« Nous sommes une force politique essentielle, pas des citoyens de seconde zone », déclare Pakradounian

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Dans son bureau du parti Tachnag à Bourj Hammoud, le député Hagop Pakradounian n’a de toute évidence pas digéré les critiques acerbes dont son parti, et même la communauté arménienne globalement, ont fait l’objet à l’issue de la bataille électorale partielle du Metn. « En tant que parti, nous avons beaucoup œuvré pour un consensus au Metn, mais nous avions précisé dès le début que si la bataille avait lieu, nous serions aux côtés de notre allié », précise-t-il d’emblée. Avant de révéler que « plusieurs parties nous avaient demandé de rester neutres, notamment des alliés du président Amine Gemayel ou des médiateurs, qui se sont adressés non à nous directement, mais à des autorités religieuses ».

Il ajoute : « Or rester neutre à un tel moment équivaut à prendre position en faveur de l’adversaire du candidat du général Michel Aoun. D’un autre côté, il est regrettable que certains pensent que cette bataille était maronito-maronite et que les Arméniens n’avaient rien à faire là-dedans. Nous l’avons ressenti comme une insulte : aucun Libanais n’a le droit de dire à un autre Libanais comment il doit voter, nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone, mais une communauté essentielle de ce pays. »

M. Pakradounian a estimé que « si ces voix s’étaient prononcées en faveur d’Amine Gemayel, elles n’auraient pas été critiquées, et ce bien que celui-ci ait obtenu quelque deux mille voix arméniennes à Bourj Hammoud ». Mais le président Gemayel a parlé d’une série de fraudes et affirmé avoir mis en cause le parti et sa direction, non la communauté arménienne. « Est-ce notre faute si un inconnu est venu voter à la place d’un électeur ? répond-il. M. Gemayel a lui-même exprimé son inquiétude concernant une cinquième colonne qui chercherait à semer la discorde à l’occasion de ces élections. » Et les autres accusations de fraude ? « J’ai moi-même fait le tour de tous les bureaux, et je me suis adressé aux délégués des candidats, notamment ceux des Kataëb, précise-t-il. Ils étaient tous satisfaits de la bonne marche du scrutin. S’il y a eu des erreurs, nous n’en sommes pas responsables, pourquoi le parti le serait-il ? D’autre part, s’ils ont des preuves, qu’ils les présentent à la justice. »

Croit-il donc, en définitive, que ces attaques étaient circonstancielles ? Arborant un sourire amer, il dit : « J’aurais aimé le croire. Mais généralement, c’est dans de pareils moments de colère que les gens disent franchement ce qu’ils pensent. Amine Gemayel nous a carrément reproché de participer à une bataille qui n’est pas la nôtre. Avant lui, Gabriel Murr avait parlé en termes racistes. » Le député refuse de donner crédit aux déclarations plus mesurées qui ont suivi. « Leurs démentis rédigés à froid n’effacent pas les traces des déclarations faites sous le coup de l’émotion, argue-t-il. Cela s’est déjà vu en politique qu’un perdant déverse sa colère contre d’autres, mais pas avec cette hargne ni cette nervosité. Nous sommes sous le choc, un siège au Parlement valait-il la peine de tout cela ? »

« Marginalisés par le pouvoir »

Le député dénonce également la différenciation faite entre Arméniens et chrétiens dans certains discours, qu’il qualifie d’absurde. « Dois-je rappeler que nous sommes le premier peuple à avoir adopté le christianisme comme religion d’État ? s’exclame-t-il. D’un autre côté, nous n’avons besoin de certificat de libanité de personne. Nous avons prouvé que notre allégeance va à ce pays et nous ne nous sommes rendus coupables d’aucune violence. »
Pourquoi, selon lui, reproche-t-on au parti en particulier, et à la base du Tachnag en général, une mobilisation quasi totale pour un seul candidat, quel qu’il soit ? « Quel serait l’intérêt d’un parti si les gens ne prenaient pas en compte son choix de candidat ? répond M. Pakradounian. La vie politique au sein de la communauté arménienne est régie par les partis, quel que soit leur degré de représentativité, et cela je le considère comme un signe d’évolution en politique. Si la base vote pour le candidat du parti, n’en est-il pas de même pour les autres partis comme le Kataëb, le Parti socialiste progressiste, le Courant du futur, le Hezbollah ? Pourquoi ne reproche-t-on cela qu’aux Arméniens ? Nous sommes un très vieux parti et restons très proches de notre base. »

Quant au choix du candidat, M. Pakradounian souligne qu’en politique, les alliances se font et se défont. Pourquoi le parti a-t-il choisi d’être allié à l’opposition et non avec le pouvoir, comme à son habitude ? « Il faut demander aux pôles du pouvoir pourquoi ils nous ont marginalisés, lance-t-il. À Beyrouth, alors qu’en 2000, 84 % des voix arméniennes nous étaient acquises, nous avons perdu les élections. » Pourquoi cette marginalisation d’après lui ? « Ils ne sont peut-être pas d’accord avec nos positions politiques, ou plus encore, ils ne veulent pas de décision libre », dit-il.

Quelles conséquences aura cette polémique sur le parti et les arméniens en général ? « Les conséquences ont été positives, affirme M. Pakradounian. Nous nous sommes rendu compte de l’animosité que certains nous vouent. Mais qu’ils ne se fassent pas d’illusions, ils ne pourront diviser le parti ou le séparer de sa base, malgré toutes leurs tentatives. Beaucoup, et de bien plus importants, ont essayé avant eux sans y parvenir, puisque le Tachnag est le seul parti à n’avoir jamais connu de dissensions. »

« Les Metniotes sont encore plus proches de nous »
Le député relève une grande vague de sympathie envers la communauté arménienne exprimée actuellement par des parties très diverses. Et la rue arménienne ? « Ceux qui ont voté cette fois pour Amine Gemayel, tout comme ceux qui ont voté pour Gabriel Murr en 2002, le regrettent aujourd’hui », assure-t-il. Même si ceux-là ont spécifié qu’ils ne visaient pas la communauté arménienne ? « Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que chez nous, il n’y a pas de différence entre le leadership et le peuple, dit-il. Il n’y a pas d’hérédité politique, pas de grandes familles, pas de leaders absolus. Moi-même, j’étais un simple membre du parti il n’y a pas longtemps. »

Mais les habitants arméniens du Metn risquent-ils pas de se sentir isolés du reste de la population en raison de cette polémique ? « Bien au contraire, nous sentons que les Metniotes sont encore plus proches de nous », affirme-t-il. Et de s’insurger : « Nous ne sommes pas que des voix aux élections, nous sommes un parti qui travaille à longueur d’année et qui a pris des positions très fermes en faveur du dialogue et de l’unité nationale. C’est sur base de toute cette action que les gens votent. On loue souvent notre participation active à l’économie, mais nous ne sommes pas que des marchands et des artisans, nous sommes une force politique essentielle. »

Prié de commenter le résultat des élections et la répartition des voix selon les communautés, un point qui alimente aujourd’hui le débat politique, M. Pakradounian estime « qu’il ne faut pas donner à une législative partielle une dimension plus grande qu’elle ne mérite, surtout sur un fond de divisions communautaires ». Et d’ajouter : « Nous avons une très sombre période en perspective, il faut unifier les rangs chrétiens. »

L’Orient-Le Jour

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Author: raffi

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