Erevan, ( avec AFP) – Le Premier ministre arménien réformateur Nikol
Pachinian a annoncé mardi sa démission à la télévision, une décision attendue
et destinée à convoquer des élections législatives anticipées qu’il souhaite
organiser avant la fin de l’année.
« Mon cher et fier peuple, aujourd’hui, j’ai remis ma démission », a déclaré
M. Pachinian, promettant de « garantir la libre expression de la volonté du
peuple lors d’élections législatives anticipées ».
Cette décision fait partie de la stratégie de M. Pachinian, qui souhaite
lancer des réformes profondes dans ce petit pays du Caucase en marginalisant
l’ancienne élite politique et en luttant contre la corruption. Son objectif
est de reprendre son poste de Premier ministre, mais cette fois avec le
contrôle du Parlement.
Nikol Pachinian est arrivé au pouvoir en mai dernier après avoir mené
pendant plusieurs semaines des manifestations massives antigouvernementales, mais il ne contrôle pas le Parlement, encore largement acquis au Parti républicain de l’ex-président Serge Sarkissian, raison pour laquelle il souhaite organiser des élection anticipées.
Après sa démission, le Parlement arménien a deux semaines pour élire un
nouveau Premier ministre, selon la Constitution. S’il échoue à deux reprises,
le Parlement est dissous et des élections anticipées sont automatiquement
convoquées.
Les prochaines élections législatives sont pour l’instant prévues en 2022.
Lors d’une réunion avec les membres de son parti mardi, M. Pachinian a
affirmé qu’il présenterait sa candidature au poste de Premier ministre « dans
le but de ne pas être élu » et, ainsi, provoquer la tenue des élections
anticipées. Les partis d’opposition présents au Parlement ont annoncé qu’ils
n’avanceraient pas de candidats à ce poste.
« La démission de Pachinian vise à créer artificiellement une situation qui
aboutit à des élections anticipées, ce dont il a besoin pour mener à bien le
processus de sa +révolution+ », a expliqué à l’AFP l’analyste politique Arman
Bochian.
Selon la Constitution arménienne, des élections législatives anticipées
doivent être organisées entre 30 et 45 jours après la dissolution du Parlement.
Les députés arméniens ont voté le 3 octobre des amendements rendant plus
difficile la convocation d’élections anticipées, poussant M. Pachinian à
appeler ses partisans à se réunir près du Parlement pour protester contre
cette initiative « contre-révolutionnaire ».
Il avait ensuite limogé six ministres dont les partis avaient soutenu les
amendements, qui n’ont pas été promulgués par le président Armen Sarkissian. Le Parti républicain, majoritaire au Parlement, a affirmé ne pas être
opposé à des élections anticipées, mais ne veut pas les organiser avant mai ou
juin 2019, et non décembre comme le voudrait M. Pachinian, afin que les partis
aient le temps de s’y préparer. Il semblait confiant sur le fait que l’ancien Parti républicain au pouvoir (HHK), qui détient 50 sièges sur 105 membres de la législature, et les autres forces parlementaires n’essaieront pas de les empêcher en élisant un autre Premier ministre. Des élections législatives anticipées sont donc vitales pour son avenir politique. Les observateurs estiment que le Premier ministre populaire et ses alliés vont les gagner par un effet boule de neige.
Deux autres forces parlementaires, les partis Arménie prospère (BHK) et le Dashnaktsutyun, se sont également engagées à ne pas essayer d’installer un autre Premier ministre. Ils ont respectivement 31 et 7 sièges au Parlement.
Pachinian a déclaré que, bien que son équipe politique soit « plus que préparée à tout scénario », il estimait que la majorité du Parlement n' »agirait pas contre le peuple et la sécurité nationale ». Il a souligné à cet égard qu’il ne considérait pas le HHK comme un « ennemi. »
M. Pachinian a rassemblé des dizaines de milliers de partisans devant le Parlement à Erevan le 2 octobre, immédiatement après que les députés du HHK, BHK et Dashnaktsutyun aient adopté un projet de loi qui aurait pu compliquer le déroulement des nouvelles élections. Les trois partis ont tenté de reporter le vote à mai ou juin prochain. Ils ont abandonné leurs objections aux plans de Pachinian à la suite des manifestations de colère.
Pachinian a intensifié ses efforts en faveur de la dissolution du Parlement après que son alliance a remporté plus de 80% des voix aux élections municipales du 23 septembre à Erevan.
La Constitution permet au Premier ministre et à ses ministres de continuer à exercer leurs fonctions au moins jusqu’à la session inaugurale du nouveau Parlement. Pachinian a souligné ce fait dans son discours en direct.