu par la France ? Un peu comme si on réprimait le racisme contre les “Africains“ et non celui contre les “Asiatiques“ ? C’est inadmissible. Les brûlures que ce négationnisme inflige depuis des années aux 500 000 Français d’origine arménienne descendants des rescapés de l’entreprise d’extermination ne sont évidemment pas moins douloureuses que celles auxquelles fait heureusement obstacle la loi Gayssot. Comment pourrait-on justifier que les unes concerneraient le législateur et pas les autres ?

Cet ensemble de personnes n’aspire qu’à une chose, bien légitime. Que le négationnisme, composante de la mécanique génocidaire, cesse de les poursuivre, presque cent ans après les faits, jusque sur cette terre de France où leurs parents et grands-parents ont trouvé refuge. Il ne s’agit dans toute cette affaire que de mettre un terme à ce cauchemar. Une loi pour les protéger. Eux et leurs enfants. Etait-ce vraiment trop demander ?

Ara Toranian

La rédaction
Author: La rédaction

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