Indifférent semble-t-il aux débats qui agitent régulièrement la presse et l’opinion arméniennes concernant l’intégrité douteuse des contrats publics, le gouvernement arménien vient d’accorder, sans procéder à quelque appel d’offres, un autre contrat à une compagnie appartenant à la puissante famille de Khathatour Sukiasian, l’un des rares oligarques qui avaient tenu tête au régime précédent et qui soutient ouvertement le gouvernement de Pachinian en place depuis mai 2018. Le ministère de l’intérieur d’Arménie, nouvellement créé, devrait verser à la compagnie SIL Insurance, environ 500 000$ pour financer les contrats d’assurance des quelque 2 000 véhicules utilisés par la police nationale. SIL aurait signé des accords similaires avec d’autres agences du gouvernement par le passé. Le ministère de l’intérieur a indiqué mercredi 15 février qu’il avait prospecté d’autres compagnies d’assurance, dont il avait estimé que les charges exigées pour les mêmes contrats d’assurance étaient plus élevées. Le ministère n’a toutefois pas jugé utile de préciser le montant exact de ces charges, ni d’expliquer pourquoi il n’avait pas eu recours à un appel d’offre. Les experts anti-corruption arméniens ont critiqué la décision du ministère, plutôt mal venue pour l’image du gouvernement de Nikol Pachinian, qui vient d’être épinglé dans le rapport annuel de l’organisation Transparency International, qui avait rétrogradé l’Arménie dans son classement des pays en fonction de la corruption. Tout en reconnaissant certaines lacunes et erreurs, qui ont pu limiter les effets de la politique anti-corruption dont il avait fait son maître mot en accédant au pouvoir, Pachinian avait rejeté aussi les torts sur les media arméniens, qui porteraient préjudice selon lui à l’image du pays en diffusant des informations erronées relatives à la corruption et notamment sur des faits d’enrichissement personnel imputés à sa famille politique. Varujan Hoktanian, qui dirige la branche locale de l’organisation dédiée à la lutte anti-corruption basée à Berlin,Transparency International, a pourtant affirmé de son côté que l’attribution d’un contrat public accordé sans respecter les règles de la concurrence à la compagnie du groupe Sukiasian comportait un “risque de corruption ”. “Je ne peux être sûrs qu’ils ont réellement fait des recherches [concernant d’autres assureurs]” a indiqué Hoktanian, cité par le Service arménien de RFE/RL. “Il est difficile de croire qu’ils ne sont pas passés par un appel d’offre faute de temps ”, a fait valoir de son côté Hayk Martirosian, un avocat consultant auprès de l’ONG allemande. La législation arménienne autorise le gouvernement à ne pas passer par des appels d’offre pour la fourniture de certains biens et services. Mais il semble que l’actuel gouvernement ait largement profité de cette clause, le nombre de décisions de ce type étant en hausse notable ces dernières années, suscitant l’inquiétude de l’opposition comme des militants de groupes civiques. Hoktanian a ainsi souligné que l’attribution arbitraire des contrats par le gouvernement était l’une des raisons pour lesquelles Transparency International avait rétrogradé l’Arménie dans son classement annuel sur l’état de la corruption dans le monde publié à la fin du mois de janvier. La lutte anti-corruption avait été le mot d’ordre de la révolution de velours qui avait porté Pachinian au pouvoir en mai 1918. L’actuel premier ministre s’était engagé à séparer le monde de la politique de celui des affaires durant la marche qui le conduira en deux mois au faîte du pouvoir, et n’avait cessé de répéter depuis que les hommes d’affaires arméniens n’avaient plus besoin de sièges au Parlement pour protéger ou accroître leurs biens. Pourtant, Sukiasian et d’autres riches hommes d’affaires arméniens siègent sur les bancs de l’Assemblée nationale sous l’étiquette du parti Contrat civil de Pachinian depuis les élections législatives anticipées de juin 2021. Sukiasian et sa famille, ou plutôt son clan, ont d’ailleurs largement développé leurs affaires et consolidé leur fortune depuis 2018. Le site d’investigation Hetq.am a notamment signalé en 2021 qu’une compagnie importatrice de pétrole créée par ce groupe en 2020 avait signé avec le ministère arménien de la défense des contrats de livraison d’un montant de 14 millions de $. C’est dans ce contexte que la police expulsait jeudi quelque 150 familles qui squattaient l’immeuble qui avait abrité le ministère de la défense à Erevan. L’immeuble, depuis bien dégradé, fournissait néanmoins un abri à des familles arméniennes dans le plus grand dénuement. Le gouvernement entend réhabiliter l’immeuble pour y installer le Comité national des taxes et revenus.
Nouveau débat en Arménie sur l’attribution douteuse des contrats publics
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