« Si j’avais su qu’il avait une famille je ne l’aurais pas tué » a regretté Ogun Samast lundi 1er octobre 2007 à la reprise du procès des suspects du meurtre du journaliste Hrant Dink. Trois des huits détenus ont été interrogés par les avocats de défense. Les déclarations des accusés sont contradictoires les unes vis-à-vis des autres.
Ogun Samast a déclaré « Yasin Hayal m’a forcé à faire ce travail. J’étais ainsi effrayé, je n’ai pas su ce qu’il allait se produire, j’ai tiré sur Hrant Dink. Quand j’ai repris conscience, j’étais dans la maison de mon oncle. Je n’ai pas pu dormir cette nuit, j’étais plein de remords. Si j’avais su qu’il avait une famille, je ne l’aurais pas tué ».
Ce sont d’abord les avocats de la défense qui ont posé des questions aux suspects. Les avocats avaient exigé que chacun des huits détenus viennent s’exprimer devant la cour mais seuls Ogun Samast, Tuncay Uzundal et Zeynel Abidin Yavuz ont pris la parole. Une partie des suspects en liberté n’étaient pas présents.
Selon l’avocat Bülent Akbay, Ogun Samast a déclaré que Tuncay Uzundal et Yasin Hayal avaient organisé le
meurtre et qu’il avait essayé de l’empêcher. Il a même affirmé que Yasin Hayal lui avait donné deux pillules
d’ecstacy pour l’encourager et qu’il avait fumé de la marijuana et qu’il a alors pris les deux pillules le matin avant le meurtre. Tuncay Uzundal a affirmé pour sa part que le suspect et informateur de la police Erhan Tuncel avait eu des contacts avec les chefs du PKK et qu’il suspectait le PKK d’avoir commis le meurtre.
Fuat Turgut, l’avocat controversé de Yasin Hayal lui-même accusé d’avoir eu un comportement menaçant et qui a publiquement soutenu la chanson du chanteur nationaliste Ismail Türüt a indiqué : « dans ce procès nous avons uniquement que des pensées d’intention. Pensez aux meurtres de personnes comme Ugur Mumcu, Ahmet Taner Kisasli, Necip Hablemitoglu. Est-ce Israël et les Etats-Unis qui les ont assassinés en premier? ».
Les avocats de la famille ont dit que la défense avait donné « des réponses très autoritaires » et que le meurtre était encore enveloppé de mystères. Le journaliste Etyen Mahcupyan a évalué les déclarations faites par les suspects « il y a des anomalies ».
Levent Dink le frère de Hrant Dink a déclaré « il était clair dès le commencement que le procès serait peu profond. J’ai su qu’ils exploiteraient les structures du code pénal turc qui ont besoin toujours de mûrir. Ils vont s’en sortir en s’accusant mutuellement ».
La cour n’a pas permis à des parents de la veuve de Hrant Dink d’assister à l’audition. Sevan et Mihail Yagbasan qui étaient venus de Bruxelles pour assister au procès sont restés à l’entrée de la cour.
Ufuk Uras, le député d’Istanbul pour le parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP) a assisté à l’audition. Il a déclaré
« nous allons constituer une commission parlementaire pour étudier le meurtre de Hrant Dink. Nous ferons tout pour jeter la lumière sur ce meurtre. Sans faire ainsi, il est impossible d’avoir un monde politique propre et une société transparente en Turquie ».
En référence à l’apparition récente d’un enregistrement d’une conversation téléphonique entre Erhan Tuncel et l’officier Muhittin Zenit du service de renseignements de la police, Ufuk Uras a vilipendé le gouverneur de Trabzon, qui avait décidé que la police de Trabzon n’avait pas besoin d’être remise en cause or pour ce dernier « des partenaires protecteurs dans le crime sont associé dans le crime » : « le ministère de l’intérieur est également coupable de n’avoir pas congédié le gouverneur. Nous ne cesserons pas ce procès jusqu’à ce que des sanctions punitives aient été appliquées aux officiers de police. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons pensé qu’un crime avait été commis en dehors de l’état, que l’Etat n’avait été qu’un soutien non intentionnel. En réalité, l’Etat, par certains de ses officiers, a participé au meurtre ».
Dans une déclaration devant le bâtiment de la cour, Erdal Dogan, un des avocats de la famille Dink, a affirmé : « chacun en dehors de lui-même a su que Hrant Dink allait être assassiné. Ceux qui ont été négligents ont été mis à l’écart des investigations. Le fait que Muhittin Zenit parlait toujours à Erhan Tuncel des mois après qu’il
ait été transféré [ de Trabzon à une autre ville ] prouve que les relations étaient toujours là ».
Un autre avocat de la famille Dink, Fethiye Cetin, a dit que les plaignants déposeraient une plainte criminelle au sujet de la conversation téléphonique enregistrée.
Claudia Roth du parti des Verts d’Allemagne a été autorisée finalement à observer le procès après un premier refus.
« Hrant était l’une des personnes les plus pacifiste. Aujourd’hui est le jour de la liberté d’expression. Hrant a été tué par l’article 301. Tous ensemble, nous devons continuer la lutte pour la liberté d’expression, qui est le bloc fonctionnel le plus basique de la démocratie » a-t-elle déclaré « n’oubliez pas parce qu’oublier tue ».
Elle a dit qu’après l’enterrement de Dink, elle avait été choquée par l’attitude de Deniz Baikal le président du CHP envers l’article 301.
En outre étaient présents devant le bâtiment de la cour me militant Mustafa Sutlas, les journalistes Ali Bayramoglu, Nadire Mater, Ertugrul Kurkcu et Yavuz Baydar, la veuve du chanteur Ahmet Kaya, Gülten Kaya, l’écrivain Umit Firat, l’acteur Mahir Gunsiray, Murat Belge et Ayþe Onal.
Le comité de surveillance du procès de Hrant Dink a fait une déclaration à la presse sur la place Besiktas, près de la cour. Il y avait plus de 200 participants, y compris le chanteur Ferhat Tunc,l’acteur Mehmet Ali Alabora, le journaliste Cengiz Aktar, Celalettin Can et Nimet Tanrikulu de
Initiative 78 Turquie et l’écrivain Ragip Zarakolu.
Ils portaient des portraits de Hrant Dink. Après la déclaration ils ont crié « nous sommes tous Hrant Dink, nous sommes tous des Arméniens », le slogan qui avait été employé à son enterrement.
