Nina Katchadourian est une artiste arméno-américaine née en 1968. Elle travaille la photographie, la sculpture, la vidéo et le son, souvent de manière ludique. Elle est surtout connue pour ses « Autoportraits de toilettes dans le style flamand », une série d’autoportraits pris dans des toilettes d’avion.
Fin juin, elle a fait une exposition surprenante dans l’une des plus vieilles galeries d’art de New York, la Pace Gallery. Décryptage de ce travail par le magazine, Artnet News
Lorsque Nina Katchadourian a demandé à sa tante Nora – Nora Tour-Sarkissian, techniquement la cousine de son père – de lui apprendre à préparer le kufteli yaghene, une soupe arménienne très appréciée, la matriarche de la famille ne l’a pas encouragée.
Elle a en quelque sorte métaphoriquement haussé un sourcil et dit : « C’est une recette très difficile. Pourquoi ne pas commencer par quelque chose de plus simple ? ». Katchadourian a raconté à Artnet News.
C’était en 2010, et Mme Katchadourian, qui a grandi en Californie, souhaitait apprendre certaines des recettes que la famille arménienne de son père avait apportées de Turquie. Son propre arrière-grand-père a été assassiné lors d’émeutes antérieures, à la fin des années 1800.
La violence infligée au peuple arménien est une chose que la famille de Katchadourian porte toujours en elle. Le génocide arménien a été officiellement reconnu par Joe Biden en avril, quelques jours seulement après le décès de Tante Nora, âgée de 90 ans, des suites d’un cancer.
« J’aurais aimé que tante Nora vive pour voir cela arriver », a déclaré Mme Katchadourian. « Elle a vécu une vie incroyable, avec beaucoup de déplacements et de difficultés ».
Cette histoire familiale diasporique se reflète également dans l’œuvre de l’artiste. « Cumulus », l’exposition actuelle de Katchadourian à la Pace Gallery, comprend une gravure, Lucy’s Sampler, qui reprend les motifs d’une broderie à l’aiguille réalisée par un autre membre de la famille, une survivante du génocide arménien adoptée dans un orphelinat par les grands-parents de Katchadorian.
« Elle est devenue une partie de la grande sœur, une partie de la seconde mère, une partie de la nounou de mon père », a déclaré Katchadourian. « Et pour moi, elle était comme une grand-mère ».
Lucy a réalisé la broderie originale lorsqu’elle vivait à l’orphelinat. Elle est restée accrochée aux murs de Mme Katchadourian pendant des années avant qu’elle n’ait l’idée de l’utiliser dans une œuvre d’art.
« Cette pièce est une façon de rendre hommage à son savoir-faire, d’attirer l’attention sur le traumatisme de sa vie, mais aussi de reconnaître que le travail de toute une vie a consisté à prendre soin des autres », a déclaré Mme Katchadourian.
L’émission met également en lumière un autre type de famille. The Genealogy of the Supermarket (2005-) propose un arbre généalogique ludique qui met en évidence les ressemblances entre différentes mascottes tirées des rayons des supermarchés, telles que la fille Sun-Maid, le bébé Gerber et le Chef Boyardee.
Cette fois-ci, Mme Katchadourian a ajouté 23 nouveaux membres de la famille à l’arbre, qui occupe un mur entier.
« C’est beaucoup de fantaisie et d’appariement », dit-elle. « C’est une drôle d’énigme à résoudre ».
Mais ces aliments transformés largement distribués, dont beaucoup favorisent la commodité dans la cuisine, n’ont presque aucun rapport avec les traditions culinaires arméniennes complexes.
« Pour ma famille arménienne, la nourriture était une affaire importante. Elle était très sociale et liée au désir de préserver notre patrimoine », dit-elle.
Malgré les inquiétudes de Tante Nora, elle a accepté d’accueillir Katchadourian et quelques amis pour ce qu’ils ont surnommé « l’Université de Kufte ». Les kufte, qui ne contiennent pas de viande, sont composés d’une enveloppe de blé bulgare et d’une garniture au beurre et aux noix, et sont servis dans un yaourt à la menthe avec du poulet ou de l’agneau.
